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Chroniques du regard 2017-18 No 7 BLEU. d’Yvann Alexandre

Arrivés de France pour une courte tournée québécoise, les sept membres de la compagnie Yvann Alexandre  dansent « BLEU. », la plus récente création d’un chorégraphe actif depuis près de vingt-cinq ans, reconnu pour ses œuvres subtiles et son écriture chorégraphique ciselée et élégante. Un an après sa création en France, qui fut suivie d’une tournée qui les a menés jusqu’à Paris en décembre dernier, le spectacle d’une durée d’une heure est présenté deux soirs seulement à la Salle Multi de Méduse.

« BLEU. » c’est pour vous si vous aimez la danse élégante et raffinée. 

« BLEU. » c’est pour vous si vous aimez les spectacles qui s’intéressent à l’humain, à ses blessures et sa résilience.

« BLEU. » c’est pour vous si vous aimez les danses de groupe, qui se font de plus en plus rares.

BLEU. creation 17 Yvann Alexandre photo Fabrizio Clemente - FC Photography droits réservés-6041

Crédit: Fabrizio Clemente

 

LE SPECTACLE  « BLEU. » est dansé par cinq femmes et deux hommes et traite de ce qui advient aux personnes à la suite d’un impact, qu’il soit physique, mental ou émotionnel. Le titre du spectacle donne de nombreux indices sur sa lecture possible. La couleur évoquée est surtout celle qui caractérise une ecchymose, une blessure de la peau qui prendra avec le temps de nombreuses teintes avant de disparaître. Le point final qui termine l’unique mot de son titre arrive comme un accident, un point de rupture inévitable. Dans une phrase écrite, cette marque indélébile impose un arrêt obligatoire et une attente envers ce qui peut arriver pour la suite. C’est ce même procédé qui sera souvent utilisé par les danseurs : un arrêt, une attente de la suite, une observation méticuleuse à l’écoute de la subtilité de ce qui est en train d’advenir, ailleurs sur scène ou à l’intérieur de soi, et qui déterminera la suite des événements.

 

Sept danseurs sont constamment sur scène (parfois en coulisses ouvertes) comme les sept couleurs correspondant à différents états, comme les couleurs de l’ecchymose qui varient avec le temps. Les changements de rythmes sont très fréquents. Des sous-groupes sont en mutation constante. Le groupe n’est jamais tout à fait unifié car chacun garde sa spécificité, sa personnalité. Souvent, une personne s’échappe du sous-groupe en formation, ou en action, et travaille en contrepoint, parfois simplement dans une orientation différente de ses partenaires. Des trajectoires incluent parfois tout le groupe et permettent de traverser l’espace scénique dans des phrases de mouvements qui se répondent les unes aux autres, comme un écho traversant le temps.

 

Toute en subtilité et dans des attitudes d’attention méticuleuse, la danse évolue dans un accompagnement sonore qui flotte dans l’air comme un nuage diaphane. Alternant entre le  silence et des extraits d’œuvres de musique baroque, « … les sept corps, entre souffles et émotions contenues, nous guideront au plus profond de ce qu’est la nature humaine. » Source : Centre chorégraphique national de Tours.

 

Indéniablement, le spectacle traite du temps. Le temps qui passe et qui permet l’adoucissement des choses. Le temps qui passe et qui permet une gestion de la douleur. Le temps qui passe et qui permet l’apparition de l’écho des choses.

 

La chorégraphie d’Yvann Alexandre a été créée avec la complicité des interprètes : Steven Berg, Lucile Cartreau, Anthony Cazaux, Lucie Garault, Emma Mouton, Claire Pidoux, Marie Viennot.  Le spectacle a été déclaré « coup de cœur de l’édition 2017 » du Festival des scènes vagabondes de la ville de Nantes.

BLEU. creation 17 Yvann Alexandre photo Fabrizio Clemente - FC Photography droits réservés-5250

Crédit: Fabrizio Clemente

 

LE CHORÉGRAPHE, danseur et médiateur culturel Yvann Alexandre se décrit lui-même comme un « chorégraphe pèlerin ou un passeur de danse, créant au fil des territoires et des rencontres ». Source : www.culture.paysdelaloire.

Yvann Alexandre a été formé, entre autres, au Conservatoire de La Rochelle et à l’école d’Anne-Marie Porras à Montpellier. Il a composé ses premières chorégraphies et fondé sa compagnie dès l’âge de dix-sept ans. Il a créé une quarantaine de pièces présentées sur de nombreuses scènes en France et à l’étranger.

Depuis ses débuts en 1993, il est l’un des représentants d’une danse abstraite, loin des performances et des improvisations typiques d’autres chorégraphes de sa génération.  Ses danses élégantes explorent la fragilité intérieure. « Ses chorégraphies se veulent une calligraphie de l’intime. Sa gestuelle, très en retenue, en délicatesse, mais d’une précision acérée, entrelace chaque détail du  mouvement comme on travaillerait la dentelle. » Source : Agnès Izrine.

Sans cesse à la recherche de l’humanité dans la composition chorégraphique et des failles dans la perfection, il a su explorer la forme solo autant que les chorégraphies de groupe : « Il y a dans cet art à la fois le collectif et le solitaire, la possibilité de s’exprimer sans utiliser de mots, la rigueur et la créativité, la liberté. Il y a dans la danse plus de richesses à vivre que partout ailleurs. C’est une passion qui me fait me sentir vivant. » Source : www.parisétudiants.com

Selon la poésie du chorégraphe lui-même, il faut, plus particulièrement dans « BLEU. » : « … chercher des connections d’errance. Dans ce monde aux angles durs, faire danser des chimères dans une plaine bleutée, aux armures crâniennes boursouflées, aux gestes tendus, fermes, raidis, aux dialogues essentiels et poignets baroques, et commencer par être là. « BLEU. » va s’attacher à faire apparaître l’après impact, une pièce de l’ecchymose où la danse sera celle d’un auteur… romantique, ce que je suis. Contemporain et romantique. » Source: Portrait d’Yvann Alexandre.

 

LA COMPAGNIE Yvann Alexandre, créée en 1993, est une compagnie professionnelle de danse contemporaine de la région française des Pays de la Loire. Ses projets sont destinés à une variété de participants en rattachant professionnels, enseignants et danseurs en formation professionnelle aux amateurs du grand public. La fibre de la compagnie est composée de rencontres, de séances de formation et d’échanges (dont ceux avec L’École de danse de Québec), en visant sans cesse l’accès du plus grand nombre à la culture chorégraphique.

 

LES COLLABORATEURS

La musique est de Jérémie Morizeau, inspiré de Bach, Schubert et Couperin. Conseiller musical : Jean-Louis Moissonnié. Les lumières sont d’Olivier Blouin. La création des chimères a été faite grâce au mécénat de Pascal Guyon, coiffeur.

BLEU. creation 17 Yvann Alexandre photo Fabrizio Clemente - FC Photography droits réservés-5709

Crédit: Fabrizio Clemente

 

LES ACCESSOIRES

Le tapis de danse est perçu comme une sorte de peau qui reçoit l’impact de la danse. Une peau sur laquelle les interprètes laissent des traces qui seront sublimées pour devenir matière visible dans les mouvements subséquents effectués au même endroit (ou dans la suite d’une séquence qui sera continuée plus tard). Une peau qui pourra devenir marquée par le temps et les impacts.

 

Les chimères (perruques stylisées) portées en première partie du spectacle se veulent casque protecteur, mais aussi rappel des images de geishas et de samouraïs. Chacune possède son caractère et peut aider à définir les personnages. L’enlever, c’est se mettre à nu. Risquer la rencontre. Risquer de recevoir des coups.

 

Les blocs au sol symbolisent un cimetière des coups passés. Les pierres rappellent le passé et sont parfois déplacées pour changer la configuration de l’espace disponible aux danseurs.

 

 

LES CRITIQUES

« Avec une équipe très féminine (cinq femmes pour deux hommes), BLEU. développe une énergie masculine, combative, haletante. Une œuvre qui se pose dans un silence inquiétant, que seuls viennent troubler de rares fragments musicaux, fantomatiques, d’où sourd une émotion palpable. » Source :  Agnès Izrine.

 

« … tous ressortent conquis, saluant la performance technique des danseurs et la beauté de la chorégraphie. » Source : www.atelierdesinitiatives.org.

 

« Si le chorégraphe reste fidèle à une gestuelle et à une esthétique qui lui sont propres, chacune de ces pièces compose un puzzle où transpirent l’humanité et ses émotions. » Vincent Braud.

BLEU. creation 17 Yvann Alexandre photo Fabrizio Clemente - FC Photography droits réservés-5147

Crédit: Fabrizio Clemente

 

LES LIENS EXTERNES

Un reportage télé sur BLEU. de  CAMÉRA numéro 2, ici.

Une présentation de la compagnie Yvann Alexandre ici.

Quelques images des œuvres précédentes d’Yvann Alexandre : La pudeur de l’écho, Les fragments mobiles in situ ici et ici, Forteresses et Cloud ainsi que l’intégrale de Les soli noirs.

