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Chroniques du Regard 2018-2019 | 06 – Gratter la pénombre

Gratter la pénombre d’Alan Lake

Le studio A de la Maison pour la danse se transforme à nouveau en lieu de diffusion. Cette petite salle accueillera, pour sept représentations, un spectacle intime créé par Alan Lake pour quatre interprètes réguliers de sa compagnie. D’une durée approximative de soixante minutes, Gratter la pénombre se veut une réponse à son œuvre précédente Le cri des méduses, spectacle multimédia à grand déploiement présenté entre autres au Grand Théâtre de Québec et à La Place des Arts de Montréal en 2018.

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Gratter la pénombre, c’est pour vous si vous voulez voir une œuvre intense et passionnée présentée dans un cadre intimiste.

Gratter la pénombre, c’est pour vous si vous avez aimé Le cri des méduses présenté au Grand Théâtre l’an dernier.

Gratter la pénombre, c’est pour vous si vous voulez assister à la nouvelle création d’un chorégraphe de Québec, sacré personnalité artistique de l’année 2018 par Le Soleil.

 

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Le spectacle

Au début d’une nouvelle aventure créatrice, Alan Lake s’était donné le défi de créer deux œuvres scéniques en deux ans. L’une répondant à l’autre, mais dans deux formats différents. Tout d’abord une grande forme multimédia avec distribution imposante (Le cri des méduses, 9 interprètes sur grand plateau) a été créée et présentée en 2018. Cette première étape a été suivie par la création d’un spectacle de plus petite envergure : Gratter la pénombre.

Tout au long de l’année 2018, Gratter la pénombre a été créé en toute confidentialité, à travers une série de rencontres de recherche-création faites en solo avec chacun des interprètes (Fabien Piché, David Rancourt, Esther Rousseau-Morin et Arielle Warnke St-Pierre).

Résultats de cette phase à la fin de l’automne : quatre soli distincts d’une quinzaine de minutes, chacun ayant sa couleur et ses caractéristiques. Aucune image publique n’a filtré pendant le processus de recherche et création et les interprètes n’étaient pas nécessairement au courant de l’évolution du solo de leurs collègues. Le seul résultat public de cette phase a été, lors du dévoilement de la saison de La Rotonde (fin août), la présentation en studio du solo d’Esther en tant que work-in-progress présenté « sans artifice » (accessoires, décor, lumière), concentré uniquement sur la danse et le mouvement.

En janvier, pour conclure le processus, l’équipe a pu travailler ensemble sur la mise en commun du résultat des quatre interprètes et sur la mise en forme finale du spectacle. Cette phase a été effectuée lors de deux récentes résidences de création-production effectuées à Montréal (Centre de création O Vertigo) et à Québec (Maison pour la danse). C’est donc un spectacle « tout chaud » qui arrive sous vos yeux.

Tout comme la grande forme présentée l’an dernier, la présentation de Gratter la pénombre est faite dans un non-lieu fantastique et onirique, un huis-clos délimité de panneaux de bois mobiles et modulables. Quelques accessoires nouveaux sont aussi utilisés par les danseurs.

Le chorégraphe a choisi de ne pas présenter ses quatre interprètes dans une série de soli en les mettant chacun à tour de rôle sous le feu des projecteurs. Il utilise plutôt ceux qui ne sont pas « en vedette » comme ombres, compléments ou réponses à la danse principale. Un interprète peut avoir un impact sur un autre. Celui-ci peut être présent dans l’espace scénique comme aide à la mise en place ou à la manipulation des objets ou même comme élément de cocréation du personnage chimérique effectuant un solo. Car, du travail de création de chaque solo est émergé une créature fantasmagorique, puisant dans la corporéité de l’interprète mais aussi dans sa psyché, dans ses envies et dans son besoin d’extérioriser son propre grand cri dans le monde. Ces personnages fantasmés peuvent être formés de plusieurs parties de corps différents, d’où le besoin de « partenaires » pour un solo.

Même si le propos n’est pas présenté de façon littérale, ces danses se veulent un peu comme la continuité des aventures et périples des survivants du naufrage de la Méduse, présentés dans le spectacle précédent. Cette plongée, navigant dans plusieurs couches du conscient jusqu’à l’inconscient des danseurs, est présentée en consacrant plus de temps et de profondeur à chacune des danses solo.

L’une des questions de départ du chorégraphe pour l’an deux du processus chorégraphique était : « le bain doré de la finale du premier spectacle est-il le début de la présentation du deuxième? » et, en corollaire : « si le personnage est dans le bain depuis 6 mois, dans quel état de décomposition se retrouve-t-il? ». Les pistes du travail de recherche et de création contenaient les mots : persister, démanteler et transfigurer… avaler et régurgiter… trouver l’état glorieux, lumineux. Sous l’œil averti d’Alan Lake, chaque interprète a dû aller profondément en lui-même chercher comment résonnaient ces questionnements et trouver les gestes correspondants à ses réponses.

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Le chorégraphe

Depuis qu’il a terminé ses études à L’École de danse de Québec en 2007, le chorégraphe, artiste visuel et réalisateur est en progression constante comme artiste incontournable de la danse actuelle au Québec. En tant qu’interprète, il a été vu dans les œuvres scéniques d’Harold Rhéaume et de Danièle Desnoyers. Il a participé au Grand Continental de Sylvain Émard et au vidéoclip Sprawl II (Mountains Beyond Mountains) d’Arcade Fire, chorégraphié par Dana Gingras. En tant que chorégraphe, il a collaboré avec différentes écoles de formation en danse et avec différents groupes ou collectifs.

Les films réalisés par Alan Lake, présentés autour ou à l’intérieur des différents spectacles de sa compagnie, ont aussi eu des vies autonomes de vidéodanse dont le film Ravage, gagnant du Prix de la meilleure réalisation au San Francisco Dance Film Festival 2016 et gagnant du Prix du jury au Festival Plein(s) écran(s) de Montréal. Le montage final du film Gratter la pénombre, tourné en 2018, vient d’être terminé.

 

La compagnie

Alan Lake Factori(e), compagnie pluridisciplinaire de danse contemporaine, a été fondée en 2007 et a produit les spectacles Là-bas, le lointain (2010), Ravages (2014), Les caveaux (2016) et Le cri des méduses (2018).

La compagnie a son siège social à Québec et fait partie des organismes résidents de la Maison pour la danse de Québec.

FabienPiché_Arielle_Warnke_par_ChloéDelorme_

Les interprètes

Ses complices de création et collaborateurs de longue date:

Fabien Piché

David Rancourt

Esther Rousseau-Morin

Arielle Warnke St-Pierre

 

Les collaborateurs

Musique : Antoine Berthiaume
Lumières : Bruno Matte
Répétition : Jessica Serli
Scénographie : Alan Lake, Véronique Bertrand
Direction de production : André Houle, Centre de Création O Vertigo – CCOV
Direction technique : Antoine Caron

 

Liens externes

Une bande-annonce (1:00) de Gratter la pénombre.

Une bande-annonce (0:34) et un reportage (6:00) sur Le cri des méduses.

Une entrevue du journal Le Soleil.

Les pages Facebook et Vimeo de la compagnie

Pour les œuvres précédentes de la compagnie, voir ici.

Deux articles sur le spectacle Le cri des méduses : par Mélanie Carpentier dans Le Devoir et par Josianne Desloges dans Le Soleil.

 

Photos : François Gamache, Chloé Delorme

Chroniques du Regard 2018-2019 | 05 – bang bang

bang bang de Manuel Roque

Le solo bang bang sera présenté trois soirs à la salle Multi de Méduse. Chorégraphié et interprété par l’artiste montréalais Manuel Roque, le spectacle d’environ une heure est présenté comme une expérience performative dont le thème principal est le saut. L’expérience est intense, autant pour le danseur que pour le public. La proposition et les recherches esthétiques sont actuelles et le chorégraphe-interprète a gagné son pari créatif, récoltant au passage le Prix du CALQ de la meilleure œuvre chorégraphique de la saison 2016-2017 et le prix de la danse de Montréal 2017, catégorie interprète, pour Manuel Roque.

6.bang bang with Manuel Roque_photo Marilène Bastien

 

bang bang, c’est pour vous si vous aimez les chorégraphies minimalistes, performatives et crues, présentées sans artifice.

bang bang, c’est pour vous si vous aimez les interprètes-kamikazes engagés intensément dans des performances exigeantes.

bang bang, c’est pour vous si vous avez aimé Running Piece et Solo 70 présentés cet automne par La Rotonde.

