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Chroniques du regard 2016-2017 – Rites par José Navas/Compagnie FLAK

Rites c’est pour vous si vous aimez les spectacles intimes, intègres et percutants.

Rites c’est pour vous si vous voulez voir un important danseur-chorégraphe québécois, dans un spectacle où il se livre sans retenue.

Rites c’est pour vous si vous voulez découvrir une version magistrale du Sacre du printemps.

Photo: Valérie Simmons

Photo: Valérie Simmons

José Navas est le chorégraphe et unique interprète du spectacle Rites. Québécois d’origine vénézuélienne, il est installé à Montréal depuis plus de vingt ans. Ses œuvres scéniques (de groupe et solo) ont été présentées dans une trentaine de pays sur trois continents. Elles ont parfois été adaptées ou créées spécifiquement pour le cinéma ou les nouvelles technologies (LODELA  et ORA pour L’ONF et dans le cadre d’un projet de vidéo en 360 degrés, disponible en version 2D et en version 3D).  L’an dernier, José Navas célébrait son cinquantième anniversaire de naissance, ses 30 ans de vie professionnelle en danse ainsi que les 20 ans de sa compagnie FLAK. À cette occasion il a, entre autres, dansé le spectacle Rites pendant trois semaines à Montréal.

Le spectacle est une suite de quatre soli. Il commence avec trois courtes danses servant de réchauffement ou de « mise en forme émotive » pour la danse finale, une très substantielle version du Sacre du printemps, sur la musique originale de Stravinski. Les parties dansées sont intercalées de courtes pauses durant lesquelles le danseur reste sur scène en intégrant des changements de costumes. Ces pauses, faites dans une ambiance d’intimité et de recueillement, permettent au danseur de changer de personnage et d’univers poétique et laissent aux spectateurs l’occasion de laisser se déposer en eux ce qu’ils viennent de voir, car il est généreux et se livre sans pudeur, intégrant dans ses créations toute sa sensibilité, son historique personnel et ses habiletés d’interprète. Les trois danses du début du spectacle permettent une traversée dans l’univers de Navas mais aussi une traversée de certains courants importants de l’histoire de la danse et des différents styles qu’on peut y retrouver.

Une première danse, surtout composée de pivots et de mouvements de bras, est effectuée de manière très intime. C’est presque comme si on pouvait entrer chez lui pour le voir agir de manière simple et sans artifice (avec tout de même toute la maestria du danseur), comme si personne ne le regardait. Il est concentré sur lui-même, sans porter attention au monde qui l’entoure, animé par la musique de Nina Simone. « Stripping down to only his briefs and a bedazzled white shirt, the ease and joy with which Navas begins to dance reminds me of putting on your favourite song and dancing alone in your living room. This also speaks to Navas’ refined dancing style, his clean lines, architectural movements, and subtle fluidity, a style that looks as familiar on him as walking.” Source: Pia Savoie

Photo: Valérie Simmons

Photo: Valérie Simmons

Les deux courtes danses suivantes amènent le spectateur dans un voyage dansé un peu plus tendu, quoiqu’empreint de mysticisme et d’ambiances enchanteresses ou d’envoûtement. Les musiques sont tirées de la Symphonie du Nouveau Monde d’Anton Dvorak et du Winterreise de Franz Schubert. Les mouvements y sont un peu plus exaltés, composés de tours chaînés et d’appels au ciel. On retourne presque aux impulsions d’Isadora Duncan, teintée des expériences de Navas auprès d’autres chorégraphes, tels que Merce Cunningham et Marie Chouinard (il était de la création de sa version du Sacre du printemps, une chorégraphie toujours en tournée, plus de 20 ans après sa création). Ailleurs, on retrouve des traces et des influences des expressionnistes allemands dans l’utilisation de micromouvements et dans l’approche de la douleur, de la peine et de la misère, voire de l’agonie de la survie, un élément essentiel à la compréhension du rôle de l’élue du Sacre originel, une des inspirations de Navas pour la dernière danse du spectacle Rites.

Cette quatrième danse est, de manière assez osée, une version solo du Sacre du printemps, pièce de groupe mythique et révolutionnaire dont j’ai traité abondamment dans une chronique précédente (section Cent ans de Sacres). La version Navas du Sacre a été créée à l’invitation du Concertgebouw de Bruges en 2013 (année du centenaire de la version Nijinski-Stravinski) et dansée accompagnée en direct d’un orchestre symphonique de 100 musiciens. Elle demeure le plat de résistance du spectacle. En une trentaine de minutes, le corps de Navas résonne dans chacune de ses cellules aux accents et aux rythmes de la musique, se laissant parfois entrainer par le paroxysme des élans de Stravinsky et répondant à chacun des chocs, des accents et des coups d’archets. Parfois, il laisse plutôt la musique devenir personnage scénique passant à travers son corps flottant mais sans l’emporter dans la fureur ou la frénésie souvent retrouvée de manière sous-jacente dans plusieurs versions dansées du Sacre. La danse réussit à porter l’émotion du danseur tout en restant toujours très claire et contrôlée techniquement.

Il s’y dévoile jusqu’à la nudité rédemptrice, toujours en contact profond, parfois en symbiose, avec une musique qu’il connait intimement. À la fin du spectacle, il sera resté l’élu, celui qui se sacrifie pour la suite du monde, malgré la turbulence et la passion dévorante qui le rattache toujours à la vie. Il sera passé par un travail de masque, laissant toute la place au langage du corps habillé de multiples façons.

Il faut noter que les lumières de Marc Parent sont magnifiques tout au long du spectacle.