Chroniques du regard 2017-18 No 6 « Mille batailles » Louise Lecavalier

Louise Lecavalier sera au Grand Théâtre pour deux soirs dans sa chorégraphie Mille batailles. Dans ce spectacle d’une soixantaine de minutes, la chorégraphe et interprète est accompagnée sur scène de deux comparses, le danseur Robert Abubo et le musicien-compositeur Antoine Berthiaume. Porté par une trame musicale créée spécifiquement pour le projet et jouée en direct sur scène, le personnage de Lecavalier est librement inspiré du roman « Le chevalier inexistant » d’Italo Calvino. Il se retrouve dans une folle chevauchée, accompagné, soutenu et parfois confronté par un autre personnage aux multiples fonctions : son aide de camp, son ombre, son complément, son complice ou sa Némésis.

Crédit: André Cornellier  /Chorégraphe : Louise Lecavalier
Interprètes: Louise Lecavalier & Rob Abubo

 

« Mille batailles » c’est pour vous si vous voulez voir la plus récente création de Louise Lecavalier, une grande personnalité de la danse québécoise et internationale.

 

« Mille batailles » c’est pour vous si vous aimez les spectacles envoûtants et captivants.

 

« Mille batailles » c’est pour vous si vous voulez être transporté dans un univers scénique très finement ciselé du point de vue chorégraphique, musical et scénographique.

 

Mille batailles_Photo Katja_Illner

Crédit: Katja Illner  /Chorégraphe : Louise Lecavalier
Interprètes: Louise Lecavalier & Rob Abubo

Le spectacle

Présenté sur scène pour la première fois en février 2016 en Allemagne, Mille batailles a, depuis, été diffusé dans de nombreuses villes d’Europe, au Mexique et en Amérique du sud, ainsi qu’à deux occasions à Montréal (FTA en juin 2016 et Usine C en mars 2017). Le titre de l’œuvre chorégraphique peut évoquer autant les mille combats du quotidien que les tourments plus profonds, voire les quêtes existentielles ou mystiques qu’affrontent devant nous (pour nous!), le chevalier et son fidèle comparse.

Après un an passé en studio en période de recherche et de création, le chevalier créé par et pour Louise Lecavalier se présente au public en neuf tableaux (neuf rounds !) liés les uns aux autres, sans pause pour le spectateur, mais avec quelques courtes pauses hydratation pour Lecavalier. Au début, ses déplacements exécutés en solo, sur demi-pointe et les genoux serrés, donnent l’impression de voir un insecte flotter sur l’eau. Tout au long, les gestes sont fascinants. Sur un champ de bataille qui prend parfois l’allure d’un ring de boxe, elle effectue, souvent avec un humour un peu absurde, une danse sans pitié, électrique et épuisante composée de vibrations et d’agitations nerveuses, de sautillements et de tressaillements, de courses statiques ou de déplacements qui quadrillent l’espace. Ces moulins, tournoiements et pivots réussissent à l’amener parfois dans ce qui peut sembler une transe hypnotique.

 

La danse est à la fois mécanique et très vivante. Les mouvements sont toujours vifs et faits dans l’urgence. « Parfois semble-t-elle éviter mille projectiles, avec une agilité impressionnante dans la répétition, parfois semble-t-elle être l’auteure de ces mille microattaques, lancés avec l’acharnement que seul un accro du dépassement pourrait rendre possible. » Source : Audray Julien.

 

Dès le troisième tableau du spectacle et jusqu’à la fin, elle est rejointe dans sa quête par un compagnon de route avec qui elle embarque dans des batailles variées qui semblent donner un sens à leur existence. Ces batailles qui ne cessent jamais sont toujours éphémères, sans ménagement et un peu chimériques. Les pulsions de base des combattants sont toujours profondes ainsi que vitales et le compagnon, souvent du même côté qu’elle dans la bataille, devient parfois son opposant : « … dès l’entrée en scène du second danseur, on ne se retrouve pas dans cette dynamique de séduction. Ces Mille batailles ne seront pas celles de l’amour et du désir, mais d’un tout autre ordre. Abubo sera tantôt monture, tantôt écuyer, il sera l’ombre comme il sera l’allié, l’ennemi à abattre qui restreint le mouvement, tout en fournissant l’élan qui permettra de poursuivre la quête lorsque tout effort supplémentaire semble impossible. Source : Jérémy Laniel.

 

L’éclairage qui découpe et définit l’espace selon les sections est magnifique. Partant d’un décor très simple fait d’un mur de contreplaqué, l’univers proposé change souvent, passant d’un échiquier à un ring de boxe à un univers plus indéfini et ouvert sur l’infini, porté par une simple ligne de lumière colorée.

 

Dans Mille batailles, Louise Lecavalier s’engage totalement dans la danse et elle y poursuit sa recherche chorégraphique, toujours fondée sur le dépassement d’elle-même. Ses prises de risque et les efforts déployés témoignent de sa quête. « Traversés par une énergie électrique, les corps s’y révèlent, en fin de compte, sauvages. Non pas dans le sens de violents ou bestiaux, mais comme l’est le cheval : débridé, libre, naturel. Et c’est cette petite chose précieuse que nous offre, en toute simplicité, Louise Lecavalier. » Source : Iris Gagnon-Paradis.

Louise Lecavalier Photo © Massimo Chiaradia

Crédit: Massimo Chiaradia

La chorégraphe et interprète

Louise Lecavalier est une icône de la danse contemporaine. Elle a fondé sa propre compagnie, Fou Glorieux, en 2006 après avoir dansé avec La La La Human Steps pendant près de 20 ans. Au cours de sa carrière, elle a reçu de nombreux honneurs : prix de la danse de Montréal (2011), prix Léonide Massine (2013), prix du Gouverneur général et Grand Prix du Conseil des arts de Montréal en 2014. Cette année, elle recevait le prix Denise-Pelletier, la plus prestigieuse distinction accordée par le gouvernement du Québec dans le domaine des arts de la scène. (Le texte complet de son allocution est disponible à la fin de la chronique.)

 

Combattante dans ses entraînements, elle amène cette pugnacité dans ses œuvres chorégraphiques, surtout dans Mille batailles : « J’ai eu beaucoup de plaisir à créer cette pièce parce qu’elle combinait divers éléments qui m’intéressent. L’urgence, le plaisir esthétique, l’aspect graphique, le narratif et l’absurde. Et surtout le combat. Le plus qu’humain dans l’humain. » Source : Oliver Koomsatira.

 

Les danses qu’elle a composées pour elle-même sont exigeantes et souvent extrêmes. Elles découlent d’enregistrement de ses propres séances de travail en studio et c’est à travers ce filtre d’observation qu’elle a pu objectiver le personnage qu’elle incarne maintenant sur scène : « C’est-à-dire qu’elle filmait ses répétitions sur iPad. Elle visionnait ensuite les extraits captés. Avec détachement. Et fascination. Comme si c’était une autre qu’elle qui bougeait à l’écran. » Source : Karine Tremblay.

 

Le personnage est né ainsi, dans la distanciation. La chorégraphe l’a ensuite fait parcourir des distances imaginaires, embarqué dans des combats insensés : « Ce personnage était réinventé à mon gré à partir d’autres personnages côtoyés dans les films de Miyazaki : un baron/bâton, une ombre qui glisse sans visage, une jeune fille/vieillarde, des êtres transformés, mais la plupart du temps je me suis inspirée du fier et rigide Chevalier inexistant. Une bonne partie des danses est née comme ça, il y avait l’idée d’un cheval aussi, le personnage et son cheval pouvaient se fondre et devenir un autre personnage imaginaire. » Source : Oliver Koomsatira.

 

Mille batailles est une danse de quête et de résistances : « La danse est ma façon de résister. Résister contre, résister pour. Contre la mort et l’affaissement, la peur… Pour la vie et rester debout. Je ne me bats pas pour la danse, ma danse est une bataille perpétuelle. » Source : Oliver Koomsatira.

 

Les collaborateurs

Le concept et la chorégraphie sont de Louise Lecavalier, avec assistance à la chorégraphie et direction des répétitions par France Bruyère.   La conception des lumières est d’Alain Lortie.  Les costumes sont d’Yso. La musique originale, jouée sur scène, est d’Antoine Berthiaume  La musique additionnelle est de Steve Roach. (La bande sonore du spectacle Mille batailles (Battleground) est disponible en ligne sur spotify et iTunes).

 

Aux côtés de Louise Lecavalier sur scène, on retrouve le danseur Robert Abubo, son ancien partenaire dans les pièces de Tedd Robinson. Il fut longtemps lié au Groupe Lab de danse à Ottawa et à Dancemakers à Toronto.

 

Dance Company : Fou Glorieux Title english : BATTLEGROUND Titre français: Mille Batailles Choreographer : Louise Lcavalier Dancers: Louise Lecavalier & Rob Abubo

Crédit: André Cornellier / Chorégraphe : Louise Lcavalier
Interprètes: Louise Lecavalier & Rob Abubo

 

Les critiques

« Il n’y a pas une seule seconde à retirer de ce spectacle. Parfois sautillants, frétillants, ils trottent, ils courent, ils s’imitent, ils tournent et reviennent sur leurs pas. La superstar de la danse contemporaine, spécialiste des vrilles qui ont fait sa renommée, les effectuent ici en se roulant sur les quatre côtés de l’arène, un décor qui se construit à mesure grâce aux éclairages astucieux d’Alain Lortie. » Source : Gilles G. Lamontagne.

