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Archive for novembre 30th, 2013

Bach to black | Critique d’Olivier Arteau-Gauthier

Bach : le mal nécessaireArticle d’Olivier Arteau-Gauthier.

Longtemps condamné aux oubliettes, Bach n’était plus qu’un personnage légendaire, une icône qui fait-de-la-belle-musique… jusqu’au jour où on lui donne un nouveau sens et qu’on le marie avec un butô américanisé.

Marié à sa cousine Maria Barbara Bach, Johann Sebastian Bach eut d’abord sept enfants. Si le nombre d’interprètes, qui s’élève à sept, est un hasard, il n’en demeure pas moins qu’il devient chargé de sens. L’œuvre de Bach étant la prémisse de ce travail chorégraphique, les jeunes interprètes ont dû s’abandonner à la musique classique tout en teintant leur gestuelle de la contemporanéité dans laquelle elle est inscrite. Dès lors, nous avons pu observer, lors d’un tableau, les interprètes tentant de reproduire les mélodies du compositeur et qui en viennent à se détruire l’un l’autre. Qu’il s’agisse d’une dérision de notre société perfectionniste ou d’un auto-sabotage, ces moments dramatiques (et absurdes!) forment la jouissance du spectacle. Il faut également saluer le courage et l’audace des interprètes quant à ces sections plus intimes où ils se livrent avec beaucoup moins de pudeur que tous les autres moments dits dansés. Encore faudrait-il questionner ce qui est de la danse et ce qui n’en est pas!

Érick d’Orion à la conception sonore signe ici un coup de génie. Rendre contemporaines les œuvres les plus inconnues d’un des plus grands compositeurs classiques sans les dénaturer relève de l’exploit ! D’Orion parvient à créer une ambiance sonore équilibrée en juxtaposant la musicalité complexe de Bach à un capharnaüm de bruits sourds. Ainsi, la chorégraphie parfois très rythmée se retrouve ensevelie par de longues notes interminables et les séquences gestuelles où la tension des corps est contrôlée se méritent une symphonie complexe, très variée au niveau musical. Il crée ainsi des oppositions intéressantes qui rendent justice aux mots du chorégraphe : « la musique a pu faire naître et évoluer la danse ; réciproquement la danse a pu faire évoluer les compositions musicales. »

Toutefois, on pourrait questionner la présence du mal dans l’œuvre de Veillette. Voulant peindre la vie et plus particulièrement l’humanité, le chorégraphe rend compte de cette perpétuelle course contre la montre que l’on mène incessamment, de ces élans de folie parfois incontrôlés et de cette implacable beauté… mais où est le mal en soi? Il s’avère que les segments lyriques ont tous le même effet, la même teinte ; tours sur place, portés et quelques courts adages façonnent la plupart des danses de groupe. On aurait possiblement apprécié un peu plus d’intensité, de poids, d’élans à quelques moments afin d’ancrer davantage le procédé d’opposition récurrent dans l’œuvre de Veillette et d’appuyer ce mal que l’on voudrait sentir nécessaire.

L’influence du butô (plutôt rare au Québec, admettons le !) est une façon ingénieuse d’aborder la lenteur tout en le mariant avec humour. Installés comme dans les séances chez le photographe, les sept interprètes usent de leur faciès afin d’exprimer des émotions très fortes qui deviennent rapidement risibles. La reprise de ce même segment est d’autant plus percutante étant donné qu’elle suit un moment théâtral engageant pour les artistes, voire douloureux! Également, vers la fin de la pièce, les danseurs se mettent à chanter, tout en dansant, les paroles allemandes de Bach. Ainsi, ils font un pied de nez amusant au compositeur en appuyant le fait que sa musique peut paraître intense auprès des citoyens du XXIe siècle.

Bach : le mal nécessaire est une œuvre qui se démarque par ses jeux d’oppositions, de contrastes qui, s’organisant, deviennent homogènes. Du butô aux sissonnes, du classique aux sons lugubres, de l’euphorie à la tragédie, from Bach to black, Mario Veillette a su mélanger acquis et fantasmes et nous porte dans un univers éclectique qui lui est propre. À quand Vivaldi? Un Sacre du printemps aux inspirations japonaises? Pourquoi pas.

Auteur : Olivier Arteau-Gauthier

MAtv Québec – Sorties culturelles : vos suggestions?

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Article de Marie-Ève Lord, paru sur le blogue MAtv Québec le 22 novembre 2013

Comme je le mentionnais dans mon premier billet, j’ai choisi d’emménager à Québec, entre autres, pour l’effervescence créative, artistique et culturelle qui y règne. Était-ce une simple perception de ma part? Cette croissance de l’activité culturelle est-elle illusoire ou bien réelle?
A-t-elle des répercussions économiques et sociales positives pour la région de Québec? C’est ce que j’ai eu envie de vérifier.