Liens externes :

Pour voir quelques extraits d’autres œuvres pour la compagnie FLAK, dont trois chorégraphies de groupe : Portable Dances, Anatomies et S. créées avec une approche de méditation en mouvement et d’autres soli de Navas: Personæ et Miniature, ainsi qu’une danse pour la paix exécutée en 2014.

On peut aussi voir ici des extraits de commandes chorégraphiques : Watershed pour 32 danseurs du Ballet National à Toronto, Bliss pour les danseurs de la compagnie Ballet BC (il y a été chorégraphe en résidence pendant 3 ans) ou Dénouement pour la compagnie allemande Staatstheater Mainz.

Et pour terminer, deux entrevues: une  plus longue avec José Navas qui traite de son processus de travail ainsi qu’une dernière dans laquelle il s’engageait dans la lutte politique au sujet de l’investissement public dans les arts lors de la crise de 2009 provoquée par le gouvernement fédéral précédent.

Chroniques du regard 2016-2017 – Danse de nuit par Danse K par K.

Photo: David Cannon

Photo: David Cannon

Lorsque j’ai rencontré la chorégraphe Karine Ledoyen pour parler du projet Danse de nuit, le spectacle était encore en construction, donc en partie inconnu. Cet inconnu était composé, d’une part, d’une dose d’expérimentations qui restaient à faire (ou à continuer) avec les partenaires et interprètes et, d’autre part, d’une dose de doutes quant au contenu chorégraphique déjà amassé, incluant celui à retenir (ou pas) lors du montage final du spectacle. L’entrevue fut teintée d’une fébrilité de créateur face à l’inconnu, un effet inhérent à tout processus et travail de création. C’est dans cet état d’esprit que la très volubile artiste de la danse m’a reçu en entrevue.

Très allumée par cette nouvelle aventure, elle y est accompagnée par deux danseurs-interprètes de grand talent, Odile-Amélie Peters et Fabien Piché et de collaborateurs fidèles, dont Patrick Saint-Denis à l’invention scénographique, sonore et technologique, et Sonoyo Nishikawa  aux éclairages.

La force de Karine Ledoyen réside dans son intérêt et son esprit inventif face aux éléments scénographiques, ainsi que dans sa curiosité dans l’expérimentation du processus de représentation. Partant du point de vue de celle qui, pour cette création, questionne sa notion même de danse et de spectacle, elle approche sa sixième composition, Danse de nuit, de manière plus performative, mettant les interprètes (incluant elle-même) au défi quant à la façon de présenter les éléments et composantes du spectacle.

Danse de nuit c’est pour vous si vous voulez suivre Karine Ledoyen dans la continuité de son parcours artistique.  

Danse de nuit c’est pour vous si vous êtes intéressés par le thème de la nuit et par le désir de voir ce qui se cache dans l’univers nocturne.

Danse de nuit c’est pour vous si vous avez un intérêt pour le travail de duo qui peut devenir couple, avec toute sa palette possible de relations.

La nuit, selon la chorégraphe, permet aux humains de dévoiler une plus grande part de leur fragilité. Elle permet d’entrer dans un état particulier propice à l’exploration des qualités et méandres des univers nocturnes. Elle permet une plus grande intimité et peut même mettre les corps dans un « état d’urgence ».

Partant de ces notions, le spectacle devient sérieux. L’attitude face à la création aussi. La chorégraphe a essayé d’éliminer les mécanismes de défense souvent utilisés par elle dans ses œuvres précédentes. Exit l’ironie, exit aussi une certaine légèreté puérile. Cette nouvelle attitude permet de rentrer dans le travail de création avec un intérêt particulier sur le travail du poids et la surprise du momentum (incluant une série de déséquilibres, voire de chutes auxquelles il est impossible de résister), sur l’intérêt de la micro-danse (une danse intime, minimaliste et à petit déploiement, qui sera magnifiée par la captation vidéo en direct et la projection sur écrans) et sur la danse d’état, une nouveauté dans le travail de K par K. : « La nuit est un état, pas seulement de la noirceur » déclare la chorégraphe.

La méthode de travail a donc été renouvelée. Ledoyen se sentait prête à changer d’outils, quitte à laisser la danse un peu de côté pour inclure d’autres moyens d’expression afin d’exprimer plus clairement le concept à la base de son travail. Elle espère inclure dans son spectacle plusieurs couches de sens, plusieurs styles de performance. De plus, elle souhaite continuer à prendre le temps de faire les choses (reprenant sur scène le travail fait en studio) et présenter en temps réel la fabrication d’une scène plutôt que d’en garder simplement une image-trace iconique du travail accompli.

Approchant la création avec sérieux, l’attention et la curiosité sont portées vers la forme DUO, explorant par la bande le couple et la fragilité du couple, les brouillages et les malentendus. Sur scène, parfois les relations ou les situations s’enveniment et dans ces cas, comme le dit la chorégraphe : «Ça vire pas ben».

Le spectacle sera morcelé, allant vers l’accumulation des séquences et des vignettes. Suivant un courant très actuel, « il n’y a pas de fin, pas de début, pas de conclusion », le spectateur sera libre de trouver ses repères, sans avoir à s’accrocher à ce qu’il reçoit. Il pourra renouveler son regard face à la nuit, y inclure rêves, cauchemars, obsessions, perversions, transformations et déséquilibres. Sur scène, présenté en partie comme une répétition ouverte (et vécu ainsi par les interprètes), le spectacle permet de voir les artistes au travail. On y retrouve captation live de son et d’image. Les dispositifs et mécanismes en jeu sont expliqués et démontrés.