 

« Elle incarne (le personnage) avec fougue et brio, dessinant dans l’espace des figures et enchaînements d’une diversité, d’une richesse et d’un éclectisme réellement étonnants, vibrations nerveuses en parfaite harmonie avec la musique pour guitare électrique et synthétiseur d’Antoine Berthiaume. Source : Jean Marie Le  Gourreau.

 

« Louise Lecavalier affiche encore l’étendue de son talent dans une proposition où elle brille toujours sans surligner en gras les prouesses techniques qui peuplent pourtant ses Mille batailles. À la façon de ce chevalier inexistant, elle s’efface derrière le mouvement, elle s’efface derrière elle-même, se donne entière et juste, livrant ainsi un grand moment de danse, démontrant la force de frappe des corps comme réels catalyseurs narratifs. » … « La force de la performance de Louise Lecavalier réside dans son jeu, ou plutôt dans son absence de jeu, sous cette armure où elle reste impassible et où, pourtant, sa corporalité canalise une énergie électrique qui transcende l’espace scénique. Chez Lecavalier, le mouvement est parole, action, émotion, telle une armée qui happe le public de plein fouet en une charge incessante de plus d’une heure. » Source : Jérémy Laniel.

 

« The approving roar of the audience at the end of the piece was deafening, and not unexpected. Lecavalier is a true star, one of those rare performers able to capture the public’s heart and soul. » Source: Philip Szporer.

 

« Avec Mille batailles, Louise Lecavalier arrive à renouveler son langage chorégraphique, tout en préservant ce qui fait son essence et son génie. » Source : Samuel Pradier.

 

 

Les liens externes

– Allocution complète de Louise Lecavalier prononcée lors de la remise du prix Denise-Pelletier, le 1er novembre 2017. Ici.

– Le roman Chevalier inexistant de l’écrivain Italo Calvino fait partie de la trilogie « Nos ancêtres », qui comprend également Le vicomte pourfendu et Le baron perché. Pour une explication ludique du roman (Alchimie d’un roman, épisode n°28, Jean-Philippe Depotte), c’est ici.Pour une étude savante du livre (Presses universitaires de Rennes, Isabelle Durand-Le-Guern), c’est ici.

 

– Mes deux autres chroniques sur les spectacles précédents de Louise Lecavalier : So Blue (saison 2014-15) et Children et A Few Minutes of Lock (saison 2011-12).

 

– Film documentaire réalisé par Raymond St-Jean sur Louise Lecavalier : informations ici et ici.

Chroniques du regard 2017-18 No 5 « MÉCANIQUES NOCTURNES »

 

Anne Plamondon, chorégraphe et interprète, est de retour à la Salle Multi de Méduse avec un tout nouveau spectacle : MÉCANIQUES NOCTURNES. Après avoir présenté avec grand succès Les mêmes yeux que toi en 2014, l’artiste revient sur scène en reprenant la formule chorégraphique du spectacle solo. Se retrouve ainsi, devant public, une femme en processus de création, à l’écoute d’elle-même, négociant avec ses désirs et ses envies. La danseuse investit ses acquis dans le mouvement et ses expériences, autant artistiques que professionnelles et humaines se retrouve indissociables au processus. Travaillant avec ses forces mais à travers ses doutes et ses embuches, elle déploie sa créativité pour inviter le public à l’accompagner dans sa démarche.

1 Mécaniques Nocturnes photo©Michael Slobodian

Crédit: Michael Slobodian 

« MÉCANIQUES NOCTURNES » c’est pour vous si vous aimez voir sur scène des personnages humains, faits de chair et de sang, présentés avec leurs vulnérabilités.

 

« MÉCANIQUES NOCTURNES  » c’est pour vous si vous aimez les spectacles introspectifs qui portent une dose d’espoir dans le futur.

 

« MÉCANIQUES NOCTURNES » c’est pour vous si vous voulez suivre la trajectoire chorégraphique d’une interprète reconnue pour son excellence professionnelle et ses interprétations toujours fluides et précises.

AnnePlamondon_02032017_166 ©Michael Slobodian

Crédit: Michael Slobodian

Le spectacle

Durant presque soixante minutes, au rythme de ses prises de conscience et suivant les méandres de son autoaffirmation, Anne Plamondon explore un univers concret sous forme d’une structure architecturale. L’univers qu’elle habite et dans lequel elle évolue est autant physique que mental et symbolique. Cette structure, dans laquelle elle se promène, est faite de tuyaux et de plateformes, parfois aussi de quelques projections vidéos, qui peuvent représenter certaines symboliques associées au processus de création. Certains éléments peuvent aussi rappeler des points marquants de la carrière de Plamondon, dont l’expérience d’une vie auprès des barres de ballet et le passage dans l’esthétique des danses contemporaines et urbaines.

La structure physique permet différentes façons d’habiter l’espace, différentes relations aux possibilités de mouvements ainsi que différentes attitudes face aux opportunités offertes par l’environnement lui-même. « Pas tout à fait seule sur scène, Anne Plamondon intègre une structure imposante formée d’une grande ligne horizontale rappelant la barre de ballet, à laquelle est greffé un échafaudage. « La difficulté était d’arriver à partager l’espace avec cette immense structure. En danse, souvent, le corps est suffisant, mais là, cet élément du décor est essentiel. Il faut trouver la justesse nécessaire pour composer en relation avec cet objet en métal qui, lui, est enraciné et rigide. » Source : Mélanie Carpentier.

Tout au long du spectacle, la danseuse se laisse porter par différents états et les investit dans le mouvement, dont la vitesse varie, passant d’une lenteur extrême où chaque micromouvement est profondément ressenti (dans sa forme et dans son développement) à une vitesse beaucoup plus grande, demandant alors une dépense d’énergie considérable.

La scène peut être perçue comme sur un champ de bataille, retenant la danseuse en état de tension mais particulièrement attentive à ses intuitions. Elle se laisse parfois vivre un abandon, un « lâcher prise », attendant la suite tout en évitant les brusqueries et les bousculades. Il émane de cette démarche un lien très fort entre la recherche physique du mouvement dansé et la construction artistique d’une chorégraphe qui cherche et veut trouver sa voie. Elle semble être autant attentive à la construction mécanique du mouvement qu’attentive à la construction de sa personnalité de créatrice.

« Cette pièce puise ainsi dans la mémoire physique de Plamondon, qui met en lumière la fine sensibilité de son corps au contact de l’espace, l’un sculptant l’autre. Émouvantes pointes d’étrangeté. Il y aura des touchers, du plaisir, des doutes. Des formes inquiétantes surgiront de l’espace grisant, envahissant, dominant. Des glissements montreront l’artiste puissante, acceptant de s’élancer selon son inspiration musicale, puis cédant à l’impulsion inverse de l’inquiétude, qui demande à la danseuse de sortir, élégante mais renonçant à sa facilité, comme si déjà une aile noire l’avait frôlée. » Source : Guylaine Massoutre.

 Mécaniques Nocturnes photo©Michael Slobodian(4)

Crédit: Michael Slobodian

Les artistes

Anne Plamondon est au début de la quarantaine. Ses expériences professionnelles l’ont amenée, entre autres, du ballet à la danse contemporaine et urbaine, du métier d’interprète à la direction artistique. La feuille de route impressionne dans la diversité de son contenu, le niveau et la qualité de ses collaborations (Grands Ballets Canadiens de Montréal, Nederlands Dans Theater, Jiri Kylian, Angelin Preljocaj, Ohad Naharin,  Crystal Pite et sa compagnie Kidd PivotVictor Quijada et le Groupe RUBBERBANDance,  …)

Ses nouveaux défis artistiques sont au niveau de la création chorégraphique. Son premier spectacle solo Les mêmes yeux que toi traitait, de manière très intime, de la maladie mentale de son père. Son deuxième solo la confronte cette fois à la solitude de la création pour soi. Une aventure menée de front sous le regard attentif de la comédienne et metteure en scène Marie Brassard.

«Ce second solo m’est apparu comme une nécessité, de me donner de nouveau un espace pour me retrouver, pour aller un peu plus loin en moi-même et dans une démarche artistique… et je ne voulais pas non plus d’un regard de chorégraphe, mais de celui de quelqu’un d’extérieur qui puisse apporter à mon travail une forme de dramaturgie». Source : Denis-Daniel Boullé.

Les collaboratrices se sont penchées sur les idées de construction et de déconstruction, sur les idées de résistance aux changements, sur les différences entre la persistance et l’acharnement lorsque appliquées à une démarche de création. Associé symboliquement à cette démarche, le lourd échafaudage qui envahit l’espace, et que Plamondon considère comme son partenaire de danse, permet la mise en mouvement et l’actualisation en gestes du processus.

Marie Brassard, auteure, metteure en scène et actrice se retrouve ici à la dramaturgie du spectacle. Après avoir collaboré avec Robert Lepage pendant plus de 15 ans, elle créait un premier spectacle solo, Jimmy, créature de rêve, en 2001 suivi, entre autres, de Peepshow (2005), Moi qui me parle à moi-même dans le futur (2010)  et La Fureur de ce que je pense (2013), qui ont été présentés dans une vingtaine de pays en Amérique, en Europe et en Australie. En 2016, elle était décorée de l’Ordre des Arts et des Lettres du Québec.