 

3.bang bang with Manuel Roque_photo Marilène Bastien

Le spectacle

Manuel Roque aime les défis et il s‘en donne plusieurs dans bang bang. À partir d’une recherche fondamentale incluant certains aspects de la théorie de la relativité d’Einstein, certains éléments de compréhension de la mécanique quantique et puisant également dans la théorie des cordes, le chorégraphe-interprète en est arrivé à un spectacle solo explorant différentes utilisations esthétiques de l’action de sauter.

Présenté comme un rituel contemporain personnel et une étude sur le dépassement de soi, bang bang exige un interprète démontrant une résistance à toute épreuve. La partition chorégraphique confronte la notion de performance, autant la performance en tant que pratique artistique que la performance athlétique et marathonienne.

Le danseur est là pour faire des choses au lieu de les montrer ou de les démontrer. Il n’est pas là pour présenter du spectaculaire ni dans une visée séductrice. Dans une certaine mesure, il vise l’effacement de l’Ego. À travers ses séries de sauts et de déplacements, le danseur veut arriver à se faire oublier en tant qu’humain. L’un de ses buts est de n’être perçu que comme une matière bougeant dans l’espace-temps du spectacle, sans trame narrative ni questionnement sur le sens de la réalité présentée.

Les « cahiers de charge » de l’interprète sont nombreux. Véritable épreuve marathonienne, le spectacle est écrit très clairement. Les mouvements et séquences sont précisément placées dans l’espace et dans le temps : les pas, les directions spatiales et les sauts (comptés en 11, un défi non négligeable!). Tout doit être exactement dansé tel que prévu. Le danseur n’a pas le droit de simplifier (par exemple, couper ou modifier une séquence) pour se faciliter la vie ou parce qu’un malaise quelconque apparaîtrait durant la performance.

Toutefois, le danseur peut intégrer à son interprétation les éléments divers qui surviennent et happent sa conscience ou sa conscientisation du moment. Ce qui se passe en temps réel (une foule d’incidents peuvent arriver) est donc additionné à sa partition pour désormais faire partie du tout. L’expérience immédiate du danseur, qui est déjà très complexe, se retrouve donc enrichie par l’expérience elle-même. Le public peut ainsi, tout d’abord, profiter d’une expérience réelle : observer le danseur dans la réalité d’une action performative. Et le danseur souhaite même aller plus loin dans l’expérience du spectateur : l’amener en voyage avec lui, par empathie kinesthésique.

Métaphore critique d’un rythme de vie occidental et contemporain, bang bang pouvait, de premier abord, sembler n’être qu’une autre quête nihiliste sur la vie contemporaine, le désespoir, le vide des aspirations et l’inutilité du « gigotage » sur scène des danseurs contemporain. Mais la réalité de ce qui est présenté amène l’œuvre à un autre niveau.

Sans forcer l’adhésion complète et inconditionnelle à son propos, le danseur essaie très fort d’amener le spectateur en voyage avec lui. Les connaisseurs de danse peuvent ainsi voir le danseur « chatouiller » différentes traditions de danse, présenter différentes formes ou séquences tirées du riverdance, de la claquette ou même du ballet. Les gens intéressés par le dépassement physique et la condition humaine peuvent voir l’homme devenir machine à souffler, à grogner ou à chantonner. Et tous peuvent suivre l’évolution graphique de son costume trempé de sueur.

Créé en 2017, le solo bang bang a été présenté en première à Lyon, ensuite à Barcelone, au FTA de Montréal, au Festival June Events à Paris et en reprise au Théâtre La Chapelle en novembre 2018.

2.bang bang with Manuel Roque_photo Marilène Bastien

L’interprète et chorégraphe

Après des études en théâtre et en cirque à l’École nationale de cirque de Montréal, Manuel Roque travaille avec le cirque Eloize avant d’entrer dans le monde de la danse où il devient interprète pour les compagnies d’Hélène Langevin, de Dominique Porte, de Sylvain Emard et de Paul-André Fortier avant de joindre la Compagnie Marie Chouinard.

Il chorégraphie depuis plus de quinze ans : Brendon et Brenda (2002), Ô mon bateau (2004), RAW-me (2010) qui reçoit le prix du festival Vue sur la Relève 2011. Suivent dans son corpus Ne meurs pas tout de suite, on nous regarde (2012) et quelques chorégraphies pour des événements de cirque.

À travers la Compagnie Manuel Roque, fondée en 2013, il crée, entre autres, un projet in situ pour l’espace public de la Place des Arts de Montréal et le solo Data (présenté en 2017 par La Rotonde et le Musée national des beaux-arts du Québec), diffusé en tournée internationale. En 2015, il présente 4-OR à Tangente et à Parcours Danse.

Dans ses œuvres chorégraphiques, il aime aborder les thèmes de l’absurde et du néant ainsi que la rupture d’équilibre.

« Son univers créatif s’intéresse au métissage des langages contemporains et met en danse une virtuosité kinesthésique jumelée à un questionnement polymorphe sur la condition humaine contemporaine. » Source : Manuel Roque, profil de membre du RQD

« Manuel Roque a remporté le Prix du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) pour la meilleure œuvre chorégraphique de la saison artistique 2016-2017 ainsi que le Prix de la danse de Montréal, catégorie INTERPRÈTE. Les deux prix lui ont été décernés à l’Édifice Wilder dans le cadre de la remise des PRIX DE LA DANSE DE MONTRÉAL (PDM).

Le Prix du CALQ pour la meilleure œuvre chorégraphique, qui souligne l’excellence d’une œuvre d’un chorégraphe québécois présentée pour la première fois sur scène au Québec au cours de la saison précédente, lui a été décerné pour son solo bang bang, présenté au Festival TransAmériques en juin dernier. Les membres du comité de sélection du CALQ ont été captivés par la performance époustouflante de Manuel Roque dans cette œuvre d’une grande charge émotive. Ils ont voulu souligner l’état de grâce que semble atteindre Manuel Roque dans ce solo, « qui nous rappelle que le corps humain est une machine étonnante, aux possibilités illimitées. »

Le Prix INTERPRÈTE, présenté par le Regroupement québécois de la danse et la Caisse Desjardins de la Culture, est décerné à un artiste québécois s’étant démarqué dans une œuvre présentée sur la scène professionnelle au Québec au cours de la saison précédente. Ce prix vient mettre en relief le parcours diversifié de Manuel Roque, un « danseur poétique et d’une grande virtuosité » qui détient « un solide bagage athlétique et technique. » Le jury a retenu sa passion pour la création, la qualité de son engagement, ainsi que la rigueur et la profondeur de sa démarche. »Source : Site de la Compagnie Manuel Roque

Manuel Roque est membre de Circuit-Est centre chorégraphique et, en 2018, il a dansé Running Piece de Jacques Poulin-Denis lors de sa création (une chorégraphie interprétée à Québec par Fabien Piché en octobre dernier).

5.bang bang with Manuel Roque_photo Marilène Bastien

Les collaborateurs

Répétitrices et conseillères artistiques : Sophie Corriveau et Lucie Vigneault
Dramaturgie : Peter James
Costumes et scénographie : Marilène Bastien
Lumières : Marc Parent
Trame sonore : Manuel Roque incluant des extraits de Debussy, Chopin, Merzbow, 2001 Space Odyssey, Tarkowky
Direction de production : Judith Allen
Parrainage au développement et à la diffusion : Daniel Léveillé Danse (DLD)

Les critiques

« C’est un manifeste que livre Manuel Roque à travers son solo bang bang ; une étude, presque un avertissement, sur l’engrenage à vis sans fin que peut être, en danse, la recherche de l’endurance, du dépassement, de la performance physique — de la virtuosité, si on voulait extrapoler… —, et son danger potentiel de mécanisme à broyer l’humain, l’humanité d’un interprète. » Catherine Lalonde, Le Devoir

« Comment danser et disparaître en même temps ? Manuel Roque pose la question avec sa nouvelle création, bang bang. Sa réponse tient dans une oeuvre dépouillée et d’une grande sobriété, où les contours de l’identité s’effacent sous les coups de la répétition. » Iris Gagnon-Paradis, La Presse

« There is something dynamic about watching this nuanced solo dance, his intention, his work with gravity and his fulfillment of the task at hand. Roque uses his body logically and intelligently, and his technique has an articulate, disciplined complexity. » Philip Szporer, thedancecurrent.com

4.bang bang with Manuel Roque_photo Marilène Bastien

Les liens externes

Bande annonce du spectacle (01: 54) Etude dans l’air du temps sur le dépassement de soi, bang bang est un objet scénique pour soliste kamikaze qui tourne autour de la notion de résistance.