Sur scène, en plus des trois performers, Patrick St-Denis est occupé à diverses assignations, il doit intégrer dans les différents éléments du spectacle les données de géolocalisation et de pression artérielle recueillies par des senseurs portés sur les avant-bras des danseurs. Le son en sera affecté et le rythme de spectacle pourra, par exemple, suivre la pulsation cardiaque d’un individu. On entrera alors, selon la chorégraphe, « dans une très grande intimité, une capacité à chorégraphier le cœur ».

Lors du travail de recherche et création, la compagnie a pu profiter d’une résidence de création au Musée de la Civilisation lors de l’exposition Corps rebelles qui est maintenant présentée à Lyon jusqu’en mars 2017.

Liens externes

La nuit et l’idée qu’on s’en fait sont, pour l’imagination, un domaine fertile depuis toujours (depuis la nuit des temps!). La nuit permet le rêve et l’émerveillement (qui n’a pas profité de l’observation du ciel étoilé ou d’une nuit de Perséides?). La nuit a stimulé de nombreux créateurs et permis d’accoucher d’une multitude d’œuvres. Il suffit de rappeler les Nocturnes de Chopin, la Petite musique de nuit de Mozart ou les Variations Goldberg de J.S. Bach.

La nuit a toujours été considérée par plusieurs comme le moment idéal pour se rassembler. Elle est le moment parfait pour le partage des contes et légendes, le moment favorisé d’un certain type de cérémonies rituelles, et son obscurité est souvent essentielle pour la présentation des spectacles. Mais attention, elle est aussi le repaire des fantômes, des monstres et des créatures de la nuit, des cauchemars et frayeurs nocturnes mais aussi, heureusement, des réconforts parentaux.

Il est à noter qu’il existe un autre spectacle de danse actuellement en tournée européenne intitulé Danse de nuit. Il est l’œuvre du chorégraphe français Boris Charmatz, souvent associé au mouvement de la non-danse (qui est brièvement apparu sur nos scènes en 2014 dans les spectacles Tragédie d’Olivier Dubois, et Gustavia de Mathilde Monnier/La Ribot). Le spectacle, dansé dans différents sites urbains, est aussi de nature performative et pose des questions qui pourraient être orientée vers le spectacle de Danse K par K : « … qu’est-ce qu’une « danse de nuit » : une fête, une procession, une manifestation, une battle nocturne? C’est comme une ronde de nuit, une danse à la dérobée, à l’écart de la lumière? C’est l’inverse d’une danse de jour : une danse cachée, clandestine – une zone d’exception? »

Du côté chorégraphique, en quelques clics, il faut aussi prendre connaissance de Ce que le jour doit à la nuit du chorégraphe français Hervé Koubi, spectacle dont il discute ici. Il a par la suite créé Les nuits barbares ou les premiers matins du mondeUne chorégraphe québécoise s’est aussi inspirée du sujet de la nuit, Danièle Desnoyers de la compagnie Le carré des lombes, présentait en 2012, au Festival TransAmériques  Sous la peau, la nuitune étude sur « les âmes errantes du peuple de la nuit, sur les étreintes se font parfois morsure et certains rires se transforment en sanglots ». Laissant elle aussi  « l’œuvre se construire par accumulation de couches successives et le sens se frayer un chemin dans les mystères du corps ». Aussi, d’un point de vue historique, il ne faut pas oublier Le Ballet royal de la Nuit (1653) qui permit l’apparition mythique du roi-soleil, Louis XIV.

Finalement, la nuit permet une foule d’activités, artistiques, sociales ou personnelles. Nommons ici le phénomène social international Nuit debout«C’est un mouvement citoyen et nous demandons aux représentants politiques de ne pas prendre la parole», les activités artistiques Nuits blanches aux Musées ou Nuit des Galeries  chez les artistes et artisans du secteur Vieux-Port, de Place-Royale et du Quartier Petit Champlain, à ne pas confondre avec la série de films A Night at the Museum (La Nuit au musée).

Les nuit peuvent être blanches, peuvent être noires, peuvent même, pour votre amusement personnel, être passées en prison.

Chroniques du regard 2016-2017 – Nous ne sommes pas des oiseaux? par Code Universel et Théâtre du Gros Mécano

Photo: David Cannon

Photo: David Cannon

Le spectacle Nous ne sommes pas des oiseaux? arrive enfin sur la scène du Théâtre Jeunesse Les Gros Becs de la rue St-Jean. Fruit d’une longue démarche de recherche et création, il est le résultat d’une collaboration artistique entre Daniel Bélanger, chorégraphe en danse contemporaine, directeur de la compagnie Code universel et idéateur du projet, et Carol Cassistat, homme de théâtre bien connu de la Capitale et directeur artistique du Théâtre du Gros Mécano. Le spectacle réunit sur scène cinq interprètes : la comédienne-danseuse Valérie Laroche; trois artistes de la danse très présents sur les scènes de Québec : Maryse DamecourJean-François Duke et Eve Rousseau-Cyr, en plus de Daniel Bélanger lui-même.

« Nous ne sommes pas des oiseaux ? » c’est quoi ?  C’est un spectacle de danse contemporaine créé à l’intention des enfants (à partir de 5 ans) mais accessible à tous.

 « Nous ne sommes pas des oiseaux ?» c’est pour vous si vous aimez les spectacles fusionnant danse, théâtre et arts visuel (la vidéo réactive et interactive est conçue et manipulée par Louis-Robert Bouchard).

« Nous ne sommes pas des oiseaux ? » c’est pour vous si vous aimez les thèmes épiques et les spectacles qui racontent une histoire.