Elle a également collaboré dans des œuvres chorégraphiques d’Isabelle VanGrimde, Annik Hamel, Jane Mappin   et  Karine Denault. Elle collabore aussi, à titre d’auteure et de dramaturge, au développement de deux projets de la chorégraphe Dana Gingras, compagnie Animals of Distinction.

Les collaborateurs : La scénographie du spectacle est d’Antonin Sorel, les lumières de Yan Lee Chan et les musiques de Frédéric Auger et Last Ex. Les costumes sont de Marilène Bastien.

Mécaniques Nocturnes photo©Michael Slobodian(1)

Crédit: Michael Slobodian

 

« Avec MÉCANIQUES NOCTURNES, Anne Plamondon souhaite remonter jusqu’aux origines, presqu’avant le verbe, avant le cri, au tout début, qui est toujours mouvement. Et puis, de retrouver la puissance de la femme de créer, de cerner quelque peu le mystère de toute création. «Je veux être à l’écoute de ces changements en moi, et travailler avec cette matière, mon corps, que je redécouvre, ou perçois différemment». Source : Denis-Daniel Boullé.

 

Les liens externes

Une danse théâtrale : Dans ma chronique (ici) du spectacle précédent d’Anne Plamondon Les mêmes yeux que toi, je propose une courte distinction de ces différents types de production : Danse théâtrale, danse-théâtre, théâtre dansé et théâtre gestuel pour traiter ensuite de démarche introspective menant à la création, citant les Kyle Abraham, Laurence Lemieux, Akram Khan, Roger Sinha, Martha Graham et compagnie.

 

Danses d’inspirations nocturnes : Dans ma chronique (ici) sur Danses de nuit de Karine Ledoyen, je donne aussi quelques liens vers d’autres spectacles inspirés de la nuit, dont ceux d’Hervé Koubi et de Danièle Desnoyers.

 

MÉCANIQUES NOCTURNES (60 minutes) Salle Multi de Méduse. Les 6, 7 et 8 décembre à 20h.

Chroniques du regard 2017-18  No 4 « Confidences sur l’oreiller… »

Confidences sur l'oreiller Photo Jackie Hopfinger (1)

Sur la photo: Dulcinée Langfelder / Crédit: Jackie Hopfinger

Pour un soir seulement, l’artiste pluridisciplinaire Dulcinée Langfelder présente à la Salle Albert-Rousseau son spectacle solo Confidences sur l’oreiller / essai sur les rêves. Conçu et interprété  par la créatrice, le spectacle est le fruit d’une recherche de plusieurs années sur sa vie onirique. L’artiste danseuse, chanteuse, mime et comédienne, utilise différents procédés scéniques pour amener le spectateur dans un monde de fantaisies construit à partir de ses « vrais » rêves, qu’elle a scrupuleusement notés et enregistrés. Le travail de création, amorcé depuis 2013, résulte en un voyage hautement imaginatif et original qui célèbre le phénomène universel des rêves.

 

« Confidences sur l’oreiller… » c’est pour vous si vous aimez la fantaisie, les spectacles théâtraux imprévisibles et les univers animés, voire surréalistes.

 

« Confidences sur l’oreiller… » c’est pour vous si vous voulez être divertis de manière intelligente et sensible. 

 

« Confidences sur l’oreiller… » c’est pour vous si vous voulez faire la connaissance d’une artiste internationalement reconnue et en pleine maîtrise de son art.

 

Confidences sur l'oreiller_Photo by Andrée Lanthier

Sur la photo: Dulcinée Langfelder / Crédit: Andrée Lanthier

Le spectacle

D’une durée de 70 minutes, le spectacle solo Confidences sur l’oreiller / essai sur les rêves est un voyage aussi sérieux et réfléchi qu’insolite et  saugrenu.

Lors du travail de recherche et création, Dulcinée s’est permis une plongée dans son monde onirique. Elle s’y intéressait depuis longtemps et avait en banque une série d’enregistrements relatant le contenu de ses multiples rêves, des enregistrements souvent faits la nuit, dans un état naviguant entre l’éveil et le sommeil, entre le monde conscient et l’inconscient. « Nous rêvons tous les soirs, relevons nos défis et inventons ces histoires folles, essayant simplement de faire face à la vie. J’ai toujours enregistré mes rêves. J’avais l’habitude de les écrire, mais ça devenait si ennuyeux que j’ai acheté un petit Dictaphone…” Source: Heather Solomon, 2017.

 

Pour faire suite au regard initial sur cette manne d’informations, elle en a tiré des spécificités pour ensuite placer les rêves en trois grandes catégories: les rêves reliés à l’instinct humain (cauchemars de survie, d’angoisse et de manque de préparation), les rêves de procréation (désir, amour, sexualité) et les rêves reliés à la spiritualité. Source : Maria Figueroa, 2016.

 

En essayant de trouver une manière de livrer au public, de manière consciente, les élucubrations de son inconscient, elle s’est arrêtée sur une présentation hautement divertissante, un délicieux et délirant mélange multidisciplinaire, ludique et coloré : « A surreal and puzzling non-linear journey as hilarious as it is sweetly melancholic. Pillow Talk celebrates fundamental creativity, capturing emotions, feelings and all the intimacy of human struggle and unconscious yearnings. » Source: Maria Figueroa, 2016.

 

Comme la majorité des créations de Dulcinée Langfelder et Cie, le processus de mise en place (recherche, création et production) du produit final a pris environ trois ans. Plusieurs phases de création se sont terminées par des présentations publiques dont au Festival Quartiers Danses (2013), au OFF-CINARS (2014) ainsi que pendant plusieurs résidences de créations dans plusieurs villes. Le spectacle existe maintenant en versions française et anglaise (Pillow Talk: An Essay On Dreaming) et présente un personnage naviguant parmi les images projetées sur un cyclorama, sur les surfaces de ses vêtements ou sur celles de son corps. Accompagné de la voix off de l’interprète (parfois les enregistrements originaux de ses rêves faits au dictaphone) mais aussi de ses interventions scéniques parlées et chantées, le périple dans l’inconscient « dulcinéen » est savoureux, magique et envoûtant.

Confidences sur l'oreiller_Photo Andrée Lanthier

Sur la photo: Dulcinée Langfelder / Crédit: Andrée Lanthier

La créatrice-interprète

Dulcinée Langfelder, née à Brooklyn, New-York, a commencé la danse dès son plus jeune âge, a vécu et étudié à Londres et ensuite à Paris, où elle a continué son entraînement en danse classique et travaillée, entre autres, avec le mime Étienne Decroux. Elle s’est ensuite installée à Montréal en 1978 lors de la fondation de la troupe de mime Omnibus par Jean Asselin et Denise Boulanger, alors assistants de Decroux. Ses recherches et études sur la théâtralité et le mouvement l’ont aussi amenée après d’Eugenio Barba, de Yoshi Oida, de Min Tanaka et de Pol Pelletier.

Ses créations pour différents spectacles sont nombreuses, incluant une série de spectacles solos qu’elle promène autour de la planète : Cercle Vicieux (1985) incorpore musique originale, chanson et cinéma. La Voisine (1989) est le portrait d’un personnage reclus dévoilant ses frustrations autant que ses rêves. Portrait d’une femme avec valise (1994) est un voyage au cœur de l’inconscient. La Complainte de Dulcinée (2008) inclut des scènes de cabaret, de théâtre grec ainsi que des performances multimédias. L’artiste y met en scène l’imaginaire du personnage Dulcinea del Toboso, muse de Don Quichotte et héroïne absente du roman de Cervantès.

Victoria (1999), considéré comme son chef-d’œuvre et présenté au Canada et à l’étranger pendant presque 20 ans, est le portrait d’une femme de 90 ans en fauteuil roulant, libérée par le pouvoir de son imagination. Le spectacle a reçu tout au long de sa diffusion de nombreux prix, dont celui des critiques et le prix « Luvvie » du Festival d’Édimbourg (2010), d’autres prix en Hollande (2006) et au Québec (2005 et 2006), autant pour la version française qu’anglaise ainsi qu’une « reconnaissance officielle de la part du Conseil des aînés du Québec pour son apport à l’amélioration du bien-être des aînés, de leur condition et de leur place dans la société, grâce au travail qu’elle fait … avec Victoria. » Source : Wikipedia.

Depuis 1985, Dulcinée Langfelder & Cie a créé au total 7 spectacles, diffusés dans 16 pays et sur 5 continents. Trois de ces œuvres ont tourné pendant au moins 8 ans et les différents spectacles ont été présentés en anglais, français, espagnol, italien et partiellement en mandarin, cantonais, japonais, coréen et portugais. Source: RQD.

Plus spécifiquement pour le spectacle Confidences sur l’oreiller, il faut nommer quelques collaborateurs au spectacle, ceux qu’elle nomme ses « alliés de créations » : Alice Ronfard à la dramaturgie; Yves Labelle, Vincent Santes, Benjamin Broche et Patrice Daigneault à la création vidéo ; Danys Levasseur à la conception sonore ainsi qu’Anne Sabourin à la chorégraphie et à la codirection artistique.