Entretien avec Manuel Roque : bang bang (16 : 25)

bang bang remporte le Prix du CALQ pour la meilleure œuvre chorégraphique (saison 2016-2017)

Chronique radio à Québec, réveille! : Retour sur bang bang (2017) par Vanessa Bell (11: 06)

 

Photos : Marilène Bastien

Chroniques du regard 2018-2019 | 04 – Solo 70

Solo 70 de Paul-André Fortier et Étienne Lepage (Fortier Danse-Création)

La Rotonde présente, pour deux soirs seulement, Solo 70 du montréalais Paul-André Fortier. D’un côté, personnalité importante et figure incontournable (emblématique) du monde de la danse contemporaine québécoise et, d’un autre côté, tout simplement « un homme qui danse ». Le chorégraphe et interprète célèbre ici son entrée dans la septième décennie de sa vie sur terre. Ce spectacle est aussi le dernier de la compagnie Fortier Danse-Création, fondée en 1978, qui a permis à l’artiste passionné une fructueuse carrière et une visibilité internationale.

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Solo 70, c’est pour vous si vous aimez les spectacles audacieux et à l’esthétique formelle.

Solo 70, c’est pour vous si vous êtes interpellé par le potentiel expressif du corps vieillissant.

Solo 70, c’est pour vous si vous vous voulez assister à la dernière œuvre d’une compagnie de danse marquante au Québec.

 

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Le spectacle

Coulisses ouvertes, un grand espace blanc est fortement éclairé. Le sol y est dessiné de fines lignes délimitant une aire de jeu carrée. Cet espace accueille les déambulations d’un personnage qui marche. Il marche en silence. Il marche à travers l’espace scénique, toujours devant, tête baissée. Souvent, ses pas sont glissants.

Le voyageur se déplace de manière très systématique. Il va d’un côté à l’autre de la scène ou voyage de l’avant à l’arrière-scène. Il s’arrête parfois dans un endroit précis, prend une pose ou exécute une courte séquence plus ou moins élaborée de tours ou de sauts. Son voyage est solitaire.

Le personnage est habillé de noir. Sa silhouette est mince. Il semble mesurer l’espace. Parfois, la nature de ses pas changent, les talons peuvent devenir bruyants et les mouvements motivés par autre chose que les pieds : un désir de rotation, des tremblements qui activent tout le corps, des bras battant l’air ou des mains qui déplacent genoux et jambes.

Le thème du personnage solitaire et déambulant n’est pas, dans une certaine mesure,  sans rappeler quelques spectacles récents présentés par La Rotonde : Running Piece de Jacques Poulin-Denis, Mille batailles de Louise Lecavalier et DATA de Manuel Roque qui mettaient eux-aussi sur scène un personnage unique dont la principale activité était la marche, la course ou le voyage imaginaire.

Dans Solo 70, Paul-André Fortier est accompagné de deux comparses qui vont influencer le courant des choses. Dès l’entrée du public, on les voit sur scène et ces deux personnes s’avéreront être un comédien et une musicienne. Assis, immobiles et tranquilles pendant le premier quart du spectacle, ils prendront ensuite une large place dans la trajectoire du danseur.

Spectacle construit lors d’une série de rencontres réparties sur deux années, Solo 70 s’est développé grâce à la collaboration de Fortier avec des plus jeunes artistes qui ont environ la moitié de son âge. « Solo 70 est l’épreuve du voyageur solitaire qui cherche à être déstabilisé par de nouvelles idoles et d’autres tentations. Danser encore, danser comme avant, obstinément, mais sur la guitare punk de Jackie Gallant, sur les interventions visuelles de Marc Séguin, sur les confessions de l’auteur Étienne Lepage chuchotées ou vociférées par le fougueux Étienne Pilon. Un faux solo troublant, qui inclut la présence d’agents provocateurs et de compagnons hallucinés. » Source : montheatre.qc.ca

Au fil des périodes de recherche et création, le spectacle a évolué pour devenir un tandem de création avec l’auteur Étienne Lepage, qui co-signe la mise en scène. Lors de cette tournée, le spectacle aura été présenté à Paris, Montréal, Vancouver, Ottawa, Québec et Edmonton.

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Le chorégraphe-interprète

Paul-André Fortier compte 40 ans de carrière en danse contemporaine (chorégraphe, interprète et pédagogue) et, dans son corpus, on retrouve près de cinquante d’œuvres chorégraphiques.

Au début des années 1970, après un début de carrière alliant littérature et enseignement, il bifurque par hasard vers la danse en profitant d’une rencontre avec les membres du tout jeune Groupe Nouvelle Aire, une institution montréalaise, fondatrice de la danse contemporaine au Québec, dont sont issus plusieurs des interprètes et chorégraphes marquants de l’histoire de la danse au Québec. Un groupe dont la plupart des membres sont encore actifs aujourd’hui, incluant Louise Bédard, Ginette Laurin, Louise Lecavalier, Manon Levac, Daniel Léveillé et Édouard Lock.

Fortier y découvre sa passion pour la danse et quitte l’enseignement collégial pour se laisser guider par ses maîtres dont Martine Époque, cofondatrice de Nouvelle Aire, et surtout Françoise Sullivan, signataire du Refus global.

En 1978, il fonde sa propre compagnie (Danse-Théâtre Paul-André Fortier, qui deviendra Fortier-Danse-Création) « J’étais l’enfant terrible de la danse puisque j’ai brisé bien des tabous et pris énormément de risques. Mes chorégraphies étaient provocatrices et contestataires et mettaient en cause les travers humains. Je me disais que, si le roman ou le cinéma pouvaient nous poser des questions, la danse le pouvait aussi. » Source : Catherine Schlager 

Au milieu des années 80, il cofondait avec Daniel Jackson la compagnie Montréal Danse. Au fil de ses créations chorégraphiques, trois soli importants se démarquent : Les males heures (1989), La tentation de la transparence (1991) et Bras de plomb (1993). Ces trois chorégraphies traitant déjà du déclin du corps et de la maturité du danseur ont été reprises ensemble dans une rétrospective présentée en 2000. Aussi à son actif, une période de plus de dix ans d’enseignement (création chorégraphique) à l’Université du Québec à Montréal.

À partir de 2006, le projet Solo 30X30 dans lequel il s’installe à un endroit 30 jours de suite pour y danser chaque jour pendant 30 minutes a été présenté plus de 450 fois, du Japon aux États-Unis en passant par Londres, Ottawa, Montréal et Paris (parvis du Trocadéro en 2012). Aussi, les spectateurs de La Rotonde se souviendront de Cabane présenté à Québec en 2010.

Entre autres distinctions, Paul-André Fortier recevait le Prix du Gouverneur général de la réalisation artistique en 2012. En 2013, il recevait une bourse de carrière du Conseil des arts et des lettres du Québec et, en 2018, il était nommé à l’Ordre national du Québec, la plus haute distinction décernée par le gouvernement du Québec.

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Les collaborateurs 

Après de nombreux travaux de collaboration avec des artistes établis de différentes disciplines dont Françoise Sullivan (danse), Betty Goodwin et Takao Minami (arts visuels), Robert Morin (cinéma) ou Rober Racine (performance et écriture), Fortier s’est associé, pour Solo 70, à des artistes d’une autre génération que la sienne.

