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Archive for décembre 11th, 2018

Chroniques du Regard 2018-2019 | 05 – bang bang

bang bang de Manuel Roque

Le solo bang bang sera présenté trois soirs à la salle Multi de Méduse. Chorégraphié et interprété par l’artiste montréalais Manuel Roque, le spectacle d’environ une heure est présenté comme une expérience performative dont le thème principal est le saut. L’expérience est intense, autant pour le danseur que pour le public. La proposition et les recherches esthétiques sont actuelles et le chorégraphe-interprète a gagné son pari créatif, récoltant au passage le Prix du CALQ de la meilleure œuvre chorégraphique de la saison 2016-2017 et le prix de la danse de Montréal 2017, catégorie interprète, pour Manuel Roque.

6.bang bang with Manuel Roque_photo Marilène Bastien

 

bang bang, c’est pour vous si vous aimez les chorégraphies minimalistes, performatives et crues, présentées sans artifice.

bang bang, c’est pour vous si vous aimez les interprètes-kamikazes engagés intensément dans des performances exigeantes.

bang bang, c’est pour vous si vous avez aimé Running Piece et Solo 70 présentés cet automne par La Rotonde.

 

3.bang bang with Manuel Roque_photo Marilène Bastien

Le spectacle

Manuel Roque aime les défis et il s‘en donne plusieurs dans bang bang. À partir d’une recherche fondamentale incluant certains aspects de la théorie de la relativité d’Einstein, certains éléments de compréhension de la mécanique quantique et puisant également dans la théorie des cordes, le chorégraphe-interprète en est arrivé à un spectacle solo explorant différentes utilisations esthétiques de l’action de sauter.

Présenté comme un rituel contemporain personnel et une étude sur le dépassement de soi, bang bang exige un interprète démontrant une résistance à toute épreuve. La partition chorégraphique confronte la notion de performance, autant la performance en tant que pratique artistique que la performance athlétique et marathonienne.

Le danseur est là pour faire des choses au lieu de les montrer ou de les démontrer. Il n’est pas là pour présenter du spectaculaire ni dans une visée séductrice. Dans une certaine mesure, il vise l’effacement de l’Ego. À travers ses séries de sauts et de déplacements, le danseur veut arriver à se faire oublier en tant qu’humain. L’un de ses buts est de n’être perçu que comme une matière bougeant dans l’espace-temps du spectacle, sans trame narrative ni questionnement sur le sens de la réalité présentée.

Les « cahiers de charge » de l’interprète sont nombreux. Véritable épreuve marathonienne, le spectacle est écrit très clairement. Les mouvements et séquences sont précisément placées dans l’espace et dans le temps : les pas, les directions spatiales et les sauts (comptés en 11, un défi non négligeable!). Tout doit être exactement dansé tel que prévu. Le danseur n’a pas le droit de simplifier (par exemple, couper ou modifier une séquence) pour se faciliter la vie ou parce qu’un malaise quelconque apparaîtrait durant la performance.

Toutefois, le danseur peut intégrer à son interprétation les éléments divers qui surviennent et happent sa conscience ou sa conscientisation du moment. Ce qui se passe en temps réel (une foule d’incidents peuvent arriver) est donc additionné à sa partition pour désormais faire partie du tout. L’expérience immédiate du danseur, qui est déjà très complexe, se retrouve donc enrichie par l’expérience elle-même. Le public peut ainsi, tout d’abord, profiter d’une expérience réelle : observer le danseur dans la réalité d’une action performative. Et le danseur souhaite même aller plus loin dans l’expérience du spectateur : l’amener en voyage avec lui, par empathie kinesthésique.

Métaphore critique d’un rythme de vie occidental et contemporain, bang bang pouvait, de premier abord, sembler n’être qu’une autre quête nihiliste sur la vie contemporaine, le désespoir, le vide des aspirations et l’inutilité du « gigotage » sur scène des danseurs contemporain. Mais la réalité de ce qui est présenté amène l’œuvre à un autre niveau.

Sans forcer l’adhésion complète et inconditionnelle à son propos, le danseur essaie très fort d’amener le spectateur en voyage avec lui. Les connaisseurs de danse peuvent ainsi voir le danseur « chatouiller » différentes traditions de danse, présenter différentes formes ou séquences tirées du riverdance, de la claquette ou même du ballet. Les gens intéressés par le dépassement physique et la condition humaine peuvent voir l’homme devenir machine à souffler, à grogner ou à chantonner. Et tous peuvent suivre l’évolution graphique de son costume trempé de sueur.

Créé en 2017, le solo bang bang a été présenté en première à Lyon, ensuite à Barcelone, au FTA de Montréal, au Festival June Events à Paris et en reprise au Théâtre La Chapelle en novembre 2018.

2.bang bang with Manuel Roque_photo Marilène Bastien

L’interprète et chorégraphe

Après des études en théâtre et en cirque à l’École nationale de cirque de Montréal, Manuel Roque travaille avec le cirque Eloize avant d’entrer dans le monde de la danse où il devient interprète pour les compagnies d’Hélène Langevin, de Dominique Porte, de Sylvain Emard et de Paul-André Fortier avant de joindre la Compagnie Marie Chouinard.

