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Cas Public
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Cas Public

C’est au tournant des années 80 que Hélène Blackburn, figure montante d’une deuxième génération de créateurs en danse contemporaine, fonde sa compagnie. Le choix du vocable, Cas Public, exprime la volonté de se soustraire au mythe du chorégraphe omniscient et de rassembler autour d’une recherche chorégraphique commune des artistes et artisans de divers horizons. Pour Hélène Blackburn, la création est un acte collectif et la danse, un art de groupe, d’engagements mutuels, intimes et sociaux.

La trajectoire de Cas Public est sans équivalents dans le paysage de la danse professionnelle au Québec. Considérée aujourd’hui sur la scène mondiale comme une cheffe de file en création pour l’enfance et la jeunesse, la compagnie foulait d’autres ornières au milieu des années 90. Depuis son entrée en piste, Cas Public avait déjà produit et diffusé quatre spectacles destinés à un public adulte : Les porteurs d’eau (1990), Dans la salle des pas perdus (1991), Les régions du Nord (1993), Bestiaire (1994) et Suites furieuses (1995).

C’est avec ce dernier spectacle que la compagnie prend véritablement ses marques en Europe et sillonnera en long et en large le territoire québécois sous l’égide d’un nouveau réseau de diffusion : La danse sur les routes du Québec (DSR). L’œuvre touche par l’impétuosité du mouvement, le geste tracé au scalpel, l’engagement physique des interprètes et son propos : la fureur de vivre et d’aimer, malgré les heurts, les difficultés de communication et les frustrations sociales.

L’approche audacieuse de la chorégraphe, Hélène Blackburn, répercutée sur scène par des interprètes en feu, explique que la compagnie se soit vu confier le rôle d’ambassadrice de la danse contemporaine au Québec. Mission qu’elle acceptera volontiers de remplir et qui la conduira là où elle ne s’y attendait pas.

En replaçant dans l’ordre du temps les œuvres qui jalonnent le parcours de Cas Public depuis 30 ans, se dessine le trajet d’une quête : faire œuvre publique avec une danse accessible, inclusive et à haute tenue. Cette ambition a agi, et continue d’agir, tel un mantra dans la fabrique intime de la chorégraphe, l’aire privée du processus de création avec les interprètes et les concepteurs et dans les choix stratégiques de l’organisation. Dont celui d’opter, en 2005, pour un fonctionnement de troupe permanente pouvant compter sur cinq à neuf danseurs salariés à l’année, selon les projets de création et de diffusion, et disposant de conditions de recherche et de création à la mesure des ambitions de Cas Public. Cette décision, qui n’était pas sans risque sur le plan financier, propulsera la compagnie dans les lignes majeures de la création et de la diffusion en direction des jeunes publics au tournant des années 2000.

Bon an mal an depuis lors, la compagnie est en tournée pendant près de quatre mois et dans la majorité du temps à l’extérieur du pays. Avec deux ou trois spectacles différents dans les valises, ce sont plus d’une centaine de représentations données, chaque année, dans différents contextes : en matinée scolaire, en soirée pour le tout public ou, encore, la fin de semaine, pour un public familial. Au nombre des destinations courantes de Cas Public sur la scène internationale : la France, la Norvège, la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

À l’instigation de diffuseurs de la DSR, désireux de développer un public pour la danse contemporaine, Cas Public se lançait, en 2001, dans la création d’une œuvre pour le jeune public. Cette incursion dans l’univers de l’enfance, qui s’accompagne d’une immersion dans l’univers du conte, a pour titre : Nous n’irons plus au bois. Très librement inspirée du Petit Chaperon rouge, d’après Charles Perreault et les frères Grimm, la chorégraphie fait appel au théâtre pour mettre en jeu la rencontre d’un loup avec un chaperon rouge et déballer tout un chapelet de peurs enfantines. Le spectacle, présenté plus de trois cents fois à des publics d’enfants, au Québec et à l’étranger, confirme leur intérêt pour la danse et la rareté des propositions créées à leur intention. S’ouvre alors un chemin de traverse que Cas Public sera tenté d’emprunter tout en continuant d’aller à la rencontre du grand public.

A partie de 2010, la chorégraphe attitrée veut ramener la danse au premier plan, renouer avec une approche plus formelle, plus axée sur le mouvement et la théâtralité du corps dansant. Élever la barre, sans remettre en cause la création en direction du jeune public, et en finir avec la fragmentation des publics résument la direction donnée à ce nouveau cycle de recherche et de création.

Dans une continuité de plus de trente ans, faite de hasards, de prises de risque, d’opportunités, de remises en question et de ruptures artistiques, Cas Public a fait son nid au Québec et dans le monde en tissant sa toile aux quatre coins d’un territoire artistique à peu près inexploré en danse contemporaine. Celui de l’enfance qui embrasse l’adulte, et inversement, par la magie du spectacle de danse se déboitant comme une poupée russe, sous la conduite d’interprètes éblouissants de virtuosité, d’éloquence physique et de présence scénique. En complicité avec des collaborateurs au long cours, à la musique et aux costumes, notamment, la scène accueille la danse, tel un écrin couvant et révélant la théâtralité du corps dansant, son pouvoir d’évocation et de mise en partage sensible et intelligible d’une réflexion sur l’état du monde dans ses parts d’ombre et de lumières, son poids d’humanité et de résistance.

Mise à jour de la biographie : 18 mars 2022
Photo : Damian Siqueiros