Mise en scène : Paul-André Fortier et Étienne Lepage
Textes : Étienne Lepage
Comédien : Étienne Pilon
Musique (création et interprétation) : Jackie Gallant
Lumières : Jock Munro
Scénographie : Marc Séguin (qui venait alors de terminer les toiles de sa série blanc).
Costumes : Denis Lavoie
Assistante du chorégraphe et répétitrice : Ginelle Chagnon

Critiques du spectacle

« Voilà ce dont il est question dans ce spectacle inclassable. Paul-André Fortier a 70 ans, sa curiosité du monde est intacte et il poursuit sa démarche artistique sans barguigner. […] Il y a quelque chose d’infiniment bouleversant dans cette manière de se livrer sans artifices. Comme une promesse d’éternelle jeunesse… »
– Jean-Frédéric Saumont, Danses avec la plume

« La musique éclate d’un coup dans un style très rock et très puissant. Contraste ! Un texte est dit très vite sur des sons qui permettent de comprendre juste quelques mots. Ceci ressemble à un clash provocant… Contraste entre ces univers si différents. Pour autant, il se dégage une belle complicité entre ces trois interprètes…»
– Sophie Lesort, Danser canal historique

« …la fascination que suscitent le dos, les bras, les jambes et les fesses de Fortier, ce corps à la fois fragile et souverain, charnel et spirituel, historique et immortel. »
– Christian Saint-Pierre, Le Devoir

« Prestation hypnotique, donnée par cet artiste de 70 ans qui semble inlassablement recommencer sur scène son ouvrage avec vitalité et bonheur, « Solo 70 » illustre avec force la magnifique injonction de Camus : « Il faut imaginer Sisyphe heureux ! »
– André Farache, I/O Gazette

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Les liens externes

Liste des créations de Paul-André Fortier.

Une entrevue avec René Homier-Roy (mai 2018, 14 minutes).

Un reportage télé comportant des extraits de Vertiges et Solo 30×30 (images de Xavier Curnillon).

Le reportage de F. Plasson sur la chorégraphie 30X30 lorsque présentée à Paris en 2008 (30 minutes).

Un entretien radio du Centre National des Arts avec Anne Michaud (octobre 2018, 44 minutes).

Un reportage sur 15 X LA NUIT créé par Paul-André Fortier pour le danseur Simon Courchel.

 

Photos : Sandrick Mathurin

Chroniques du regard 2018-2019 | 03 – The Black Piece

The Black Piece d’Ann Van den Broek (Compagnie WArd/waRD)

En tournée internationale depuis 2014, le spectacle The Black Piece de la chorégraphe belgo-néerlandaise Ann Van den Broek sera présenté à la salle Multi de Méduse pour deux soirs seulement. D’une durée de 75 minutes, ce spectacle amène les spectateurs dans un univers intense où règne l’obscurité. Grâce à la captation en direct et à la diffusion sur écran des actions intimes et gros plans des interprètes, les spectateurs ont accès à la profondeur d’un puit sombre, sexy et confrontant dans lequel ils sont eux-mêmes plongés. Un univers émotif d’où peuvent émerger de nombreuses questions.

The Black Piece, Ann Van den Broek, WArdwaRD, photo Maarten Vanden Abeele-73

 

The Black Piece, c’est pour vous si vous voulez être déstabilisé.e.s.

The Black Piece, c’est pour vous si vous aimez les propositions fortes et radicales.

The Black Piece, c’est pour vous si vous aimez les spectacles alliant danse, vidéo et sonorisation.

 

The Black Piece, Ann Van den Broek, WArdwaRD, photo_maarten_vanden_abeele-50

Le spectacle

Primée aux Pays-Bas en tant que meilleure œuvre de danse (Swan Award, 2015) The Black Piece explore différentes manières d’appréhender le noir en tant que couleur. En allant chercher plusieurs couches de significations, le noir y sera vécu autant par les spectateurs que par les interprètes à travers une gamme d’émotions.

Immergé dès le départ dans l’obscurité totale, le spectateur est confronté à ses archétypes. Pour lui, le noir égale-t-il l’espace de la peur, du danger, de l’angoisse ou de la honte? À l’opposé, est-il plutôt espoir de refuge, récepteur de moments d’intimité et révélateur d’expériences sensorielles véritablement sensibles?

Dans ce spectacle d’ambiance à la narrativité ouverte, le noir cache les choses pour mieux les révéler. La chorégraphie veut toucher à la sincérité des sensations. Elle se veut révélatrice d’âme.

La sonorisation devient primordiale. Elle met les sens aux aguets. Seul contact avec la réalité lorsque la vision est inutile, elle transmet bruits et sons provenant, entre autres, de la manipulation concrète d’objets sur scène. Ces bruits, sons, paroles et chansons accentueront l’expérience émotive. Ils rythmeront les danses et aideront à créer un sens pour le spectateur.

Éventuellement, de l’obscurité naît une simple lumière. Elle apparaît avant de disparaître. Elle s’approche des objets et personnages sur scène. Les images de ceux-ci sont parfois retransmises en direct sur un écran en fond de scène. Le spectateur peut alors s’attacher aux détails observables en gros plan, à la manipulation de la lumière sur scène, aux ombres créées. Il peut cheminer dans ses expériences et découvertes. Lorsque le noir complet emplit de nouveau l’espace, l’expérience gagne en profondeur.

En dehors de l’éclairage, les objets et les personnages n’existent plus mais en fait, c’est faux, le noir leur permet une existence secrète. Qui sera partiellement révélée sous l’éclairage fugace. L’imagination du spectateur fera le reste. « Quasiment découpée en séquences, la pièce change sans arrêt de rythme et d’intensité à la lumière des sensations complexes abritées par le noir. Un thème revient plusieurs fois ; à l’unisson, ils se retrouvent en ligne dans une sorte d’état de transe commune envahi d’une même ivresse. » Source : Mathilde Perallat

Des extraits du spectacle sont ici et ici.

The Black Piece, Ann Van den Broek, WArdwaRD, photo Maarten Vanden Abeele-45

La chorégraphe

Née en Belgique, diplômée de l’Académie de danse de Rotterdam en 1991, Ann Van den Broek a dansé pour plusieurs compagnies de danse (New York, Amsterdam, Groningen et Charleroi) avant de se consacrer exclusivement depuis l’an 2000 à son travail de chorégraphe et à sa compagnie WArd/waRD. Dans son corpus d’une vingtaine d’œuvres chorégraphiques (parfois sous forme de films ou de créations in situ), deux ont déjà été primées : Co(te)lette (2008) et The Black Piece (2014). Sa plus récente création Accusations (2017) semble suivre ces mêmes traces.

Ses recherches portent sur les comportements humains et leurs motivations, sur la vérité sous le masque, sur le spectre des émotions et la performance du corps dansant dans différents états : « Colère, sidération, folie, angoisse, névrose, rébellion, transe, états seconds, chaos et phases libératoires, l’art ne fait pas ici dans l’économie d’énergie. Différents univers mentaux s’incarnent à travers une gestuelle singulière, impulsive, souvent saccadée. Fort en émotions, expressif, son travail est tout sauf tiède. » Source: Anne Lerey

Ses pièces chorégraphies sont toujours construites et écrites dans les moindres détails, ne laissant aucune place à l’improvisation sur scène. Elle se déclare elle-même héritière d’Anne Teresa de Keersmaeker et de Lucinda Childs, deux chorégraphes aux styles minimalistes et répétitifs. Ses plus récentes recherches incluent une utilisation de techniques audiovisuelles visant à déconstruire l’espace afin de renouveler le rapport au public en renforçant l’impact des expériences sensorielles.

Il faut noter que pendant les représentations de The Black Piece, c’est parfois la chorégraphe elle-même qui manipule sources lumineuses et caméra dans l’espace de jeu, dévoilant corps fuyants et objets divers permettant au public d’élaborer l’histoire et peut-être d’élucider un mystère présenté par bribes, dans une alternance savamment contrôlée d’obscurité et de lumière crue, de gros plans et de personnages diffus, de confort et de suspens

The Black Piece, Ann Van den Broek, WArdwaRD, photo Maarten Vanden Abeele-55

Les collaborateurs

Conception et chorégraphie : Ann Van den Broek
Interprétation : Louis Combeaud, Frauke Mariën, Nik Rajšek, Wolf Govaerts, Marion Bosetti
Interprétation à la création : Louis Combeaud, Jan Deboom, Andreas Kuck, Frauke Marien, Francesca Monti
Caméra et lumières en direct : Bernie van Velzen
Musique : Arne Van Dongen
Performance vocale : Gregory Frateur
Enregistrement de la voix : Nicolas Rombouts
Scénographie : Ann Van den Broek, Bernie van Velzen
Costumes : Ann Van den Broek
Consultation artistique : Marc Vanrunxt

 

À découvrir

Co(te)lette, filmée par le réalisateur Mike Figgis (2010) Bande annonce (01 : 12)  et Making of (21: 19).

