La Rotonde
En
En

Archive for février 25th, 2019

Chroniques du Regard 2018-2019 | 07 – Pour

Pour de Daina Ashbee

La Maison pour la danse accueillera, pour quatre soirs, le spectacle Pour de la chorégraphe montréalaise Daina Ashbee, un solo d’une heure interprété par Paige Culley. Auréolé de prix autant pour la chorégraphe que pour la chorégraphie et l’interprète, Pour arrive à Québec après avoir tourné dans de nombreux pays depuis 2016.

2Pour_Photo Daina Ashbee_Interprète Paige Culley.

 

Pour, c’est pour vous si vous aimez les œuvres contemporaines radicales à la lisière de la danse et de la performance.

Pour, c’est pour vous si vous voulez entrer en contact avec l’œuvre d’une jeune chorégraphe reconnue par plusieurs comme « une jeune étoile montante de la scène internationale de la danse ».

Pour, c’est pour vous si vous voulez voir une œuvre récipiendaire de nombreux prix et reconnaissances.

 

1Pour_Photo Daina Ashbee_Interprète Paige Culley

Le spectacle

Depuis ses premières présentations à Montréal en 2016 (Théâtre La Chapelle) et 2017 (Festival TransAmériques), Pour a tourné en France, en Espagne, dans les pays scandinaves ainsi qu’en République tchèque et en Belgique. Avant une nouvelle série de représentations à Montréal en 2019 (Agora de la danse), le spectacle aura aussi été présenté à Toronto et à Vancouver.

Pour est le titre anglais du spectacle. D’une part, le verbe anglais « to pour » peut se traduire littéralement par « verser ». Il fait aussi référence, pour la chorégraphe, à d’autres actions dont celles de renverser et de contrôler ainsi qu’à certaines formes plastiques du liquide, dont les gouttes et les éclaboussures. Dans Pour, Daina Ashbee cherchait à en connaître plus sur le phénomène de la transformation par la répétition et de la répétition vers la transe. Cette recherche portait également sur la vulnérabilité dans la chorégraphie.

Pour est une œuvre radicale et performative abordant des thèmes intimes et personnels. Dans cette proposition, la présence scénique d’un corps nu qui s’affiche sans retenues ni artifices dans une lumière crue pourra confronter certains spectateurs. La chorégraphe en explique d’ailleurs les intentions dans une entrevue pour le site Podium: «  Je pense que le corps a beaucoup de choses à exprimer et j’ai le sentiment que la musique, les lumières et les costumes ne sont là que pour mettre en valeur ce que le corps cherche à exprimer. […] D’une certaine manière, [la nudité] encourage l’expression du langage du corps. On voit un corps pur sans être influencé par des couches de costumes ou d’accessoires. »

Présenté simplement, le mouvement, la présence scénique et l’état de corps sont au cœur de l’œuvre. Profondément incarnés par une interprète qui s’abandonne complètement à sa danse, ces aspects veulent toucher le public au plus profond de leur expérience. Par l’authenticité de la démarche, les différentes couches d’inspiration ayant mené au spectacle s’amalgament en une performance puissante dont la force d’évocation a été unanimement reconnue.

Différents types de douleurs ont porté la création du spectacle : douleurs physiques associées au cycle menstruel, douleurs psychologiques d’un corps qui ne satisfait pas les exigences mentales reliées à un trouble alimentaire, douleurs sociétales reliées à la condition féminine et, enfin, douleurs historiques et symbolique reliées à la survie des nations autochtones. D’ailleurs, une autre chorégraphie de Daina Ashbee, Unrelated (2011), traite directement de la violence faite aux femmes autochtones.

Tout au long du spectacle, les différents types de douleurs abordés pour la création chorégraphique sont présentés de manière non littérale. Ce sont des actions concrètes et percussives du corps de l’interprète sur le sol qui invoquent l’idée de cycles et de répétitions. Les mouvements de reptations et de contorsions évoquent une présence animale qui relie Pour aux œuvres précédentes de la chorégraphe, qui n’a pas peur d’explorer sans pudeur ses colères autant que sa tristesse et ses traumatismes.

« Son décor synthétique imite le paysage naturel et son utilisation de la répétition évoque une transformation qui laisse entrevoir de nombreuses possibilités de résolution, tout en maintenant une intense vulnérabilité entre l’interprète et le public. La performance courageuse de Paige Culley traverse des états de libération, de contrôle, de douleur, de beauté et de catharsis dans un cadre vivant et intime. » Source : www.ladansesurlesroutes.com

« Paige Culley, interprète d’une grande expressivité, successivement absente à elle-même, stoïque et défiante, dégageant autant de force que de vulnérabilité, se transforme tour à tour en pur objet sculptural, en corps animal et sensuel, ou en être blessé, traversé par la violence – celle qu’il s’inflige, celle à laquelle on le renvoie. Ici, le corps se tend et tremble, appelle et se replie, se contracte et se retrouve en posture difficile, crie et gémit, est pris de spasmes, cogne le sol de plus en plus vite, de plus en plus fort, devenant un instrument percussif, se débat comme un poisson hors de l’eau avant de reprendre enfin pied. » Source : Seine-Saint-Denis Le Magazine

4Pour_Photo Daina Ashbee

La chorégraphe

Déjà reconnue au Québec comme une jeune chorégraphe à surveiller (Prix du CALQ et Prix de la danse de Montréal en 2016), Daina Ashbee est aussi reconnue à l’international. Elle a même été identifiée en 2017 par le TANZ magazine (Allemagne) comme l’une des chorégraphes les plus prometteuse du moment et, en 2018, elle était dans la courte liste du Dance Magazine (USA) comme une des « 25 artistes à suivre».