À travers différentes aventures et épreuves, le spectacle suit l’évolution d’une jeune héroïne dans son apprivoisement de la vie, de ses relations familiales et sociales et dans la construction de son identité de citoyenne du monde. En un peu plus de 50 minutes, Nous ne sommes pas des oiseaux ? amène les spectateurs dans une épopée créative puisant ses outils dans les techniques théâtrales, la danse contemporaine et les technologiques actuelles de projections d’images basées sur la captation vidéo faite en direct. Le spectacle relate, entre autres, l’histoire d’une relation père-fille et de la passion les rapprochant: l’ornithologie.

Une fois l’argument de base imaginé, l’histoire de cette relation a été écrite en détails pour servir de base au travail de création. Au début, les créateurs ont utilisé des pistes tirées de différentes histoires traitant de relations familiales : celle des frère et sœur Hansel et Gretel, ainsi que celle de Dédale et son fils Icare, pris dans le mythique labyrinthe. Ces bases ont, entre autres, servi de tremplin pour la création d’une trame originale. Plusieurs versions textuelles ont été traduites en mouvements qui, à leurs tours, ont nourri les textes originaux.

En fin de parcours, les mots ont presque tous disparus même si la trame et le fil conducteur existent encore. Les mots ont été sublimés en images et en gestes. Ce qui subsiste de l’argument de base est dorénavant devenu matière dansée et images pixellisées souhaitant atteindre le spectateur dans sa sensibilité et dans ses émotions.

Dans Nous ne sommes pas des oiseaux ?, Bélanger et Cassistat, en collaboration avec les interprètes, livrent aux spectateurs un travail accessible aux jeunes enfants même si les thèmes sont assez sérieux : la liberté et le sens de la vie, les traces qu’on laisse dans le réel (concret) mais aussi dans l’expérience de l’autre, les rêves et les blessures de l’enfance qui laisseront des séquelles tout en portant l’enfant jusqu’à sa vie adulte.

Le processus de création, débuté en 2012, est passé à travers plusieurs étapes de travail et les créateurs ont fait appel à différents interprètes-collaborateurs. On retrouve ici les images d’une des premières étapes de création, celles d’une résidence en 2015 dans le cadre de l’exposition « Corps Rebelles » au Musée de la civilisation, celles d’une animation auprès d’enfants tirées de l’émission Les Chroniqu’arts  ainsi que quelques captures d’écrans des images vidéos créées pour le spectacle et projetées autant en fond de scène que sur le plancher. 

Liens externes, en vrac et dans toutes les directions :

Cette fois-ci, les liens externes sont un peu éclatés. Ils sont reliés à d’autres spectacles traitant des oiseaux, mais aussi en lien avec le titre « Nous ne sommes pas… ». Ils vont vers une suggestion de spectacle utilisant les technologies actuelles de captation-projection d’images en direct ainsi que vers quelques détails sur le projet « Traces chorégraphiques » du Regroupement québécois de la danse (RQD).

Pour les spectacles de danse en relation avec les oiseaux :

La Compagnie Le Guetteur / Luc Petton a créé Light Bird – pièce chorégraphique de Luc Petton et Marilén Iglesias-Breuker pour danseurs et grues de mandchourie, ainsi que La Confidence des oiseaux.

La musique de Stravinsky intitulée  « L’Oiseau de feu » a été dansée, de manière classique, par le ballet du Kirov, dans la chorégraphie de Michel Fokine, par la compagnie de Maurice Béjart, mais aussi dans des projets plus contemporains, comme dans le projet de l’Ando Danse Compagnie ou celui du mouvement Fluxus.

Sans oublier les spectacles de Chantal Caron, basés sur les mouvements des oiseaux, présentés sur les berges du fleuve à St-Jean Port Joli et ayant servi d’inspiration pour le spectacle 73o Nord présenté par La Rotonde en 2013.

Pour un autre spectacle utilisant les technologies actuelles :

Voir des extraits de PIXEL (Création 2014) de la Compagnie Käfig.

Pour quelques informations sur les Traces chorégraphiques:

 Une activité festive et participative, déployée dans toutes les régions de la province et chapeautée par le RQD lors des festivités annuelles entourant la Journée internationale de la danse, depuis 2007  jusqu’en 2016.

Pour aller voir ailleurs « ce que nous ne sommes pas… »:

 il faut d’abord voir des extraits du spectacle créé par la compagnie Sylvie Guillermin qui porte le titre Nous ne sommes pas des oiseaux, mais sans le point d’interrogation.

Pour terminer, tous ces titres, plus intrigants les uns que les autres: Nous ne sommes pas nos comportementsNous ne sommes pas intouchablesNous ne sommes pas des angesNous ne sommes pas des Saints, le surprenant Nous ne sommes pas Charlie et finalement, le toujours rassurant Nous ne sommes pas  seuls.

 

 

Chroniques du regard 2016-2017 – Les caveaux par Alan Lake Factori(e)

Main_branche - par Julie Lévesque

Main_branche – par Julie Lévesque

Dans son nouveau spectacle Les caveaux, Alan Lake veut faire pénétrer les spectateurs au cœur même de l’expérience. Une expérience dans laquelle il plonge habituellement ses interprètes lors de la création de ses œuvres. Pour ce faire, il amènera les spectateurs dans un lieu aménagé spécialement pour la présentation de la chorégraphie. Un lieu scénographié, rempli de matières brutes et habité d’images (virtuelles ou concrètes) qui permettront à ceux-ci d’entrer de façon très « sentie » dans une ambiance particulière et immersive, tout en les gardant dans un certain confort. Car il faut spécifier que les spectateurs, quoique plongés dans un univers rappelant les caveaux, seront confortablement assis et à l’abri des intempéries.

« Les caveaux » c’est pour vous si vous aimez les beaux risques.

« Les caveaux » c’est pour vous si vous êtes attirés par les expériences marquantes et les sensations fortes.