Une entrevue de la chorégraphe ici (02: 41). En anglais.

Le livre écrit par Marcelle Schots Protect/perform qui suit, sur quinze ans, le développement de la carrière artistique d’Ann Van den Broek.

The Black Piece, Ann Van den Broek, WArdwaRD, photo Maarten Vanden Abeele-70

Critiques du spectacle 

« The Black Piece is like a dream filled with meanings that cannot be explained. It is already a highlight of the season. » Francine van der Wiel, NRC Handelsblad, September 30, 2014

« Seeing The Black Piece by Ann Van den Broek, I was reminded of Mark Rothko’s paintings… Rothko painted layer after layer for added depth. That’s an understatement; you can wander endlessly in them, descend into various depths of color and emotions… The darkness reveals itself – all senses on alert – but what you see is not what you get… Its black can be erotic, contemplative or chilling, disguised in all sorts of shapes. Like the black babushka dolls scattered across the floor…  The way Van den Broek forces air between all the layers and creates an overall feeling of freedom is stunning. Mankind is caught in all those black layers. » Sander Hiskemuller, Trouw, September 23, 2014

 

Photos : Maarten Vanden Abeele

Chroniques du regard 2018-2019 | 02 – L’École buissonnière

L’École buissonnière de Pierre-Paul Savoie (une coproduction de PPS Danse et DansEncorps)

En coprésentation avec le Théâtre Jeunesse les Gros Becs , La Rotonde présente L’École buissonnière de Pierre-Paul Savoie, un spectacle de danse-théâtre pour quatre interprètes. Le spectacle de 50 minutes, très vivant et enjoué, traite de l’enfance à travers le prisme de la poésie de Jacques Prévert. Dans une série de courts tableaux, on suit quatre élèves qui font la classe devant le tableau noir ou qui jouent dans la cour de récréation. Ils profitent à plein de la liberté de la jeunesse et activent leur imagination en s’inventant des mondes fantaisistes ancrés dans leurs jeux réels de ballons et de cordes à sauter.

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L’École buissonnière c’est pour vous si vous aimez les spectacles pour la famille (6 ans et plus).

L’École buissonnière c’est pour vous si, dans votre cœur d’enfant, vous voulez être charmés par la danse, la musique, les chansons et la poésie de Prévert.

L’École buissonnière c’est pour vous si vous voulez voir un spectacle rodé qui a le vent dans les voiles et qui en sera à sa 100e représentation à Québec.

 

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Le spectacle  

Visant le public cible des 6-10 ans et, bien entendu, accessible à toute la famille, L’École buissonnière, qui en sera à sa 100e représentation à Québec, est la nouvelle œuvre du chorégraphe et homme de théâtre Pierre-Paul Savoie. On y retrouve des éléments communs avec ses spectacles pour enfants précédents présentés dans les récentes saisons de la Rotonde : Les chaises, d’après la pièce de théâtre d’Eugène Ionesco et Contes pour enfants pas sages, aussi d’après les textes de Jacques Prévert.

Toujours avec une grande créativité, ce spectacle est une célébration du monde de l’enfance avec ses composantes d’essais et erreurs (autant dans l’apprentissage scolaire que dans les jeux propres à l’enfance), de construction de la confiance en soi, de l’apprentissage de la ténacité nécessaire à la vie en société et, surtout, de la camaraderie qui s’installe dans les cours de récréation.

Avec un tableau noir en fond de scène et sur un tapis gris pâle, quatre jeunes interprètes polyvalents et multidisciplinaires chantent, dansent et jouent. Au son de la cloche, ils changent d’univers, passant de la salle de la classe à la cour de récréation. Ils sont accompagnés et soutenus par les mots de Prévert dont Les animaux ont des ennuis, Deux escargots s’en vont à l’enterrement d’une feuille morte et Chanson pour chanter à tue-tête et à cloche-pied, entre autres. Les chansons, poésies et comptines sont interprétées par les danseurs eux-mêmes et la musique originale, de Benoit Côté, met en vedette les voix d’Alexandre Désilets et d’Amylie.

Ce spectacle a déjà beaucoup voyagé, dont un petit tour en Asie : « En 2017-18, pour la toute première fois, PPS Danse a foulé la terre chinoise! La version anglophone de la pièce, intitulée Playing Hooky, a été présentée au Arts Festival de Hong Kong en mars 2018. Dans ce cadre, une adaptation du spectacle a été faite avec une trentaine de jeunes (12-18 ans) d’un quartier défavorisé de Hong Kong. » Source: Site web PPS Danse

Un extrait du spectacle est ici.

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Le chorégraphe

Chorégraphe et metteur en scène infatigable, Pierre-Paul Savoie est fondateur de la compagnie PPS Danse, qui marquait ses 25 années d’existence par la recréation de Bagne, vue au Grand Théâtre en 2015. Ses spectacles sont présentés régulièrement dans la capitale. Récemment, ses soirées-hommage à Lhassa de Sella et à Léo Ferré ont charmés de nombreux spectateurs et, pour les enfants, il réservait Les Chaises et Contes pour enfants pas sages. On pourra d’ailleurs revoir Corps Amour Anarchie / Léo Ferré au Grand Théâtre de Québec en décembre prochain.

Son intérêt pour le développement et la diffusion de la danse contemporaine comme mode d’expression l’amène à produire une foule d’ateliers d’initiation et de médiation culturelle autours des spectacles qu’il promène. Les périodes de recherche et création sont souvent pour lui prétextes de rencontres avec les « personnages » de ses spectacles (personnes âgées pour Les chaises, enfants dans les cours de récréations pour L’École buissonnière). Lors des tournées, les représentations sont souvent précédées d’ateliers scolaires et les spectacles suivis de rencontres avec le public.

Pierre-Paul Savoie est lauréat de nombreux prix et reconnaissances dont le prix Jacqueline-Lemieux du Conseil des arts du Canada, le Prix RIDEAU hommage, le Prix RIDEAU tournée et le Prix de l’action culturelle (Ville de Montréal).

 

Les interprètes

Le spectacle est interprété par quatre jeunes professionnels: Chantal BaudouinNicolas BoivinMarie-Ève Carrière et Marilyne St-Sauveur.

 

Les collaborateurs

Musique : Benoît Côté
Auteur et compositeurs originaux : Jacques Prévert, Joseph Kosma et Pierre Arimi.
Conseillère à la dramaturgie : Lise Vaillancourt
Costumes : Linda Brunelle
Éclairages : Jocelyn Proulx et Valérie Bourque
Répétitrices : Annie Gagnon et Ève Lalonde

 

Crédits photos : Rolline Laporte / Sur les photos : Mathilde Addy-Laird, Chantal Baudouin, Dany Desjardins et Amélie Rajotte.

Chroniques du regard 2018-2019 | 01 – Running Piece

Running Piece de Jacques Poulin-Denis (Compagnie Grand Poney)

L’artiste montréalais Jacques Poulin-Denis, chorégraphe, compositeur et artisan pluridisciplinaire de la compagnie Grand Poney amorce la nouvelle saison de La Rotonde avec sa plus récente création Running Piece, une chorégraphie d’une heure pour danseur solo et tapis roulant. Dans un espace restreint, délimité par la dimension du tapis roulant, le coureur n’arrête pas. Il fait un voyage sans se déplacer, il se meut sans cesse tout en n’allant nulle part. L’action lui procure une foule d’états différents accessibles au public car l’identification à ce « héros » se fait facilement. Présenté trois soirs à la salle Multi de Méduse, le spectacle sera dansé à Québec par Fabien Piché.

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Running Piece, c’est pour vous si vous aimez la course et autres sports d’endurance.

Running Piece, c’est pour vous si vous aimez les interprètes qui se dépassent physiquement.

Running Piece, c’est pour vous si vous voulez voir le danseur de Québec Fabien Piché dans une de ses rares apparitions scéniques de la saison.