Originaire de Colombie-Britannique, elle aménage à Montréal en 2013. D’origines mixtes, métis Cree et hollandaise, elle a reçu une partie de sa formation au Modus Operandi, centre de formation professionnelle dirigé par David Raymond et Tiffany Tregarthen de la compagnie Out/Inner/Space Dance Theatre.

Elle a été exposée à l’art visuel dès son jeune âge par son père artiste et, à Vancouver, à l’aube de sa vingtaine, elle a fait partie de la compagnie de danse contemporaine Raven Spirit Dance Society, un groupe composé de femmes autochtones. Dans la même ville, elle a aussi dansé avec Kokoro, un groupe de danse butô.

Daina Ashbee est artiste résidente de l’Agora de la danse de Montréal et artiste associée au Centre de Création O Vertigo. Elle a récemment été invitée à présenter son travail aux Biennales de la danse de Venise et de Munich. De plus, elle créera cet hiver une chorégraphie originale pour le spectacle des finissantes du programme de formation supérieure en danse contemporaine de l’École de danse de Québec qui sera présenté en mai.

« À la lisière de la danse et de la performance, ses créations, souvent radicales, abordent des sujets complexes ou tabous comme la sexualité féminine, l’identité métisse et les changements climatiques. Formée à l’écart des grandes institutions de la danse contemporaine, elle développe un travail qui englobe sa relation au corps, à ses ancêtres, à l’univers et au cosmos tout entier. » Source : G. Bechet

L’interprète

Paige Culley, également originaire de Colombie-Britannique, a été formée à l’École du Toronto Dance Theatre. Son premier emploi professionnel a été pour la compagnie Dancemakers en 2010. Déménagée à Montréal, elle a ensuite a dansé entre autres pour Danielle Desnoyers (compagnie Le Carré des Lombes, 2011) et a été membre de la compagnie Marie Chouinard (2011-2016) tout en profitant de stages internationaux tels que le Festival ImPulsTanz (Vienne, 2012). Elle collabore avec Daina Ashbee depuis 2016.

Paige Culley a reçu en 2017 le Prix de la danse de Montréal (catégorie Découverte) pour son interprétation de Pour. Elle y était reconnue pour son expressivité et son implication émotive dans la danse, pour son courage dans la présentation d’un rituel aux tourments répétitifs et pour son habileté à le faire tout en conservant un côté empreint de vulnérabilité.

3Pour_Photo Daina Ashbee

Les collaborateurs

Création, chorégraphie, et décors : Daina Ashbee
Interprète : Paige Culley
Interprète stagiaire : Emilie Morin
Conception sonore : Jean-François Blouin
Conception lumières : Hugo Dalphond
Direction technique : Karine Gauthier
Direction de tournée : Catherine Wilson
Regards Extérieurs : Andrew Tay  et Angélique Willkie
Danseuses en répétition (2015-2016) : Paige Culley, Stéphanie Fromentin, Clara Furey, Esther Gaudette et Emilie Morin
Producteur délégué : CCOV

Les critiques

« Pendant une heure que dure la performance, on assiste au spectacle de ce corps éblouissant de beauté qui se tord et se retourne dans des convulsions au ralenti. Pas de larmoiement ou de grimacement maladroits et inutiles. Dans sa nudité et avec une grande sobriété, seules la beauté et l’émotion se font voir et entendre. » Huffingtonpost.ca

« Les deux artistes ont néanmoins réussi à nous transmettre de véritables expériences. Nous prenons autant conscience de cette vulnérabilité féminine que de la force qui en découle. Même si aux premiers abords on penserait qu’il ne se passe rien, bien au contraire, c’est dans la lenteur et la répétition que nous découvrons multiples nuances de sensations et de mouvements. » dfdanse

« Les images invoquées par Ashbee sont frappantes, travaillées pour évoquer, trouver une résonnance dans celui qui reçoit la pièce… Le défi que représente ce solo a été brillamment relevé, avec une force qui sied bien au propos. » Nevros’arts

Daina Ashbee, a Montreal choreographer by way of British Columbia, has risen fast since moving here. Certain circles seem to think she could be the next big thing.’  The Gazette

‘Nudity in performance can be a challenge or a provocation. Here, skin is empowering… This bold and exceptional new work enlivens sensations and provides a moment to recognize one another’s humanity.’  The Dance Current

Les liens externes

Une bande annonce de Pour (02:54).

Le site internet de Daina Ashbee.

Une entrevue avec Daina Ashbee.

Une entrevue (en anglais) avec Paige Culley.

 

Photos : Daina Ashbee