Les bonnes nouvelles

Selon le plus récent portrait et diagnostic culturel de la région de la Capitale-Nationale, publié par le Conseil de la culture de la région de Québec, le nombre d’artistes au cours des dernières années aurait augmenté plus rapidement que la population active. Ainsi, on compte aujourd’hui, dans la région de Québec, plus de 11 000 travailleurs culturels dont 3 000 créateurs et artistes professionnels.

Considérant cette augmentation, pas étonnant qu’on remarque également une croissance de l’offre de spectacles professionnels: pas moins de 2 132 représentations de spectacles ont été offertes en 2010 seulement, soit une augmentation de 14% au cours des cinq dernières années.

Autre fait intéressant, la contribution du secteur des arts et de la culture au PIB régional est de 1,1 milliard de dollars, soit environ 4,5% du PIB total. Preuve que les arts et la culture peuvent être (si on favorise leur épanouissement) de véritables leviers économique et social.

La relève dans tout ça?

On le sait, la relève est un enjeu important dans tous les secteurs d’activités, tant au niveau de la transmission du savoir que pour le développement et la pérennité d’une industrie. Y a-t-il une relève artistique dans la région Québec? Oui! Et on fait tout pour l’aider à se développer. Comment?

Soulignons, entre autres, l’Entente de partenariat portant sur la relève artistique et culturelle professionnelle de la région de la Capitale-Nationale. Par cette entente, le CLD de Québec, le Forum jeunesse de la région de la Capitale-Nationale, le CALQ, le ministère de la culture et des communications, la Conférence régionale des élus de la Capitale-Nationale et le Conseil de la culture de la région de Québec (je reprends mon souffle), ont comme principaux objectifs de soutenir financière la réalisation de projets, les artistes et organismes professionnels de la relève, mais aussi la réalisation d’une étude portant sur la situation de la relève ainsi que l’élaboration d’un plan d’action.

Où en sommes-nous avec cette entente? Quels sont les résultats? Selon Yannick Fortier, coordonnateur à la Conférence régionale des élus de la Capitale-Nationale, nous devrions en savoir davantage au cours de l’année 2014. Pour le moment, tout ce qu’on sait, c’est que l’Entente répond à un tel besoin qu’après sa création en 2005, elle fut reconduite de 2009 à 2012, puis prolongée en 2013.

Mais concrètement, si on est un artiste de la relève dans la région de Québec: qui, quoi, où et comment peut-on avoir de l’aide? Je fus en effet très surprise de ne pouvoir mettre la main sur un répertoire d’organismes venant en aide à la relève artistique. Ça ne semble pas exister formellement. Toutefois, on m’a rassuré en me disant que le Conseil de la culture et ses onze tables disciplinaires ouvrent grandes leurs portes aux artistes de la relève, que ce soit pour de l’information, de l’accompagnement, de la formation ou pour créer des liens à l’intérieur de leur discipline.

Les mauvaises nouvelles

Attention, toutes ces belles statistiques et initiatives ne signifient pas que l’on peut s’assoir sur nos lauriers! La variété et l’effervescence du secteur culturel sont certes palpables dans la région de Québec, mais la situation demeure tout de même fragile. Très fragile.

Comme beaucoup de secteurs, celui des arts et de la culture est grandement affecté par le ralentissement économique, les choix politiques, l’évolution technologique et l’environnement social, comme le vieillissement de la population. De plus, on remarque toujours des disparités par rapport à l’accès à la culture dans certains territoires de la région.

Côté financement, le secteur privé ne semble pas encore réaliser l’importance de son implication. Dans la région de Québec, seulement 8% de tous les revenus des organismes artistiques proviennent d’un financement privé. Alors qu’à Montréal on parle de 17% et même 14% pour d’autres régions du Québec.

«Et alors, ils sont subventionnés», me direz-vous? Sachez que moins de 10% des revenus des organismes artistiques viennent du gouvernement du Canada, 25% proviennent du gouvernement du Québec et 6% des administrations municipales.

Bref, bien qu’il soit fort, multidisciplinaire et créatif, notre secteur culturel doit constamment jongler avec tous ces facteurs. Quant aux organismes culturels et aux artistes, au quotidien, ils marchent carrément sur la corde raide (faibles revenus, emplois temporaires, coûts de création et de productions, etc.)

Quelle sera votre prochaine sortie culturelle?

La meilleure façon d’assurer un secteur culturel dynamique et en santé est bien sûr d’en consommer. Heureusement, le diagnostic semble positif à cet égard et témoigne même de taux de fréquentation et de participation supérieurs à ceux observés pour l’ensemble de la population québécoise (le nombre de spectateurs aurait augmentés de 10% au cours des cinq dernières années).

Pour ma prochaine sortie culturelle, j’amène mon amoureux voir Bach: le mal nécessaire (gracieuseté de La Rotonde), à la Salle Multi de Méduse.

Et vous, que ferez-vous? Avez-vous des suggestions? 🙂

Vous manquez d’inspiration? Rendez-vous sur quoifaireaquebec.com! Ou regardez l’émission LeZarts. 🙂

Où suis-je?

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L’auteure de cet article, Marie-Ève Lord, est blogueuse pour MAtv Québec.