 

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Le spectacle

Un personnage solo amorce une course. Elle sera longue et ardue. Faite sur un tapis roulant, elle ne mènera le personnage nulle autre part qu’en lui-même. Le public l’accompagnera dans ses efforts, dans sa fatigue et dans le courage qu’il trouvera pour continuer. Malgré une performance athlétique inaccessible pour la plupart des spectateurs, ceux-ci pourront aisément s’identifier au danseur en reconnaissant l’évolution du parcours, la gradation des efforts déployés et la détermination nécessaire pour accomplir la tâche car, dans ce spectacle, le « héros » n’abandonne jamais. Le danseur-coureur évolue constamment dans ses pas et dans ses foulées. Il développe constamment de nouvelles stratégies pour parvenir à ses fins. Courageux? Têtu? Obtus? Il continue sans cesse.

Tout au long de cette course qui se déplace sans se déplacer, il est demandé à l’interprète un abandon dans l’effort. Un abandon qui se répercute dans une variation du jeu dramatique qui devient captivante pour les spectateurs. La performance du danseur-coureur, extrêmement physique et cardiovasculaire, ainsi que l’engagement viscéral dans chacun de ses pas est au cœur même du projet.

Dès le départ, les paramètres sont intuitivement compris. Il est tacitement convenu que la palette des choix de mouvements possibles sur le tapis roulant est limitée. Le coureur devra s’en tenir à la course, avec simplicité, tout en ayant des possibilités de varier démarches et postures.

Ce qui influence la manière de courir et la cadence des foulées, c’est la répétition, c’est la longueur de l’exercice, c’est la fatigue qui mine l’effort. Comme dans n’importe quel marathon, le coureur doit mobiliser et solliciter différentes parties de son corps pour l’aider à avancer. Il doit renouveler ses moteurs de propulsion et jouer avec les résistances qu’il rencontre. Trouver sans cesse de nouveaux élans et réguler certains changements de vitesse.

Il s’aidera parfois de jeux d’épaules… ses pas deviendront plus ou moins serrés… il trouvera la manière la plus efficace d’utiliser ses bras. Il permettra à sa ligne de course de devenir erratique. Il laissera parfois ses pas devenir plus marqués, plus lourds et bruyants. Si plus efficace pour un temps, ses pas se croiseront.

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L’imaginaire aidera aussi le coureur dans sa tâche de concentration, car il doit maintenir la dynamique du déplacement. Rester agile et efficace. S’adapter sans cesse. Éventuellement, la course se transformera en jeu et quelques personnages apparaitront : homme d’affaire, gazelle et autres animaux. Le déplacement pourra parfois devenir plus caricatural, voire clownesque.

Trois éléments de production sont très réussis. Les éclairages (Erwann Bernard) et les projections vidéo (images mouvantes plus ou moins abstraites de Joel Morin-Ben Abdallah) permettent l’établissement de différentes ambiances et niveaux de lecture. De plus, le jeu d’obstacles vécu par le coureur se retrouve souvent soutenu par l’ambiance musicale. Créée aussi par Jacques Poulin-Denis, celle-ci est très variée. Les rythmes et ambiances se suivent de manière efficace, contenant parfois même des encouragements de la foule et un certain discours qu’on peut supposer être le discours intérieur du danseur, amenant une dimension poétique et transposant la course vers une construction identitaire du coureur.

Le produit scénique est exigeant pour le danseur, mais le ton général reste assez léger et des pointes d’humour font parfois surface. « Sans hésitation ou presque, le danseur s’adapte. Il répond aux commandes, persévère dans l’épuisement, sans raison apparente. En fait, c’est plutôt l’idée qu’il s’acharne à courir, mais sur place, qui montre l’absurdité de la situation dans laquelle il est. Situation qui, par le fait même, est peut-être la nôtre également. » Source : Cristina Birri, La bible urbaine. 

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Le chorégraphe

Jacques Poulin-Denis est actif depuis près de quinze ans dans de multiples projets (qu’il génère ou auxquels il participe). Des projets qui font éclater les frontières entre danse, musique et activités théâtrales. Sous la bannière de Grand Poney, compagnie d’art interdisciplinaire fondée en 2009, il a créé une douzaine d’œuvres scéniques, chorégraphiques ou performatives. Son travail a été présenté à travers le Canada, aux États-Unis, en Europe et en Asie.

Sa vision humaniste et son regard imaginatif produisent le plus souvent des œuvres présentant un côté sérieux mais qui reste léger. Les personnages mis en scène dans ses spectacles et performances (lui-même ou d’autres interprètes) savent allier leur vulnérabilité avec leurs forces individuelles dans une puissance indéniable.

Après avoir présenté dans la saison 2016-2017 de La Rotonde Very Gently Crumbling au MNBAQ, le chorégraphe a travaillé plusieurs mois sur les possibilités offertes par ce tapis roulant créé spécifiquement pour la recherche artistique. Les recherches portaient sur les limites spatiales à apprivoiser ainsi que sur la compréhension générale des relations à établir entre le danseur et la machine. « Jacques Poulin-Denis est donc passé par plusieurs stades avant d’en arriver à cette première version finale. Plusieurs périodes d’essais se sont succédé, ainsi que des résidences avec différents interprètes… Running Piece fut même un trio pendant un certain temps avant de revenir au solo, qui amène une autre portée pour le spectateur. » Source : Jeanne Hourez.

Le danseur montréalais Manuel Roque a été le premier interprète de Running Piece lors de la création du solo. Sa performance très physique a été remarquée : « On assiste alors à une traversée d’une multitude d’états, (le danseur) jouant avec la variation de ses enjambées, plus amples d’abord, étriquées et entrecroisées ensuite. Ses épaules un instant se haussent, ses bras deviennent ballants et sur son visage essoufflé se lit une expression de frénésie mêlée d’urgence. Puis cette figure s’évanouit pour en laisser émerger une autre. Et ainsi de suite, l’imaginaire du spectateur vogue d’un personnage à un autre. » Source :  Mélanie Carpentier, Le Devoir.     

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L’interprète

Le danseur de Québec Fabien Piché, diplômé en 2010 du programme de formation supérieure en danse contemporaine de L’École de danse de Québec, offert en collaboration avec le Cégep de Sainte-Foy, devient le deuxième interprète de Running Piece. Souvent vu dans les spectacles présentés par La Rotonde, autant dans des chorégraphie d’Harold Rhéaume, de Karine Ledoyen ou  de Mario Veillette que dans les spectacles de Théâtre Rude Ingénierie, sa danse toujours très incarnée et sensible sera cette fois au service de cette chorégraphie exigeante. On le retrouvera d’ailleurs plus tard en saison, parmi les interprètes de Gratter la pénombre de Alan Lake Factori(e).

Dans cette chorégraphie, le travail de partenaire se fait avec une machine qui est maître du jeu. L’interprète doit apprendre à s’incliner devant les impératifs et les contraintes de celle-ci en plus d’apprivoiser ses propres mouvements.  « Parmi les contraintes de la pièce, au-delà d’un travail du cardio poussé, l’interprète doit faire face à l’interaction et la relation nouvelle entreprise avec une machine qui est sa seule partenaire et qui ne s’arrête pas ». Source : Jeanne Hourez.

 

Les collaborateurs

À la chorégraphie, la réalisation et la création musicale :  Jacques Poulin-Denis
À l’interprétation : Fabien Piché
Aux besognes électroniques : Samuel Saint-Aubin
Aux conseils chorégraphiques :  Sophie Corriveau
À la dramaturgie :  Gabriel Charlebois Plante
Aux éclairages :  Erwann Bernard
À la direction technique :  Olivier Chopinet
Aux costumes :  Marilène Bastien
À la création vidéo :  Joel Morin-Ben Abdallah
À la conception du tapis : Omnifab

 

Les liens externes

Le site de la compagnie Grand Poney, la page Facebook et le canal Vimeo.

Crédits photos : Dominique T. Skoltz

Chroniques du regard 2017-18 No 17 BIGICO Soirée découverte de la gigue contemporaine

La BIGICO (Biennale de gigue contemporaine) présente une soirée-découverte incluant huit courtes chorégraphies. Métissant l’art traditionnel de la gigue avec d’autres formes plus contemporaines de danses scéniques, le spectacle met en scène six danseurs et sera présenté trois soirs à La Maison pour la danse.

BIGICO - Espace 2016 - Crédit Valérie Sangin

 

« BIGICO » c’est pour vous si vous aimez les découvertes.

 

 « BIGICO » c’est pour vous si vous êtes curieux de voir de nouvelles utilisations et l’évolution d’un art traditionnel.

 

« BIGICO » c’est pour vous si vous êtes intéressé aux multiples tangentes que peut prendre la danse contemporaine.