« Les caveaux » c’est pour vous si vous êtes intéressés aux profondeurs de l’expérience humaine.

Pour cette nouvelle production, qu’il considère comme une suite logique de ses spectacles précédents  Là-bas, le lointain et Ravages, le chorégraphe souhaitait aller plus loin dans son approche multidisciplinaire de la danse. Cette fois-ci, les projections vidéo et cinéma sont incluses dans la scénographie et sont partie intégrante du spectacle. Les ambiances et décors un peu surréels retrouvés dans les films associés aux œuvres précédentes sont maintenant installés concrètement dans l’espace scénique.

Lieux de cycles qui s’enchainent et se déroulent, lieux d’éclosion et d’émergence de la vie mais aussi lieux de mort, de sépulture et de sédimentation, les caveaux seront habités par quatre danseurs interprètes, dont deux « réguliers » d’Alan Lake Factori(e): David Rancourt et Esther Rousseau-Morin, auxquels s’ajoutent Louis-Élyan Martin et Nicolas Labelle. Le lieu, mis en lumière par Bruno Matte sera aussi habité par le musicien-compositeur Antoine Berthiaume à la musique « live »et par les images vidéos de Louis-Robert Bouchard.

Nouvellement attiré par le pouvoir des liquides physiologiques, Alan Lake y tire des leçons concernant l’alchimie et la métaphysique de la vie. Il utilise dans sa recherche chorégraphique des liquides de différentes couleurs et textures, rappelant les composantes mêmes de la naissance et de l’accouchement humain.

Dans la compréhension du chorégraphe, Les caveaux sont aussi beaucoup plus qu’un sous-terrain permettant de conserver récoltes et artéfacts. Ils sont un lieu où la terre elle-même se ressource, où elle fusionne avec les racines de la vie. Cet apport de la vie à la terre peut même devenir symbolique, nourri par certaines activités humaines qui ont déjà pris la forme de cabarets anarchiques ou autres cérémonies plus ou moins rituelles.

Fusion et racines sont des clés permettant de décoder cette nouvelle œuvre. Tout en étant eux-mêmes plongés dans un lieu étrange et éphémère, inaccessible sans rendez-vous, les spectateurs vivront, sans le filtre du cinéma utilisé lors des spectacles précédents, une expérience concrète et brute, nourrie du monde onirique, plus particulièrement du « cauchemar démantelé » selon les mots de Lake.

Liens externes
Durant son processus de création, le chorégraphe s’est approché de l’œuvre de certains autres artistes des arts visuels, de la sculpture et de la performance dont vous pouvez retrouver ici détails biographiques et échantillons de leurs œuvres foisonnantes :

Francis BaconFrancis Bacon: toute la violence du monde, Biographie de Francis Bacon et Francis Bacon, parcours et histoire.
Nicolas Samori: Fouilles du destin, Des peintures baroques qui jouent avec leur matière et ici en vidéo.
Olivier Sagazan: site Internet du peintre, sculpteur, performeur et Transfiguration: performance en vidéo.
Josef Beuys: Introduction à son oeuvre et Biographie et démarche.

Et puisque Les caveaux s’intéressent à la profondeur de l’expérience humaine, si vous voulez continuer l’immersion dans la psyché, je vous suggère aussi de plonger dans la lecture d’une grande œuvre romanesque de l’homme de théâtre et auteur canadien Robertson Davies, la trilogie de Deptford comprenant L’objet du scandale, Le manticore et Le monde des merveilles.

Chroniques du regard 2015-2016 – Vital Few par Company 605

Le spectacle de danse contemporaine Vital Few créé par la Company 605 (auparavant connue comme étant le 605 Collective) de Vancouver vient clore la présente saison de danse. Créé en collectivité, ce spectacle est une excellente occasion pour apprivoiser la danse contemporaine, jeune et actuelle. Portés par la passion, six jeunes interprètes maîtrisent à fond une technique impeccable dans un travail de groupe engageant, mouvant, vivant.

Company 605, The Banff Centre, Dance, 2016

Company 605, The Banff Centre, 2016. Photo: Rita Taylor.

Vital Few, c’est pour vous si vous aimez les spectacles basés sur la passion du mouvement.

Vital Few, c’est pour vous si vous aimez l’énergie de la jeunesse.

Vital Few, c’est pour vous si vous avez apprécié trois spectacles récents The Tempest Replica (mai 2014) et Quotient empirique (mai 2015), dont vous retrouverez certaines techniques, telles les utilisations du groupe qui se meut comme porté par les vagues, les vents et les tensions internes avant de s’arrêter dans des poses très sculpturales ; et le spectacle (ENTRE) (février 2016) pour retrouver l’idée d’un spectacle permettant aux spectateurs de s’immerger complètement dans un univers restreint dans l’espace mais tout à fait complet en lui-même.

Le spectacle, d’un peu plus d’une heure, présente un groupe en mouvance. Certaines échappées permettent de voir en action quelques danseurs en solo ou en duo mais l’accent est surtout mis sur les actions du groupe en quête, ou en occupation, de son territoire. Les mouvements se répercutent d’une personne à l’autre. Les efforts de l’un trouvent leurs réponses dans les gestes de l’autre. Les mouvements cohésifs de groupe permettent l’émergence de créatures comportant plusieurs têtes et une multitude de bras et de jambes répondant aux mêmes impulsions organiques. Les danseurs y sont en en constante codépendance et leurs interrelations font preuve d’une grande sensibilité.

Les relations entre danseurs sont complexes et illustrent bien une recherche de mouvements, typique de la compagnie, qui permet d’accueillir en pleine conscience certaines tensions et certains risques physiques, impliquant ainsi une réponse sensible, immédiate et totalement honnête aux multiples impulsions reçues.

