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Archive for octobre 14th, 2015

Chroniques du regard 2015-2016 – Prismes par Benoît Lachambre

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Un prisme est un instrument optique qui possède de nombreuses possibilités et vertus. Il peut être utilisé pour réfracter – diffracter – polariser la lumière, pour la réfléchir ou la disperser, tout en pouvant créer des interférences. Capable de décomposer la lumière, on le voit souvent utilisé comme jouet pour transformer la lumière du soleil en arc-en-ciel.

Un prisme, c’est déjà tout un univers de possibilités. Imaginez-en plusieurs et reprenez la lecture du paragraphe précédent en remplaçant le mot « lumière » par « perception de la danse ». Vous aurez une idée de ce qui vous attend  dans le spectacle de Benoît Lachambre produit par Montréal Danse.

Prismes c’est un spectacle hautement maîtrisé (chorégraphie, éclairage, scénographie), avec des danseurs fabuleux, et qui a été récipiendaire du Prix du CALQ de la meilleure œuvre chorégraphique de la saison 2013-2014.

Prismes c’est pour vous si vous aimez les œuvres divertissantes mais radicales, riches en possibilités d’analyse, très bien construites mais qui font éclater les conventions.

Prismes c’est pour vous si, quand vous allez voir un spectacle, vous êtes prêts à vous libérer de vos repères habituels, prêts à accepter le jeu conceptuel proposé par un créateur (même s’il peut être déstabilisant).

Benoît Lachambre, chorégraphe de Prismes, est un artiste de la danse actif depuis les années 1970. Reconnu internationalement (surtout en Europe), il est interprète, chorégraphe et enseignant. Depuis sa découverte de la Release Technique au milieu des années 1980, son travail s’est sans cesse abreuvé à l’approche kinesthésique du mouvement et à l’apport de l’improvisation en danse, autant dans la recherche que dans la composition chorégraphique. Faisant évoluer la danse dans un « espace vivant », il est toujours à la recherche de l’authenticité du geste et explore les sens pour en tirer le maximum, dans un état qu’il nomme « l’hyper-éveil des sens ». Source : Site Web Par B.L.eux 

Son langage chorégraphique est complètement investi dans le temps présent et dans la recherche d’une conscience toujours plus authentique. « Dans ses créations, Benoît Lachambre cherche aussi à dynamiser le performeur de façon à modifier son expérience empathique avec le spectateur. Parmi ses plus fortes influences, Benoît Lachambre aime citer Meg Stuart, avec laquelle il collabore régulièrement, mais aussi Amélia Itcush pour son travail sur la dispersion de poids dans le corps. »

Grâce à Par B.L.eux, sa compagnie de danse contemporaine fondée en 1996, il fait de nombreuses rencontres artistiques et collabore, au fil des ans, avec plusieurs chorégraphes reconnus internationalement ainsi qu’avec des artistes provenant d’autres disciplines. Nommons ici Boris Charmatz, Sasha Waltz, Marie Chouinard et Louise Lecavalier. Il a aussi souvent travaillé avec la chorégraphe Meg Stuart (compagnie Damaged Goods) et le musicien Hahn Rowe. Ce trio a créé ensemble Forgeries, Love and Other Matters (2003): spectacle qui a reçu le prestigieux prix américain Bessie Award en 2006. Sa liste de commandes chorégraphiques compte plus de 25 œuvres et, en tant qu’enseignant, il offre des classes et ateliers de formation partout dans le monde depuis 15 ans.

En 2013, il recevait le Grand prix de la Danse de Montréal pour Snakeskins.

En 2014, il recevait le prix du CALQ de la meilleure œuvre chorégraphique pour Prismes.

Pour les amateurs d’images télévisuelles, je propose ici une entrevue ainsi que trois courts reportages: le premier sur Hyperterrestres présenté à Montréal en mai 2015, le deuxième sur Snakeskins (2012), le troisième sur une commande chorégraphique du Cullberg Ballet (High heels too, 2013).

Notons ici que vous pouvez vous amuser à devenir apprenti chorégraphe avec les interprètes Carole Prieur et Benoît Lachambre en utilisant sur vos i-appareils l’application artistique et créative CANTIQUE de la compagnie Marie Chouinard.

Le spectacle Prismes, en plus d’être divertissant, offre aux spectateurs la chance de devenir participants actifs d’une expérience de perception basée sur la lumière et ses multiples possibilités. On voit dès le début du spectacle (en se le faisant expliquer par les interprètes) que les changements d’intensité, de direction ou de couleur d’éclairages ont un effet indéniable et presque magique sur notre perception des objets.

Dès le début du spectacle, qui n’est jamais ni vide ni creux, on est amenés à prendre conscience du jeu dans lequel on embarque avec plaisir pour 70 minutes de montagnes russes perceptuelles. La musique amène le spectateur de l’Orient au club de danseuses… La scénographie manipulée à vue du spectateur passe du décor baroque à une structure minimaliste finement ciselée semblant parfois flotter dans l’espace… Les styles de danses et de mouvements alternent du plus « flash » au plus intime, du kitsch au plus classique, du chaos à la symétrie, du vaudeville à la non-danse… Dans ce voyage perceptuel, on peut rire autant qu’être fasciné par le travail très riche des six interprètes (passant du travail musculo-squelettique à celui des structures internes en passant par l’interprétation théâtrale utilisant le texte et la parole). Le magnifique travail d’éclairage de Lucie Bazzo permet d’entrer profondément dans chacune des expériences proposées en offrant des transitions toutes en douceur d’une ambiance à l’autre…

Tous excellents, les interprètes expérimentés se livrent sans pudeur dans une œuvre très complexe aux lectures multiples offrant un kaléidoscope d’études sur la présence du corps oscillant entre la réalité et le fantasmatique. Les aficionados de la danse contemporaine feront la connaissance de l’interprète Élinor Fueter et reconnaîtront les autres interprètes, vus dans les saisons précédentes de La Rotonde: Sylvain Lafortune, Alexandre Parenteau, Peter Trosztmer et Annik Hamel, ainsi que Rachel Harris, anciennement de la Compagnie Danse-Partout.

Prismes a été qualifié de « festin pour l’œil » créé par un « chorégraphe avant-gardiste » , de « spectacle où le plaisir prime avant tout » , un spectacle qui ramène « le diable au corps » .

Une expérience à ne pas manquer !