 

 

Les liens externes

– La page vimeo de Dulcinée Langfelder et Cie est ici.

– La performance Pep Talk  de l’exposition « Le cerveau d’un créateur sans limites » de Pep Torres aux HEC  en  2014 est ici.

-Un extrait de Hockey OK (1991) est ici.

– Une courte entrevue radio sur sa résidence de création pour « Confidences sur l’oreiller » au Centre des arts de Baie-Comeau en janvier 2016 est ici.

– La note biographique concernant Dulcinée Langfelder du site de la Bibliothèque de la danse Vincent-Warren est ici.

Chroniques du regard 2017-18 No 3 – Major Motion Picture

 

OIS Major Motion Picture 1 - Fog -credit Wendy D (1)

Photo: Wendy D. / Spectacle: « Major Motion Picture » / Chorégraphies: David Raymond et Tiffany Tregarthen

La compagnie de Vancouver OUT INNERSPACE DANCE THEATRE présente à la Salle Multi de Méduse une nouvelle création en tournée canadienne. Chorégraphie pour sept danseurs jouant 15 personnages, ce spectacle intègre technologie et danse contemporaine. Réflexion sur la vie contemporaine avec son lot de surveillance, de manipulation et de paranoïa, le spectacle amène le public dans un univers sombre et dystopique quoique teinté d’une certaine dose d’humour et de légèreté.

 

« Major Motion Picture », c’est pour vous si vous voulez revoir une jeune compagnie de Vancouver qui a eu un immense succès lors de sa dernière visite, en 2014, avec le spectacle « Me So You So Me ».  

« Major Motion Picture », c’est pour vous si vous aimez la danse actuelle à saveur urbaine et une utilisation pertinente des technologies audiovisuelles.

 « Major Motion Picture », c’est pour vous si vous aimez les danses à saveur politique. Le spectacle explore les thèmes du contrôle des territoires, des affrontements, de la propagande, des croyances et du pouvoir.

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Photo: Wendy D. / Spectacle: « Major Motion Picture » / Chorégraphies: David Raymond et Tiffany Tregarthen

 

La compagnie Out Innerspace Dance Theatre et Film se consacre à la création d’œuvres de danse contemporaine innovantes et accessibles. Les co-directeurs artistiques David Raymond et Tiffany Tregarthen cherchent sans cesse à dépasser l’aspect esthétique des formes traditionnelles de spectacles de danse en faisant preuve d’ingéniosité dans les moyens techniques et créatifs qu’elle utilise. Les deux artistes sont associés depuis plusieurs années et ont créé ensemble la compagnie Out Innerspace en 2007. Leurs œuvres traitent du corps et de l’expérience humaine. Depuis le début de la compagnie, leurs recherches sur ces deux matières, inépuisables pour eux, sont en constante évolution. Ils intègrent des vidéos dans leurs créations chorégraphiques depuis une douzaine d’années et ont effectué de nombreuses tournées canadiennes. En 2012, la compagnie était même présente au prestigieux festival américain « Jacob’s Pillow ».
Les deux artistes ont aussi fondé Modus Operandi, une passerelle pour jeunes artistes émergents de la danse, les amenant vers la vaste communauté internationale de danse contemporaine. En opération depuis six ans déjà, ce programme amène les jeunes danseurs à réfléchir et à s’investir dans leurs apprentissages techniques, dans la création et la prestation, dans la recherche et le dialogue avec des interprètes et collaborateurs d’expérience.

En plus de leurs activités avec la compagnie, les deux partenaires participent individuellement aux spectacles et créations de divers autres compagnies ou collectifs de Vancouver et de sa région.

 

Les chorégraphes

Tiffany Tregarthen a commencé sa pratique de la danse par le jazz, dansant professionnellement entre autres à New-York pour la compagnie de Mia Michael. Elle s’est installée en Belgique de 2005 à 2007 avant de revenir au Canada pour gagner l’un des quatre prix de la compétition chorégraphique des Grands Ballets Canadiens de Montréal en 2008. Elle a aussi une formation en théâtre et danse dans les spectacles de la compagnie Wen Wei Dance de Vancouver. Sa carrière variée lui offre différents défis en tant qu’interprète, créatrice, éducatrice et directrice artistique.

Tiffany headshot B&W

David Raymond a commencé par la claquette avant d’explorer d’autres formes de danse, incluant un travail avec les danseurs de rue du collectif Over the Influence.  Il aime rechercher des manières alternatives d’utiliser ses acquis (danse urbaine, classique et populaire) et s’intéresse à la curiosité et aux peurs humaines. Récipiendaire d’un prix Isadora en 2010, il danse aussi pour Wen Wei Dance ainsi que pour le 605 Collective. De plus, il filme et conçoit des œuvres vidéo pour le théâtre et l’installation.

David Headshot B&W

 

Les deux chorégraphes sont aussi interprètes dans le spectacle Major Motion Picture.

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Photo: Michelle Doucette / Spectacle: « Major Motion Picture » / Chorégraphies: David Raymond et Tiffany Tregarthen

Le spectacle

Fruit d’une recherche menée sur trois années, à travers différentes résidences tenues dans plusieurs villes canadiennes, le spectacle a été construit en collaboration avec des participants au programme Modus Operandi, leur programme de formation pour jeunes danseurs. On y retrouve un travail incluant le travail de groupe, le travail de masque et une intégration de projections et captation d’images en direct.

À travers une pratique d’improvisation utilisée lors de la recherche et création du spectacle, les chorégraphes ont développé un « personnage » de groupe habité d’une  « conscience collective en mouvement » habitée des désirs individuels mais liés à l’ensemble du groupe, qui se déplace en se construisant et se déconstruisant constamment, se fixant parfois pour de courts instants. Les mouvements des danseurs font écho et amplifient la vie quotidienne tout en répondant, peut-être inconsciemment, aux mouvements sociaux dictés par l’extérieur.

Afin d’ancrer le spectacle dans une réalité proche de ses thèmes et sources d’inspiration, les créateurs utilisent une technologie omniprésente et quotidienne mais qui mérite d’être questionnée : les caméras de surveillance et les captations d’images en infrarouge qui, ici, deviennent partie prenante du spectacle et dévoilent des personnages vivant cachés « ailleurs » mais dans un ailleurs proche pouvant être menaçant. Les « autres », un sous-groupe habitant les coulisses, peuvent facilement venir remplacer le premier sous-groupe sur scène aussitôt que la chance leur est offerte.

Quoique le propos de base soit grave et amène le spectateur dans un monde tragique et dystopique, il est aussi traité avec un peu d’humour et de légèreté. Comme dans leur duo Me So You So Me où une personne en observait une autre, cette fois-ci, un sous-groupe de sept danseurs en observe un autre, les deux étant observés par une créature cauchemardesque.

La surveillance est intrinsèque au propos du spectacle. Elle sert à nourrir les peurs et la paranoïa alimentées par la présence, soit des « autres », soit de la  « créature » (une créature imaginaire digne d’une vision orwellienne ou surréaliste : un manteau géant sans tête, à six pattes et quatre mains). Les caméras de surveillance permettent aussi aux spectateurs de suivre certaines actions en coulisse qui ne seraient pas visibles autrement. Elles permettent enfin de changer le regard que pose le public sur lui-même dans son rôle, plus ou moins consentant, de voyeur ou de témoin. “The piece raises provocative questions about how much we’re being watched these days and how it builds fear, conflict, and paranoia in our society—an idea that’s heightened when, toward the end of the work, the audience is implicated in the watching.” Source: Janet Smith

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Photo: Michelle Doucette / Spectacle: « Major Motion Picture » / Chorégraphies: David Raymond et Tiffany Tregarthen

Le propos du spectacle peut aussi permettre de démarrer une autre série de questionnements :

– De quelle manière sommes-nous consentants dans l’exploitation et la manipulation de masse provenant de leaders faisant et défaisant l’histoire, provenant d’outils de propagandes idéologiques, entrepreneuriales ou institutionnelles de toutes sortes?

– Sommes-nous conscient des conflits manufacturés sur mesure par ces créatures sans tête identifiables donc, dans une certaine mesure, sans imputabilité?

– Comment arrive-t-on à naviguer parmi les idées de la sécurité, du confort et des privilèges, et par conséquent de la fausse sécurité, du confort relatif et des inégalités ?

– Comment la vie contemporaine est-elle affectée par toute cette incertitude, cette peur et cette méfiance programmées par un système invisible pour qui n’y porte pas attention? Un système qui semble inévitable, confortablement installé et très difficile à déloger.

 

Liens externes et articles divers (en anglais) :

La page Vimeo de la compagnie est ici.

Quelques films ayant inspiré le chorégraphe et créateur vidéo : Citizen Kane, The Great Dictator, Chappie, District 9  et Perverts Guide to the Cinema.

Out Innerspace’s Major Motion Picture uses visual magic to conjure an intense Orwellian world. Staright.com, octobre 2016.

Major Motion Picture coming to P.E.I. stage, The Guardian, novembre 2016

Dance preview: Dance meets film meets surveillance video in Major Motion Picture Vancouver Sun, Octobre 2016

Review: Powerful dance première presents a glorious nightmare  Times Colonist, Janvier 2016

Major Motion Picture  The Dance Current, janvier 2016

Out/Inner/Space Dance Theatre performs Major Motion Picture  The Grand Theatre, novembre 2016.