Tout au long du spectacle, les ambiances et les accompagnements musicaux varient. L’éclairage de Rob Sondergaard, tout en subtilité, appuie magnifiquement le travail chorégraphique. Le plaisir de bouger est évident et la technique des danseurs est impeccable. Deux exemples du travail en répétition ou en période de création sont visibles en vidéo ici et .

Les chorégraphes

Company 605, de Vancouver, est codirigée par Lisa Gelley et Josh Martin. Ils créent leurs danses en utilisant des mélanges de danses urbaines et contemporaines. Leurs techniques et méthodes de création sont exigeantes et misent sur l’innovation. Dans leurs récentes créations, ils valorisent de plus en plus l’apport individuel du danseur dans un groupe, plutôt que l’obtention d’un mouvement commun effectué sous forme d’ensemble.

Lisa Gelley est originaire de Vancouver et a été entraînée, entre autres, à Ottawa et dans quelques pays d’Europe, ainsi qu’en Israël avec la technique GAGA. Elle est interprète et enseignante et a reçu en 2015 le prix Vancouver International Dance Festival Choreographic Award. Josh Martin est originaire de l’Alberta et son développement artistique l’a amené à travers l’Amérique du Nord et en Europe. Interprète très actif, il a reçu le Vancouver’s 2013 Mayor’s Arts Award – Emerging Dance Category ainsi qu’un premier prix lors du International SoloTanz Festival in Stuttgart.

Les interprètes

Les interprètes de Vital Few ont été impliqués activement dans tout le processus de création. Ils ont été confrontés en mouvements aux idées de leadership, de solidarité, de hiérarchies cachées et de démocraties à travers des déplacements de groupe incluant nécessairement compromis et laisser aller, voire abandon des danseurs dans le flux et le reflux d’impulsions diverses. À travers toute la chorégraphie, il leur est demandé de faire preuve d’autonomie et de responsabilisation dans le groupe afin de construire un ensemble plus grand que la somme de ses individus. Un court reportage les montre ici en phase finale de création chorégraphique. Les interprètes sont: Hayden Fong, Lisa Gelley, Josh Martin, Renee Sigouin, Jessica Wilkie, Sophia Wolfe.

Les liens externes

1.- Les spectateurs de Vital Few en matinées scolaires verront en levée de rideau le produit final de la chorégraphie gagnante du concours d’écriture chorégraphique pour adolescents Marquer la danse version 2015-2016, créée cette année par Marianne Fortier.

2.- Les danses urbaines ont d’abord été connues sous les noms de Breakdance et Hip-Hop. Pour une première explication très générale du phénomène, je vous envoie sur le site de Radio-Canada, aux notes de la défunte émission Le match des étoiles ainsi qu’aux courts reportages audio suivants sur l’origine du breakdance à Montréal. Des reportages qui datent des années 1980, avec ce que cela comporte d’informations partielles et rudimentaires: (1/5) Le breakdance fait son apparition dans les rues de Montréal. (2/5) Les racines africaines du breakdance. (3/5) Le breakdance, une danse de garçons. (4/5) Danser le breakdance pour s’amuser et se détendre. (5/5) Breakdance, des précautions à prendre.

3.- La danse contemporaine, hip-hop et urbaine est accessible partout, vous pensez ? Eh bien, non. Sa pratique est encore interdite, voire punie par la loi dans certains pays, comme en Iran où « depuis la révolution islamiste de 1979 et le démantèlement du Ballet National d’Iran, ce genre de spectacles et l’enseignement de cette discipline ont été décrétés contraires à la morale ». Source: France-Inter. Tel qu’illustré dans le film de Richard Raymond Desert dancer, qui raconte l’histoire du danseur iranien Afshin Ghaffarian maintenant installé en France et directeur de la compagnie Réformances (et dont on peut entendre l’histoire ici). On peut aussi lire, sur le même sujet: En Iran, toutes les excuses sont bonnes pour danser le hip-hop malgré l’interdiction

Chroniques du regard 2015-2016 – monumental avec Godspeed You! Black Emperor par The Holy Body Tattoo

Événement grandiose et très attendu, le spectacle Monumental de la compagnie de danse de Vancouver The Holy Body Tattoo et du collectif musical montréalais Godspeed You! Black Emperor sera présenté, pour un soir seulement, au Grand Théâtre de Québec. Neuf danseurs et huit musiciens sur scène, 75 minutes.

Photo: Yannick Grandmont

Photo: Yannick Grandmont

Monumental, c’est pour vous si vous aimez les spectacles-événements.

Monumental, c’est pour vous si vous aimez l’ambiance post-rock, post-punk et post-moderne.

Monumental, c’est pour vous si vous voulez voir comment les gestes quotidiens, une fois répétés et magnifiés, peuvent devenir la base d’un langage gestuel dansé.

Le spectacle est multimédia. Il inclut danse contemporaine, musique post-rock live, projections de vidéos et de textes. Depuis sa création en 2005, le spectacle était resté un événement unique et n’avait plus été présenté. Depuis 3 ans, grâce à un effort alchimique international et un effort de création pan-canadien, il a été remonté et, cette fois-ci pour la première fois, il est présenté sur scène avec la musique en direct. Avant de nous arriver à Québec, il vient d’être présenté à Vancouver, Toronto, Adélaïde (Australie) et Montréal.