Il chorégraphie depuis plus de quinze ans : Brendon et Brenda (2002), Ô mon bateau (2004), RAW-me (2010) qui reçoit le prix du festival Vue sur la Relève 2011. Suivent dans son corpus Ne meurs pas tout de suite, on nous regarde (2012) et quelques chorégraphies pour des événements de cirque.

À travers la Compagnie Manuel Roque, fondée en 2013, il crée, entre autres, un projet in situ pour l’espace public de la Place des Arts de Montréal et le solo Data (présenté en 2017 par La Rotonde et le Musée national des beaux-arts du Québec), diffusé en tournée internationale. En 2015, il présente 4-OR à Tangente et à Parcours Danse.

Dans ses œuvres chorégraphiques, il aime aborder les thèmes de l’absurde et du néant ainsi que la rupture d’équilibre.

« Son univers créatif s’intéresse au métissage des langages contemporains et met en danse une virtuosité kinesthésique jumelée à un questionnement polymorphe sur la condition humaine contemporaine. » Source : Manuel Roque, profil de membre du RQD

« Manuel Roque a remporté le Prix du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) pour la meilleure œuvre chorégraphique de la saison artistique 2016-2017 ainsi que le Prix de la danse de Montréal, catégorie INTERPRÈTE. Les deux prix lui ont été décernés à l’Édifice Wilder dans le cadre de la remise des PRIX DE LA DANSE DE MONTRÉAL (PDM).

Le Prix du CALQ pour la meilleure œuvre chorégraphique, qui souligne l’excellence d’une œuvre d’un chorégraphe québécois présentée pour la première fois sur scène au Québec au cours de la saison précédente, lui a été décerné pour son solo bang bang, présenté au Festival TransAmériques en juin dernier. Les membres du comité de sélection du CALQ ont été captivés par la performance époustouflante de Manuel Roque dans cette œuvre d’une grande charge émotive. Ils ont voulu souligner l’état de grâce que semble atteindre Manuel Roque dans ce solo, « qui nous rappelle que le corps humain est une machine étonnante, aux possibilités illimitées. »

Le Prix INTERPRÈTE, présenté par le Regroupement québécois de la danse et la Caisse Desjardins de la Culture, est décerné à un artiste québécois s’étant démarqué dans une œuvre présentée sur la scène professionnelle au Québec au cours de la saison précédente. Ce prix vient mettre en relief le parcours diversifié de Manuel Roque, un « danseur poétique et d’une grande virtuosité » qui détient « un solide bagage athlétique et technique. » Le jury a retenu sa passion pour la création, la qualité de son engagement, ainsi que la rigueur et la profondeur de sa démarche. »Source : Site de la Compagnie Manuel Roque

Manuel Roque est membre de Circuit-Est centre chorégraphique et, en 2018, il a dansé Running Piece de Jacques Poulin-Denis lors de sa création (une chorégraphie interprétée à Québec par Fabien Piché en octobre dernier).

5.bang bang with Manuel Roque_photo Marilène Bastien

Les collaborateurs

Répétitrices et conseillères artistiques : Sophie Corriveau et Lucie Vigneault
Dramaturgie : Peter James
Costumes et scénographie : Marilène Bastien
Lumières : Marc Parent
Trame sonore : Manuel Roque incluant des extraits de Debussy, Chopin, Merzbow, 2001 Space Odyssey, Tarkowky
Direction de production : Judith Allen
Parrainage au développement et à la diffusion : Daniel Léveillé Danse (DLD)

Les critiques

« C’est un manifeste que livre Manuel Roque à travers son solo bang bang ; une étude, presque un avertissement, sur l’engrenage à vis sans fin que peut être, en danse, la recherche de l’endurance, du dépassement, de la performance physique — de la virtuosité, si on voulait extrapoler… —, et son danger potentiel de mécanisme à broyer l’humain, l’humanité d’un interprète. » Catherine Lalonde, Le Devoir

« Comment danser et disparaître en même temps ? Manuel Roque pose la question avec sa nouvelle création, bang bang. Sa réponse tient dans une oeuvre dépouillée et d’une grande sobriété, où les contours de l’identité s’effacent sous les coups de la répétition. » Iris Gagnon-Paradis, La Presse

« There is something dynamic about watching this nuanced solo dance, his intention, his work with gravity and his fulfillment of the task at hand. Roque uses his body logically and intelligently, and his technique has an articulate, disciplined complexity. » Philip Szporer, thedancecurrent.com

4.bang bang with Manuel Roque_photo Marilène Bastien

Les liens externes

Bande annonce du spectacle (01: 54) Etude dans l’air du temps sur le dépassement de soi, bang bang est un objet scénique pour soliste kamikaze qui tourne autour de la notion de résistance.

Entretien avec Manuel Roque : bang bang (16 : 25)

bang bang remporte le Prix du CALQ pour la meilleure œuvre chorégraphique (saison 2016-2017)

Chronique radio à Québec, réveille! : Retour sur bang bang (2017) par Vanessa Bell (11: 06)

 

Photos : Marilène Bastien