 

« LETTRE POUR ÉLÉNA » Chroniques du regard 2017-18 No 2, par Mario Veillette

Lettre pour Éléna, le premier spectacle jeunesse et famille de la saison de la Rotonde est présenté au Théâtre jeunesse Les Gros Becs. Il réunit les chorégraphies de Christophe Garcia et les textes d’Érika Tremblay-Roy. À la frontière du théâtre et de la danse, Lettre pour Éléna est un spectacle dans lequel se dévoile la destinée de trois jeunes filles. Créée à Marseille en 2015, cette coproduction franco-québécoise a été présentée plus de 50 fois au Québec et en France. En 2016, elle a été récipiendaire du Prix du CALQ  (œuvre de l’année en Estrie) ainsi que du Prix RIDEAU | LOJIQ – Francophonie.

Lettre pour Éléna_Photo3JeanCharlesVerchere

Photo: Jean-Charles Verchère / Sur la photo: Marion Baudinaud, Alex-Ann Boucher, Nina-Morgane Madelaine/ Chorégraphie de Christophe Garcia et texte d’Érika Tremblay-Roy

 

« Lettre pour Éléna » c’est pour vous si vous aimez les spectacles destinés à la famille (8 ans et plus).

 « Lettre pour Éléna » c’est pour vous si vous aimez les univers poétiques et les spectacles intégrant danse et théâtre.

« Lettre pour Éléna » c’est pour vous si vous voulez voir un spectacle dont les personnages principaux sont des filles.

Photo: Jean-Charles Verchère / Sur la photo: Marion Baudinaud, Alex-Ann Boucher, Nina-Morgane Madelaine

Photo: Jean-Charles Verchère

L’argument : Quelque part en campagne, trois jeunes aux filles aux pieds nus et en robes rouge jouent ensemble. L’école est terminée.  Elles sont sur le bord de la route et trouvent une série d’objets et de lettres déposés là, à leur intention.  Les lettres renferment des messages de tout le monde, sauf d’Éléna, l’amie absente, la quatrième de la bande. Un oiseau passe parfois. Il semble aussi tenter de leur laisser un message.

À travers le texte et la danse, les trois personnages chemineront vers une prise de conscience de leur réalité en empruntant divers circuits et détours. La mise en espace est minimaliste, composée d’une grande structure de bois qui aura des utilisations variées ainsi que d’une projection presque fixe en fond de scène mais les accessoires sont riches, variés et porteurs d’imagination.

 

Les compagnies coproductrices du spectacle sont Le Petit Théâtre de Sherbrooke et La [parenthèse] – Christophe Garcia. Depuis plus de 40 ans, Le Petit Théâtre de Sherbrooke crée et diffuse des œuvres de théâtre jeunesse et famille. Sous la direction d’Érika Tremblay-Roy depuis 2013, il continue à développer la pratique de création théâtrale basée sur les mots et la dramaturgie tout en expérimentant avec diverses  équipes multidisciplinaires. La compagnie française de danse La [parenthèse] – Christophe Garcia, basée à Marseille, offre un éventail des petites formes qui côtoient des spectacles plus ambitieux. Le désir de son créateur de créer des ponts l’ont amené à de nombreuses collaborations multidisciplinaires sur des scènes autant françaises qu’européennes et même américaines. Les deux compagnies ont aussi coproduit le spectacle Jour 1 en 2013.

 

Le texte est écrit par Érika Tremblay-Roy, comédienne, auteure et metteure en scène. Auteur publiée depuis 2003, elle a, entre autres, signé L’écho du coquillage (2003), Tante T (2005 – finaliste au Prix Annick-Lansman en 2010), Les boutons (2007),  Autopsie d’une napkin (Prix Louise-LaHaye 2012) et Petite vérité inventée (2013) finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général  et au Prix Louise-LaHaye. Le texte Lettre pour Éléna est disponible chez Éditeur Lansman.

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Photo: Jean-Charles Verchère

 

La chorégraphie de Christophe Garcia se veut très vive et enjouée. Entrecoupée de textes dits par les danseuses-comédiennes, les danses sont de facture moderne et contemporaine, parfois descriptive et solidement rattachées aux textes, parfois un peu plus libres et évocatrices de sentiments et d’émotions. Les danses ont été créées en collaboration avec les danseuses.

Danseur de formation, le chorégraphe a fréquenté l’Atelier Rudra Béjart et intégré le Béjart Ballet Lausanne en 1998. Depuis la fondation de sa compagnie (2001), il a gagné plusieurs prix internationaux de chorégraphie, dont le XXe Concours international de Hanovre et Biennale de la Danse de Pesaro. Il a été invité à créer pour plusieurs compagnies de répertoire dont l’Opéra-théâtre d’Avignon, le Jeune Ballet du Québec, le Jeune Ballet de France et le Béjart Ballet Lausanne.

Christophe Garcia2(c)JeanCharlesVerchere

Photo: Jean-Charles Verchère

Sur scène, les danseuses-comédiennes sont Marion Baudinaud, Alex-Ann Boucher et Nina-Morgane Madelaine. Dans une mise en scène sobre et efficace, les interprètes font preuve d’une solide maîtrise technique et d’une grande sensibilité. Au fil des nombreuses représentations, le travail théâtral et de création chorégraphique s’est profondément ancré dans leurs corps. Les impulsions et modulations de leurs personnages sont clairement perceptibles, autant dans leurs danses que dans leurs jeux. Les accents parlés sont tributaires de l’origine française ou québécoise des interprètes. On retrouve donc sur scène un mélange d’accents qui renforce encore la véracité du jeu.

 

Le travail de création a été fait en plusieurs étapes, au Québec et en France, parfois avec tout l’équipe, parfois avec les créateurs chacun de leur côté. Selon les extraits du cahier pédagogique et d’un reportage vidéo sur travail en cours de production :

« …tout a commencé par une image : celle d’écrire un spectacle pour trois jeunes filles en robes rouges.  Érika est d’abord partie en écriture, au rythme de la symphonie tragique de Schubert, guidée par l’envie d’un spectacle fougueux et lumineux. Au terme de cette première phase, et des bribes de texte qui en ont émergé, s’est amorcé le premier laboratoire de création, avec la volonté immédiate d’articuler le texte et la danse. En outre, tout au long de ces premiers moments d’exploration, les deux artistes ont également rencontré des enfants en médiation, afin que ceux-ci nourrissent pleinement, et dès son entame, cette phase de recherche.

… le texte donnait au chorégraphe des outils et des appuis pour danser (par les mots, la rythmique ou la poésie émanant du texte) …  Tous deux avaient en outre à cœur de chercher en permanence un point d’équilibre entre texte et mouvement. »

 

Critiques :

Les différentes critiques parlent d’une mise en scène « subtile et qui ne fait jamais dans le pathos » (Source : Tiphaine Le Roy, La Scène, France, Printemps 2016.

Elles parlent aussi d’un texte « qui fait appel à l’intelligence de son jeune public, en traitant le thème de la mort de façon pertinente et audacieuse. La construction dramatique est habile et l’intrigue, forte. La mise en scène poétique et rythmée mélange les disciplines de façon organique ». (Source : Prix du CALQ 2016)

On y salue la plume de l’auteur : « La trame de l’auteure fait vibrer la corde sensible, chez les petits comme chez les grands.  C’est plein de tendresse, de beauté et de douceur.  Lettre pour Éléna est une longue déclaration d’amour et d’amitié, un touchant moment pour apprendre à dire au revoir. » (Source : Daphné Bathalon) en rappelant que « Ce n’est pas la première fois qu’on le remarque : Érika Tremblay-Roy a ce don, rare, de raconter l’enfance avec justesse.  Elle sait semer le rire au moment où il le faut et, la minute d’après, planter un peu de gravité dans le récit.  Tout en finesse et en fraîcheur, dépouillé d’artifices, le texte qu’elle a pondu est superbe de doigté et de délicatesse.  Il dit tout sans rien brusquer.  » Source : Karine Tremblay, Journal La Tribune, Sherbrooke, 12 novembre 2015

« … une avalanche d’émotions distillée dans un monde de tendresse. Une très belle réussite, un spectacle à voir absolument ! » (Source : Didier Philispart).

Source: Chroniques du regard 2017-2018 No2, par Mario Veillette, octobre 2017.

« Triptyque cryptique », Chroniques du regard No1 2017-2018

Chroniques du regard 2017-18  No 1 « Triptyque cryptique »

Chorégraphies de Lina Cruz : Le fils d’Adrien danse, Productions Fila 13 et collectif XYZ.

Par Mario Veillette

 

« Triptyque cryptique », premier spectacle de la saison de La Rotonde, réunit trois chorégraphies de Lina Cruz   et inaugure le Studio A, nouvelle salle de diffusion de la Maison pour la danse.  Présenté 8 fois, le spectacle d’un peu plus d’une heure rassemble trois univers différents habités tour à tour par un duo homme et femme (Harold Rhéaume et Lydia Wagerer), un duo de femmes (Geneviève Robitaille et Raphaëlle Fougère) et un duo d’hommes (Fabien Piché et Jean-François Duke). Trois univers sortis de l’imagination fertile de Lina Cruz, une chorégraphe d’expérience reconnue pour sa gestuelle particulière : physiquement exigeante, exubérante et ludique, mais minutieuse et finement ciselée. Trois univers portés sur scène via six interprètes faisant carrière dans la ville de Québec.