Le thème général du spectacle en est un d’étude sur l’angoisse physique de la culture urbaine, sur les besoins de conformité et de non-conformité dans un groupe, sur les besoins pour chacun de trouver sa propre voix. Au départ, basé sur les images du livre  Men in the Cities de l’artiste plasticien américain Robert Longo, les chorégraphes ont envoyé les interprètes observer les habitants de la ville autour d’eux. Ils sont revenus en studio avec une banque de mouvements et de gestes à intégrer avec leurs idiosyncrasies personnelles, tics, habitudes et obsessions qui sont devenus la base du vocabulaire gestuel de Monumental.

Sur scène, perchés sur des cubes, chacun des interprètes y est pris au piège, comme une statue sur son piédestal. À lui de découvrir, en suivant ses besoins et ses pulsions, comment s’intégrer ou se distinguer dans le groupe auquel il est rattaché.

Les chorégraphes

Dana Gingras et Noam Gagnon travaillaient ensemble à Vancouver au sein de la compagnie The Holy Body Tattoo lors de la création de Monumental. Ils avaient déjà créé quelques spectacles vivifiant l’univers de la danse contemporaine de la côte ouest canadienne et, pour la première fois, aucun des deux créateurs ne participait au spectacle en tant qu’interprète. Dana Gingras (dont nous avons vu Heart as Arena en 2013) a maintenant basé sa compagnie Animals of distinction à Montréal et Noam Gagnon poursuit ses activités à Vancouver avec sa compagnie Vision impure.

Pour la reprise, la chorégraphie est restée presque semblable, tout en étant sensible aux personnalités des nouveaux interprètes. Le fait d’incorporer la musique en direct lors du spectacle est ici l’ajout majeur de la renaissance de Monumental et est un défi, autant pour les danseurs que pour les musiciens, comme le décrit Dana Gingras : « They’ve never done anything like this before. They’ve done, I think, scores for films and stuff before, but never with another element of live dance. I think it’s completely foreign and strange and weird territory for them,” she laughs. “But I have to say it’s been thrilling to have everyone in the room and hear that music live and see this new cast of dancers just fully, very passionately dive into the choreography. » Source: Kelsey Klassen — Westender.

Pour Gingras, la musique pour Monumental est construite comme une épopée de houle et de résonances s’assemblant avant la tempête. Elle amène le public dans une expérience émotionnelle.

Les musiciens

Le groupe Godspeed You! Black Emperor est un groupe montréalais important et peut être associé au mouvement post-rock. Il est toutefois largement influencé autant par le rock progressif, le punk, la musique classique ou de  l’avant-garde. « Ses productions consistent généralement en un nombre restreint (2 à 4) de morceaux durant de 10 à 30 minutes divisés en mouvements, parfois mentionnés sur la pochette. Les instruments utilisés ont varié en fonction du nombre de membres, mais la musique est restée fondée sur guitare électrique – guitare basse – cordes – percussions, avec des utilisations occasionnelles de glockenspiel ou de cor d’harmonie. Les morceaux sont régulièrement introduits par des séquences parlées enregistrées par le groupe en Amérique du Nord. »  Source: Wikipedia.

Créé en 1994, le groupe a connu un immense succès dès 1997, pour ensuite faire beaucoup de tournées entre 1998 et 2002, avant de prendre une pause de presque 10 ans. De retour sur scène, ils sont présentement en tournée internationale les amenant aux États-Unis, en Europe et au Canada. Pour les voir en action en vidéo, c’est ici pour l’Olympia de Montréal en 2011, ici à Primavera Sound en 2014 et ici au Bataclan à Paris en 2015.

Après avoir assisté récemment au spectacle à Adelaïde en Australie, l’auteur du blogue du Guardian fait état de la grande pertinence de la musique pour Monumental : “Godspeed’s rightful place in this dance piece is a revelation though. It seemed unlikely their massive drums and sad, soaring crescendos could score such frantic dance moves, but there is synchronicity even during spoken-word piece, Dead Flag Blues. Moments when it all comes at you – the dance, the words and the music – are like diving too late into an enormous wave and getting swept up in the surge.” Source: Kate Hennessy.

Les interprètes

Si vous êtes spectateurs réguliers des événements en danse présentés à Québec depuis quelques saisons, vous pourrez reconnaître les interprètes Caroline GravelShay Kuebler, Esther Rousseau-MorinKim De Jong et Jamie Wright, tous aperçus dans différentes productions récentes de danse contemporaine (allant des spectacles Ravages d’Alan Lake à Usually Beauty Fails de Fréderic Gravel en passant par Henri Michaux: Mouvements de Marie Chouinard ainsi que par La petite scène du Cercle). Les autres interprètes à découvrir sont Louise-Michele JacksonMichael WattsLouis-Elyan Martin et Sovann Prom Tep.

Les interprètes à la création étaient Ric Brown, Sarah Doucet, David Flewelling, Andrea Gunnlaugson, Day Helesic, Farley Johansson, Blair Neufeld, Sonja Perreten et Sarah Williams.

Les collaborateurs

Le spectacle inclut aussi les projections de films, œuvres de William Morrison ainsi que des citations de textes de l’artiste conceptuelle Jenny Holzer tirées de sa série Living.

La renaissance

La version récente a repris la chorégraphie originale, remontée par Sarah Williams (interprète de la première version). La scénographie et les projections restent les mêmes. La musique est maintenant jouée live par 8 musiciens sur scène et intègre quelques nouveaux morceaux. Les danseurs interprètes sont de la jeune génération, apportant une nouvelle intelligence au travail, ainsi qu’une intensité différente : « The new cast has really taken it to another level. Generation to generation, dancers get smarter. They bring a new intensity, at the same time being true to the intentions and meaning of the piece. We honestly hadn’t looked at monumental for years and years. So there was a little bit of: oh wow, we made that? It was like discovering a lost child. » Source : Deborah Meyers. 