 

 

Le spectacle

D’une durée totale de 75 minutes, le spectacle est composé d’une suite de chorégraphies dont les durées individuelles oscillent entre cinq et douze minutes. Dans ce spectacle aux esthétiques variées, se retrouve un vaste éventail des préoccupations générales, stylistiques et conceptuelles de jeunes chorégraphes actuels intéressés à l’évolution et au métissage de la danse contemporaine.

Dans les différents numéros, on retrouve un chassé-croisé d’interprètes: certains danseurs sont interprètes de leur propre solo, d’autres sont mis en vedette dans les œuvre d’un.e chorégraphe absent.e de la scène, d’autres enfin ont co-chorégraphié un duo dont ils sont aussi les interprètes.

 

L’organisme

Sous la responsabilité de son directeur Lük Fleury, BIGICO est un organisme montréalais fondé en 2005 qui vise l’élaboration et la présentation d’un nouveau langage chorégraphique. Ses créateurs, chorégraphes et interprètes sont issus d’horizons variés. Certains ont été formés par les canaux de la danse folklorique traditionnelle, d’autres ont été formés dans des centres de formation supérieure en danse (ballet ou contemporain) et d’autres, enfin, sont des universitaires détenteurs de maîtrise en danse.

Les recherches, spectacles et événements de BIGICO proposent un regard novateur sur un art traditionnel et les créateurs impliqués dans l’organisme souhaitent s’exprimer afin que la gigue reste vivante, vibrante et percutante. Qu’elle devienne danse de création, une « gigue d’art » sans cesse régénérée, objet de recherche au cœur d’un processus de modernisation lui permettant une reconnaissance dans la panoplie des pratiques dansées du XXIe siècle. Cette modernisation de la gigue implique un processus courant en création chorégraphique : le métissage.

 

BIGICO 2-Crédit Valérie Sangin

 

Métissage et hybridation en danse contemporaine

Dans différents processus de création chorégraphique en danse contemporaine, on peut observer que les démarches artistiques suivent souvent les mêmes trajectoires. Peu importe le langage gestuel utilisé, qu’il soit restreint à un seul type de vocabulaire ou vise le métissage de plusieurs vocabulaires (pour les chorégraphes de BIGICO, il s’agit d’intégrer certains éléments de la gigue traditionnelle dans une recherche d’actualisation de la forme), le chorégraphe contemporain doit inventer son propre langage gestuel.

Dans certaines présentations récentes d’artistes québécois par La Rotonde, une partie des questionnements créatifs concernant l’actualisation et le métissage ont déjà pu être observés. Entre autres chez des chorégraphes qui exploraient, pour la création de leurs spectacles, des univers et des sources tirées de techniques de danse spécifiques (danses urbaines dans LIENS), d’autres formes d’art (peinture et arts visuels dans LE CRI DES MÉDUSES) ou même d’autres pratiques théâtrales (concert dans CON GRAZIA, art clownesque dans TENDRE et performance dans INFINITY DOUGHNUT).

Les chorégraphes de BIGICO n’échappent pas à cette démarche de métissage ou d’hybridation. Leurs sources d’inspiration sont variées et leurs produits sont indéniablement tributaires de leur propre sens artistique, de leurs influences stylistiques et de leur personnalité de créateur.

Les huit œuvres composant la soirée présentée par BIGICO ont été créées par des artistes possédants divers niveaux d’expérience et chacune des chorégraphies de ce buffet artistique ne sera pas détaillée individuellement. Ce sera au spectateur de recevoir, de déceler et d’isoler les différentes composantes qu’il pourra observer dans cette soirée découverte (et qu’il a déjà pu observer dans les spectacles nommés plus haut). Toutefois, quelques pistes d’observation et éléments d’analyse sont proposés ici.

Le but de toutes ces interrogations, qui peut sembler lourd, est de permettre une meilleure compréhension du produit chorégraphique. Mais ce processus de questionnement peut, et doit, rester léger. Cette recherche de sens peut aisément rester non exhaustive et laisser toute la place à l’émerveillement. Elle ne doit surtout pas couper le spectateur du simple plaisir d’assister au spectacle en profitant de l’effet d’entrainement et de bonheur qu’apporte une danse effectuée en direct. Car il y a toujours de la magie dans l’acte de danser.

 

 

Les choix chorégraphiques

L’art chorégraphique (la fabrication d’une danse scénique) étant un processus de choix et de prises de décisions, nous pouvons donc observer sur scène le résultat des choix effectués quant aux éléments suivants : le format; l’utilisation d’accessoires, de la lumière et de l’accompagnement sonore; les approches chorégraphiques; le vocabulaire gestuel ainsi que les sentiments et effets recherchés.

Concernant les formats présentés. Si on compare les solos et de duos : Quel est l’impact du deuxième partenaire en tant qu’élément essentiel de la chorégraphie ?

Concernant les durées des chorégraphies : Comment se comparent-elles par rapport aux durées des danses traditionnelles? Et par rapport aux chorégraphies actuelles de jeunes chorégraphes dans des soirées semblables?

Concernant les quelques accessoires utilisés dans les différentes chorégraphies : Comment sont utilisés les fers des souliers de gigue traditionnelle? Quelle est l’utilisation des planchers de bois servant à amplifier le son ? Retrouve-t-on des accessoires inhabituels ou rarement utilisés ? Ou des accessoires dont l’utilisation semble inhabituelle?

Concernant les jeux d’éclairage : Comment sont-ils utilisés ? Couleurs et ambiances, formes au sol, effet d’isolation de l’artiste ou de son activité dans un fond noir abyssal, etc.?

Concernant les différentes approches chorégraphiques : Existe-t-il un quatrième mur ou pas? Les structures chorégraphiques sont-elles en forme de cycle, de boucles, de forme ABA? Les  concepts chorégraphiques incluent-ils la construction de personnages? Permettent-ils une certaine forme d’humour? Dans les duos, comment se fait le développement relationnel entre les partenaires?

Concernant les types de mouvements mis en scène : Quelle est la proportion de mouvements quotidiens VS stylisés? Et celle entre le vocabulaire codifié VS la recherche d’originalité? Peut-on déceler une préférence vers la symétrie dans le corps ou dans l’organisation spatiale? Peut-on déceler un effort de déconstruction-reconstruction des modèles traditionnels?

Concernant l’utilisation des musiques et bandes sonores : Quelle est l’utilisation de musiques traditionnellement rattachées à la gigue? Quelle est l’utilisation de musiques non-traditionnelles? Ou l’accompagnement sonore avec autre chose que de la musique?

Finalement, si on s’intéresse particulièrement aux sentiments qui portent l’interprétation des danseurs : Quels sont-ils? Comment sont mes réactions? Quelles émotions sont éveillées en moi devant ces performances?

 

Les artistes impliqués et leurs notes biographiques en hyperliens:

LÜK FLEURY 

OLIVIER ARSENEAULT 

BENJAMIN HATCHER 

SANDRINE MARTEL-LAFERRIÈRE

PHILIPPE MEUNIER

MARIE-ÈVE TREMBLAY

MÉLISSANDRE TREMBLAY-BOURASSA

ANTOINE TURMINE 

IAN YAWORSKI 

 

Liens externes :

Vous pouvez trouver une liste des activités récentes de BIGICO sur le site web de la compagnie  ainsi que des images de spectacles sur sa chaine vimeo.

 

Photos : Valérie Sangin

Chroniques du regard 2017-18  No 16 – Programme double : La fille d’à côté de Josiane Bernier et Duet For One Plus Digressions d’Andrew Turner

Dans le studio A de la Maison pour la danse, pour une série de six représentations, deux créateurs présentent chacun une chorégraphie dont ils sont les personnages. D’une part, Josiane Bernier, de Québec, a créé un duo de trente minutes en collaboration avec l’interprète Catherine Tardif et les deux créatrices se retrouvent sur scène. D’autre part, le montréalais Andrew Turner présente un presque solo de trente-cinq minutes qu’il tourne depuis 2008 et qui lui a valu de nombreux prix et quelques reconnaissances internationales.

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Photo : Philippe Lessard Drolet / Ollie Smith

 

« Programme double » c’est pour vous si vous voulez découvrir de nouveaux chorégraphes.

 

« Programme double » c’est pour vous si vous êtes intéressés par la danse théâtrale et performative.