Photo Triptyque Cryptique - Crédit Maxime Daigle

Photo de : Maxime Daigle /Sur la photo : Aïcha Bastien N’Diaye, Geneviève Robitaille, Jean-François Duke, Fabien Piché, Lydia Wagerer, Harold Rhéaume, Lydia Wagerer

 

« Triptyque cryptique » c’est pour vous si vous avez un intérêt pour le travail de duo, avec toute sa palette possible de relations.

 « Triptyque cryptique » c’est pour vous si vous aimez la fantaisie et les univers surréalistes, les mises en scène intégrant danse, musique « live », paroles et chants, personnages théâtraux et jeux installatifs.

« Triptyque cryptique » c’est pour vous si vous voulez suivre l’évolution et la carrière des danseurs de Québec impliqués dans le projet. Ils sont multigénérationnels, allant des plus expérimentés aux jeunes diplômés.

 

La chorégraphe

Danseuse, chorégraphe et pédagogue d’origine colombienne installée à Montréal depuis 1989, Lina Cruz a créé sa compagnie multidisciplinaire Productions FILA 13  en 2003. Reconnue pour ses créations professionnelles atypiques, marginales et imaginatives, elle a obtenu de nombreux prix et reconnaissances. Au cours de la dernière saison, ses œuvres ont été présentées à Montréal, Toronto, Ottawa et à Brest (France) entre autres.

Lina Cruz-Photo by Alexandre Frenette

Photo de : Alexandre Frenette / Sur la photo: Lina Cruz

Ses chorégraphies tragi-comiques présentent souvent des univers surréalistes habités d’être fantasmagoriques extrêmement stylisés, humains avec une grande part d’animalité. Obnubilée par les détails, les accessoires et les sons, la chorégraphe cherche sans cesse un mouvement clair dans une tension dynamique. Elle travaille le plus souvent à partir de son propre corps, démontrant avec précision les gestes et intentions de mouvements que les danseurs reproduisent ensuite, par mimétisme. Lors des répétitions, ses indications et corrections détaillées permettent ensuite aux danseurs de trouver dans l’interprétation, une minutie du détail et une finesse d’exécution qui rapproche la danse d’un travail de dentelle. Plus le temps passe, plus le travail et ses détails se déposent dans les interprètes. Ils expérimentent ainsi le fait que l’importance, dans les chorégraphies de Cruz, est dans la gestuelle mais aussi dans l’état.

Créées pour la plupart en proche collaboration avec le musicien-compositeur Philippe Noireaut, les chorégraphies de Lina Cruz sont nombreuses et variées, dont Coquille d’œil (2004), K-5 (2008), Prix du Public au Festival de danse contemporaine de Guelph en 2009, Soupe du Jour (2010) récipiendaire de deux Prix Dora Mavor Moore en 2012 et Imaginarium, ne pas nourrir les animaux! (2015) qui incluait le duo En attendant la nuit blanche (Prix Dora Mavor Moore 2016) avec Fabien Piché, Jean-François Duke et le compositeur sur scène.

Le projet des trois duos créé pour La Rotonde est basé sur l’intérêt que porte la chorégraphe sur le temps et les impressions qui s’y rattachent : l’air du temps, le temps qui passe, le temps qui reste, le temps qui s’écoule et s’étire… Le temps qui laisse des traces, le temps qui permet aux choses de se déposer en couches dans le corps des interprètes…

 

Les interprètes

Le premier duo de la soirée est dansé par deux danseurs dans la quarantaine,  les vétérans Harold Rhéaume  et Lydia Wagerer , des interprètes d’expérience, des figures incontournables et des piliers de la danse contemporaine à Québec. D’un côté, Lydia Wagerer a une grande expérience du vocabulaire gestuel de Cruz, ayant dansé des œuvres de Fila 13 et ayant souvent supervisé les créations de la chorégraphe pour les étudiants du programme de formation professionnelle de l’École de danse de Québec. De l’autre côté, malgré sa grande expérience, Harold Rhéaume est tout nouveau dans l’univers de Lina Cruz. Sa position dans l’ensemble des interprètes du spectacle est intéressante de ce point de vue; il est le plus expérimenté en général mais le moins expérimenté dans la gestuelle spécifique de la chorégraphe.

Copie de Photo duo Harold et Lydia pour Triptyque Cryptique - Crédit Llamaryon_2426

Photo de :  Llamaryon / Sur la photo: Duo Harold  Rhéaume et Lydia Wagerer

Ce duo se veut une réflexion sur le temps qui passe et le défi des deux interprètes plus âgés, qui se confrontent aussi à un vocabulaire précis, vif et détaillé, est de profiter de ce que la maturité apporte aux danseurs d’expérience. Ils viseront peut-être un dépassement physique différent de celui de leurs jeunes collègues en misant sur une relation mature avec la danse et une présence scénique assumée. Un extrait de cette chorégraphie a été présenté sur « La petite scène » lors de la saison dernière.

Geneviève Robitaille et Raphaëlle Fougère sont deux diplômées récentes (2015 et 2017) de L’École de danse de Québec. Elles ont dansé des œuvres de Lina Cruz lors de leurs formations professionnelles au programme collégial de danse interprétation de l’EDQ et se retrouvent dans le duo Tempo al dente  qui explore la complicité féminine, sans restriction par rapport aux rôles joués. Sont-elles sœurs, amies, deux facettes de la même personnalité ? Une part d’insouciance porte leurs jeux, marqués par le temps qui s’écoule réellement sur scène mais de manière non réaliste.

Tout au long de la chorégraphie, elles doivent rester fortement ancrées au sol et très allumées, à l’écoute de la partenaire, de l’espace, de la musique, des sons, des paroles et des chansons. Le duo d’une vingtaine de minutes a été créé l’an dernier suite à une commande chorégraphique faite à Lina Cruz de la part de Geneviève Robitaille et Aïcha Bastien N’Diaye. Raphaëlle Fougère a été recrutée pour l’interpréter sur scène en compagnie de Robitaille, qui a aussi dansé professionnellement pour la compagnie Fila 13 le printemps dernier dans le solo Tic-tac party, en plus de remplacer Jean-François Duke lors d’une présentation du duo En attendant la nuit blanche.

Fabien Piché et Jean-François Duke sont deux danseurs connus des gens de Québec. Souvent vus sur scène depuis leurs entrées dans le monde professionnel (2009 et 2010), les deux sont très impliqués dans le milieu et on les voit parfois dans d’autres rôles qu’interprètes (direction artistique, chorégraphie et autres). Ils ont tous les deux dansé des œuvres de Lina Cruz lors de leurs études à L’École de danse de Québec avant de danser professionnellement pour différents projets de Fila 13, la compagnie montréalaise de la chorégraphe.

Inclus dans le spectacle de 2015 Imaginarium, ne pas nourrir les animaux!, le duo En attendant la nuit blanche est en fait un trio d’une trentaine de minutes dans lequel on retrouve aussi sur scène le compositeur-musicien-bruiteur Philippe Noireaut.  La chorégraphie, une commande chorégraphique de 2012, a été dansée par les deux comparses à plusieurs reprises, autant en version autonome qu’inclus dans un autre spectacle, mais est présentée à Québec pour la première fois.

On y retrouve deux personnages expérimentant divers états reliés au temps qui passe lorsque la nuit ne rencontre pas le sommeil. À l’écoute l’un de l’autre et aussi des bruits et effets sonores environnants, ils doivent tout donner. Ils seront tour à tour excités, déstabilisés, confus et complices dans leurs actions et leurs rêveries. Souvent au bord du précipice, ils plongent avec plaisir dans l’univers « légèrement dramatique » de Lina Cruz, nous emportant avec eux dans une douce mais vive folie.

 


Le spectacle Triptyque cryptique, composé des trois duos, est une excellente occasion de voir nos artistes locaux s’immerger dans l’imagination et le travail chorégraphique d’une chorégraphe mature à la signature singulière. Le voyage proposé à travers ces trois courtes chorégraphies permet aussi d’apprécier une évolution musicale et sonore travaillée en finesse pour soutenir et accompagner les danseurs interprètes.

 

Vous voulez en savoir plus, certaines critiques du plus récent spectacle de Lina Cruz Fila 13 présenté à Montréal en 2015 sont disponibles ici : Le Devoirdfdanse et Danceprofiler.

Chroniques du regard 2016-2017 – (Very) Gently Crumbling – Grand Poney

Jacques Poulin-Denis, chorégraphe et artiste pluridisciplinaire de la compagnie Grand Poney, présente un quatuor de femmes d’une durée de 50 minutes dont le titre évoque l’effritement, l’écroulement ou la tombée en ruines. La chorégraphie (Very) Gently Crumbling est présentée comme une expérience (une étude de comportements) effectuée dans un futur indéfini et peut être associée, par sa présentation scénographique, à certaines créations de science-fiction.