 

 « Programme double » c’est pour vous si vous aimez les spectacles simples et intimes, ainsi que les courtes formes.

 

La fille d'à côté - Crédit Philippe Lessard-Drolet(3)

Photo de La fille d’à côté : Philippe Lessard Drolet

 

Le spectacle

Dans La fille d’à côté, un duo de Josiane Bernier chorégraphié avec la complicité de la danseuse montréalaise Catherine Tardif, se retrouvent sur scène deux femmes habituées des planches et des représentations devant public. Dans un spectacle tout en simplicité, elles suivront un canevas écrit impliquant une suite d’actions ou d’attitudes comportementales. Il s’agit, selon les mots de la chorégraphe, « d’un moment de vie partagé avec le public plutôt qu’un spectacle ». Ensemble, elles ont comme tâche de garder leurs qualités humaines et leurs personnalités « civiles » car il n’y a pas de personnages à jouer. Tout au plus, leurs niveaux de présence seront légèrement « trafiqués » par le simple fait d’être devant public.

Les deux danseuses se retrouvent sur scène dans un exercice de présence. Le canevas est écrit mais reste vivant et réactif. Les indications scéniques pourront jouer sur les niveaux d’attention et de présence des artistes sur scène, et certains moments précis pourront ainsi influencer le récit en cours. Jouant avec les canaux de communications entre leurs mondes intérieurs et le monde les environnant (le public qui regarde faisant indéniablement partie de leur monde), elles devront se questionner sur les objets de leur attention, sur l’importance qu’elles portent aux choses et aux actions, sur ce qui devient essentiel pour elles. Sur un mode relationnel, elles devront aussi se questionner sur l’importance de l’offrande à l’autre ainsi que sur les effets et conséquences du silence.

Il faut aller à la rencontre de la fille d’à côté car elle est attirante et intrigante. Elle est toute simple malgré sa complexité. La fille d’à côté est unique tout en étant multiple. La fille d’à côté est humble et courageuse. La fille d’à côté est patiente mais impatiente de vous rencontrer.

 

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Photo de La fille d’à côté : Emilie Dumais

 

Dans Duet for One Plus Digressions, le danseur et chorégraphe Andrew Turner fait face à une situation délicate. Seul sur scène, et en tant que lui-même, il remet en question la possibilité de présenter au public une danse en duo qu’il avait prévue et pratiquée car il manque un élément essentiel à sa chorégraphie : sa partenaire. Advienne que pourra : « The show must go on ».

Le danseur et chorégraphe en profitera pour retenir les spectateurs en les divertissant de multiples façons. Faisant fi du quatrième mur, il s’adresse alors directement au public pour lui révéler l’inspiration, le concept et le contenu de la danse qui aurait été présentée. Avec humour, il permet aux spectateurs d’entrer dans la fabrication d’une œuvre dansée en dévoilant dans le détail ses plans de travail et en parsemant son discours d’une gestuelle puissante et pleine de vie.

Le public reçoit l’œuvre sous une autre forme que celle qu’il attendait. Il ne regarde pas une danse peaufinée lors des répétitions. Il doit l’imaginer mais, par le simple fait de regarder le chorégraphe expliquer et détailler son œuvre, cette collaboration inattendue permet à un autre spectacle de prendre forme. Ce sera moins une danse qu’un événement performatif intégrant un discours, plusieurs supports visuels et des extraits du duo exécutés en solo.

L’approche est risquée, le spectacle est déconstruit et les paramètres habituels de la représentation devant public sont bousculés. Mais rien n’est dissimulé. La relation est franche. Dans une approche bon enfant et sympathique, Turner improvise (ou pas ???) devant l’adversité et fait feu de tout bois. Les spectateurs pourront se laisser prendre au jeu et pourront croire au succès de l’entreprise tout en se demandant: «Qu’est-il en train de se passer ?»

Concernant Duet For One Plus Digressions, Fabienne Cabado en disait (Voir, 2010) : « … désormais bien rodé en français. Sa théâtralité intelligente et drôle et sa gestuelle athlétique en font une introduction toujours efficace à la danse contemporaine.». Pour sa part, Marion Gerbier (dfdanse.com. 2011) déclarait: « Chaque fois qu’il s’agit d’évoquer le travail d’Andrew Turner, c’est pour souligner sa présence, l’urbanité de son style, son engagement dans une chorégraphie énergique et sportive, et la richesse tout comme la dérision de son propos… Cette fois, c’est son agilité féline sa classe et son tact qui m’ont renversée. Sous des apparences innocentes, sa pièce va loin dans la réflexion sur l’honnêteté et la spontanéité de la création».

 

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Photo de Duet for One Plus Digressions : Ollie Smith

 

Les chorégraphes

La fille d’à côté est chorégraphié par Josiane Bernier, une interprète souvent vue sur les scènes de la Rotonde, entre autres dans Le Cri des méduses (2018) d’Alan Lake, dans Entre (2016) de Théâtre Rude Ingénierie, dans Bach, le mal nécessaire (2013) et Père et mère (2011) de Mario Veillette. On l’a aussi vue dans des spectacles théâtraux de la compagnie Les Incomplètes et dans de multiples événements performatifs dont Où tu vas quand tu dors en marchant du Carrefour de Théâtre, Dreamland (2016) et Saison complète (2018) de Théâtre Rude Ingénierie  ainsi que dans 150 cabanes (2017) de L’Orchestre de l’Homme-Orchestre.

Josiane Bernier a effectué des études en théâtre et en philosophie à l’Université Laval avant de  s’investir dans la formation professionnelle de L’École de danse de Québec (terminée en 2010). Entre autres, elle a déjà réalisé trois projets alliant danse et théâtre : Refuge (2011), Trace (2013) et Plaisirs (2014) et cocréée la vidéodanse Territoire (2014). De plus, Josiane est cofondatrice du Bloc.danse, plate-forme de recherche en danse contemporaine.

La création de La fille d’à côté s’est effectuée en collaboration avec la danseuse et chorégraphe Catherine Tardif qui utilise souvent l’improvisation comme point de départ au processus créatif de ses propres créations présentées entre autres par sa compagnie Et Marianne et Simon.

 

Andrew Turner a étudié en histoire et en philosophie avant de s’orienter vers le programme de danse contemporaine de l’Université Concordia à Montréal (terminé en 2004). Sa chorégraphie Duet For One Plus Digressions (2008), a reçu des distinctions de l’Office Québécois Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse, de l‘Office Québec-Amériques pour la jeunesse, du Studio 303 et des Entrées en scène Loto-Québec. Ses différentes œuvres ont été présentées au Canada, en Belgique, en France, au Mexique et aux États-Unis. De 2011 à 2013, il a dansé pour la compagnie O Vertigo et vient de terminer une maîtrise en danse à l’UQAM avec la présentation en 2017 du projet de  recherche-création while_vague: the town while_vague

Parmi ses autres œuvres, Andrew Turner a présenté le trio Now I Got Worry (2010) et le quintet A Standard of Measure, Except Not Really (2015). En collaboration avec d’autres organismes, il a fait une résidence de création (2010) avec la compagnie Montréal Danse dont on peut voir des images ici et ici et créé Speeds and Slownesses 1a (2014) pour le Ottawa Dance Directive.

La gestuelle utilisée par Turner dans ses créations est souvent vive et puissante, repoussant les limites de la physicalité tout en gardant précision et nuances. Les concepts à la base de ses créations explorent les multiples façons de repousser les limites de la performance. Avec humour, il traverse souvent le quatrième mur et parle directement au public, lui lance des explications, fait des commentaires, offre des pistes d’interprétation.Un exemple de son approche humoristique peut être illustrée par Le Stomp Notre Dame – Line Dance dont les images sont ici.

 

Duet for One - Andrew Turner - Crédit OllieSmith

Photo de Duet for One Plus Digressions : Ollie Smith

Les collaborateurs

Pour La fille d’à côté de Josiane Bernier :

À la cocréation : Catherine Tardif .

Lumières de Philippe Lessard Drolet.

Conseils artistiques de Nicolas Cantin.

Pour Duet For One Plus Digressions d’Andrew Turner :

Interprétation de Milan Gervais.

Musique de David Drury.

Lumières de Timothy Rodrigues.

Conseils artistiques d’Annie Gagnon (Montréal) et de Thea Patterson.