Photo: Dominique T. Skoltz

Photo: Dominique T. Skoltz

(VERY) GENTLY CRUMBLING c’est pour vous si vous aimez les spectacles imaginatifs et originaux, les univers utopiques, décalés et futuristes.

(VERY) GENTLY CRUMBLING c’est pour vous si vous êtes intéressé par le développement de l’humanité et l’évolution de la société.

(VERY) GENTLY CRUMBLING c’est pour vous si vous aimez les questionnements traités avec humour.

Le spectacle

Après avoir présenté le spectacle Gently Crumbling en 2011, Jacques Poulin-Denis a continué à creuser certains thèmes touchés dans cet opus (conditionnement, aliénation, futilité de la vie humaine…).  Suite à cette première aventure, il créait en 2015 une nouvelle mouture de cette exploration sur la déchéance. Celle-ci s’intitule (très) logiquement (Very) Gently Crumbling.

« Il s’agit là d’une comédie noire, d’un game show cruel, d’une expérience scientifique absurde. On l’aura deviné, il s’agit de l’existence humaine… » commentait S. Verstricht, à la suite du premier Crumbling. Ce commentaire s’applique aussi parfaitement à cette deuxième excursion dans un univers dont les héroïnes font face à leur entropie.

Après une ouverture qui présente avec humour, dans une semi-obscurité, une créature presqu’impossible à définir (est-ce un mutant, mi-baudruche et mi-monstre marin? Est-ce une espèce de créature microscopique magnifiée plusieurs milliers de fois?), la table est mise pour le dépaysement.

Sur scène, dans un environnement futuriste, quatre femmes habitent un espace ouvert, à l’éclairage changeant. Sont-elles humaines ? Ou plutôt des robots… des automates… des androïdes ? Quelle est cette voix qui semble diriger les mouvements et les actions des danseuses, voire leurs pensées et leurs destinées ?

Photo: Dominique T. Skoltz Sur la photo: Katrine Patry, Claudine Hébert, Anne-Marie Jourdenais et Caroline Gravel

Photo: Dominique T. Skoltz
Sur la photo: Katrine Patry, Claudine Hébert, Anne-Marie Jourdenais et Caroline Gravel

L’allure humanoïde des interprètes, leurs costumes (uniformes), leur utilisation du visage (allumé mais figé) et la qualité machinale du mouvement peuvent aisément permettre de situer l’action dans un futur dystopique. Tout est propre, tout est net. Comme dans un laboratoire, tout semble désinfecté et purifié.

Au début, les activités des personnages sont assimilables à une séance de relaxation-méditation dirigée comme il en existe une multitude d’exemples. Une voix off, préenregistrée, contrôle et dirige la séance. Les textes d’Étienne Lepage sont lus par SIRI. Sans questionnement d’aucune sorte, les personnages suivent les consignes. La voix du maître est là. Il n’y a qu’à suivre.

Les réflexes sont conditionnés, voire pavloviens. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… avant que tout ne se dérègle : la machine s’emballe et devient folle. Les paroles perdent graduellement leur cohérence, les consignes deviennent aliénantes, impossibles à suivre ou carrément absurdes. Toujours sans questionnement, les personnages continuent à réagir. Leurs réactions deviennent aussi absurdes que les consignes. L’univers s’écroule. Jusqu’où cela va-t-il continuer?

La fiction futuriste présentée sur le plateau ne semble pas si éloignée de la réalité quotidienne du début du XXIe siècle et, dans ce spectacle, le spectateur est amené dans un univers abstrait, peuplé de hasards et d’incohérences cognitives mais aussi d’espoir, de survivance et de résilience.

Le chorégraphe

On a connu Jacques Poulin-Denis à Québec comme interprète dans Junkyard/Paradis référence de Mélanie Demers (Compagnie Mayday) mais pas encore comme chorégraphe. Artiste et artisan pluridisciplinaire des arts de la scène (compositeur, chorégraphe, metteur en scène et interprète), il est actif depuis plus de dix ans dans des projets auxquels il participe ou qu’il génère. Des projets qui font valser les frontières entre danse, musique et activités théâtrales.

Sa vision des choses est humaniste et son regard est imaginatif. Il en résulte souvent des œuvres présentant un côté loufoque. La plupart du temps, les personnages qu’il met en scène, que ce soit lui-même ou quelqu’un d’autre, font preuve d’une vulnérabilité certaine mais aussi d’une puissance indéniable.

Sous la bannière de la compagnie Grand Poney, compagnie d’art interdisciplinaire fondée en 2009, il a créé une douzaine d’œuvres scéniques, chorégraphiques ou performatives, dont Cible de Dieu (2009) et La valeur des choses (2014), présentées à travers le Canada, aux États-Unis, en Europe  et en Asie. La compagnie se voue au développement d’une écriture scénique hybride et collaborative. Elle rassemble des artistes échangeurs d’idées qui façonnent un mode de création constamment renouvelé et ancré dans l’expérimentation de la danse, de la musique et du théâtre. Leurs productions s’appuient sur l’abstraction chorégraphique, la composition musicale et la dramaturgie théâtrale. Elles interrogent les rapports à l’autre et les moyens à utiliser pour rendre réel l’imaginaire.

En tant que compositeur de musique, il a créé deux albums ainsi que les trames sonores de plus de vingt productions chorégraphiques et théâtrales. « Quand il ne danse pas, le bachelier en musique électroacoustique compose. Dans Domestik, son concerto pour 18 appareils électroménagers, Poulin-Denis jouait du lave-linge et de la cuisinière, mais il sait manier des instruments plus classiques, telles la trompette et la guitare… Il a enregistré deux albums, dont Étude no 3 pour cordes et poulies, et coécrit, avec Martin Messier, Projet Pupitre, qui traduit en sons les gestes et matériaux de l’écriture ! » Source: A. Ducharme, L’Actualité.

Jacques Poulin-Denis anime aussi parfois des ateliers, donne des conférences, en plus de faire l’objet d’un reportage documentaire de Tamás Wormser intitulé Step Up!

Les collaborateurs et interprètes

Les interprètes sont Sophie Breton, Caroline GravelClaudine Hébert et Anne-Marie Jourdenais. La chorégraphie et la musique originale sont de Jacques Poulin-Denis. La conception des éclairages est réalisée par Alexandre Pilon-Guay. Les textes sont écrits par  Étienne Lepage. Les costumes sont de Veronica Classen. Jean-François Légaré agit à titre de conseiller chorégraphique.

Les critiques

« Plus physique et plus kinesthésique que les dernières créations du chorégraphe, (Very) Gently Crumbling donne à voir un plastique qui semble vivant et des humaines devenues machines. Tel un réquisitoire jamais littéral contre les maux de la modernité… une pièce formidable et très fine, savoureusement lucide. » N. NaoufalLe Devoir.

« Jacques Poulin-Denis met en scène une étude qui nous saisit directement au ventre. La vulnérabilité de ses quatre interprètes est poignante et vraie. [Elles] semblent s’abandonner complètement, à yeux fermés… C’est extrêmement fragile et tangible… L’œuvre de Poulin est non seulement riche par ses textures, la mouvance, la gestuelle et par les interprètes qui livrent un matériel complexe, et ce, avec brio, mais également par les textes saisissants d’Étienne Lepage et les éclairages fins et adroitement performés par Alexandre Pilon Guay. Une ambiance réussie »  G. Roy, DFdanse.

« Jacques Poulin-Denis aime se réinventer. S’il n’abandonne pas l’hybridité qui a toujours caractérisé son (ses) esthétique(s), faisant pencher la danse du côté d’une  forte théâtralité, il offre avec (Very) Gently Crumbling une œuvre bien différente de son précédent opus, La valeur des choses. » P. Couture, Voir.

« Écrits par Étienne Lepage, les textes portent un regard critique sur notre société aliénée. Jonglant finement entre la fatalité et le côté humoristique du sujet, le discours est récité par une voix robotisée… Toutes les composantes de la pièce forment ainsi un tout cohérent, allant de concert avec les intentions de Poulin-Denis. » C. Lepage Mandeville, pieuvre.ca.

“Surreal is the right word to describe Jourdenais when she donned an inflatable yellow suit with four legs that made her look like a cartoon dinosaur. Periodically the air was let out of the suit, which was then re-inflated.  The act of crumbling had its fun moments.” V. SwobodaMontreal Gazette.

Liens externes

Pour une autre oeuvre de Jacques Poulin-Denis: Face à face (2016) en collaboration avec Dominique T. Skoltz.

Afin de vous mettre en piste et trouver des clés pour bien comprendre l’univers de la science-fiction, je conseille de retourner d’abord à la lecture de Jules Verne (science-fiction écrite dans le passé = rétrofuturisme), de passer par Isaac Asimov pour comprendre les lois régissant les robots et androïdes. Et n’oubliez pas 1984.

Pour trois exemples de danses créées pour un futur imaginé, tirées de la série allemande des années 1960 Raumpatrouille Orion, c’est ici, ici et ici.

Voyez aussi le court-métrage Chronoscope (2013). Stop-Motion réalisé par M. Daoust, V. Laurin, É. Marcoux et D. Remiro.

Du côté télévision et cinéma, passez par West world (film USA,1973 ou série Télé HBO,2016), 100% humain et Ex-Machina.