Les critiques

Le spectacle n’a été jusqu’ici présenté que dans les milieux anglophones. Les critiques semblent unanimes:

« Monumental is indelibly etched. Unique. Unforgettable. Incredible. An intense hour and 15. Assaulting the senses inspiring living. A paradox. Showing a disconnect while we connect. We clap and call out while wanting to touch loved ones and whisper we are alive. »  Greg Elliott.

« Moments when it all comes at you – the dance, the words and the music – are like diving too late into an enormous wave and getting swept up in the surge. »  Kate Hennessy.

« …as a daring statement on urban culture, with its heady mix of intimacy and brutality, it’s surely one of the defining dance works of the 21st century. » Peter Burdon.

 « Monumental. Must-see dance show of the year. » TORONTO PREMIERE  Reviews.

Chroniques du regard 2015-2016 – Solitudes solo de Daniel Léveillé

Photo: Denis Farley

Photo: Denis Farley

Le spectacle Solitudes solo de la compagnie Daniel Léveillé Danse arrive enfin à Québec. Récipiendaire en  2013 du Prix du CALQ de la meilleure œuvre chorégraphique, le spectacle pour 5 danseurs a déjà été présenté en Europe, en Asie, aux États-Unis et dans de nombreuses villes canadiennes. Premier élément du plus récent cycle de création du chorégraphe montréalais Daniel Léveillé, Solitudes solo est composé d’une série de 8 soli. Il met en scène des danseurs fabuleux (quatre hommes et une femme) qui, dans une danse extrêmement précise et exigeante, mettent en œuvre toutes leurs forces et leurs habiletés pour rester humains dans des tâches demandant une implication totale et globale.

Solitudes solo, c’est pour vous si vous aimez les spectacles sans compromis, fruits d’une recherche sérieuse et aboutie.

Solitudes solo, c’est pour vous si vous aimez l’effort visible et les danseurs mis dans des situations de véritables défis.

Solitudes solo, c’est pour vous si vous voulez découvrir l’œuvre appréciée d’un chorégraphe reconnu internationalement mais dont les spectacles n’ont pas été présentés à Québec depuis plus de vingt ans.

L’œuvre

Le spectacle est d’une durée d’environ une heure et présente aux spectateurs une danse assez minimaliste et composée de mouvements relativement simples qui se complexifient au fil des répétitions ou de leurs intégrations dans de nouvelles séquences. Les danses sont parfois accompagnées d’œuvres pour violon solo de J.S. Bach.

L’intérêt est dans le défi posé aux interprètes. Chaque fois, l’interprète est seul sur scène. La chorégraphie, malgré l’apparente simplicité de ses composantes, est très ardue pour les danseurs et peut difficilement être exécutée de manière parfaite: les sauts doivent souvent être faits sans élan; les changements de directions peuvent être difficiles à gérer; la lenteur de certains mouvements serait intenable pour un quidam non entraîné.

Et c’est là la beauté de la chose. Ces corps ciselés et volontaires, dont on peut voir toute la musculature en action, travaillent fort. Ils prennent les défis de plein front et avec aplomb et, probablement avec un certain plaisir masochiste, visent la réalisation la plus parfaite de chacune des séquences imposées. Leurs failles et déraillements deviennent l’élément de base qui alimente ce « Cycle de l’imperfection » dont le deuxième opus  Solitudes duos, qui met en scène un mélange de duos homme-femme, homme-homme ou femme-femme est déjà en tournée internationale, dont une présence récente en Italie et en France.

Pour ceux qui connaissent un peu l’œuvre récente de Léveillé, il faut prendre note que la nudité intégrale des interprètes n’est plus au cœur même de l’œuvre, comme elle l’était dans le cycle précédent de création, qui n’a pas été présenté à Québec. Créée entre 2001 et 2007, la trilogie « Anatomie de l’imperfection » présentée entre autres à la Biennale de Venise 2010, comprend Amour, acide et noix (Prix Dora en 2012),  La pudeur des icebergs et Le crépuscule des océans. Le chorégraphe avait alors choisi d’y intégrer la nudité intégrale de ses interprètes car elle était, selon lui, le seul costume où la feinte est impossible.

Cette utilisation de la nudité comme « costume de scène » a été commentée de plusieurs façons et a peut-être refroidie l’ardeur de certains diffuseurs mais Léveillé l’analyse simplement en déclarant : « Pour ma part, j’utilise la nudité dans une optique assez similaire à celle de Michel-Ange. La nudité, sur scène, lorsqu’utilisée sans autre sous texte et sans aucune ambiguïté sexuelle, glorifie les corps, les rend presque surhumain, les rapproche de Dieu et paradoxalement les fragilise.  Mon rôle premier de chorégraphe est d’écrire le corps dans l’espace… On m’a souvent posé la question s’il était à propos de venir voir l’un de mes spectacles comportant de la nudité avec de jeunes enfants et ma réponse à toujours été la même : je n’y vois aucun problème puisqu’il n’y a aucune ambiguïté sexuelle sous-jacente dans ces spectacles et que le pire qu’il pourrait arriver serait que ces jeunes enfants, de retour à la maison, aient juste envie de faire de même : se foutre à poil, courir, sauter et danser partout. On peut imaginer pire situation. » Source: site web de la compagnie.

Dans Solitudes solo, qui ne sera présenté que deux soirs, les danseurs restent toujours vêtus (d’un sous-vêtement et parfois d’un T-shirt). Donc, nous avons quand même un accès visuel direct aux corps des interprètes dans leurs prises de l’espace, ainsi qu’à leur utilisation intime du souffle et de la musculature en action.

Le chorégraphe

Afin de mieux connaitre le chorégraphe Daniel Léveillé, vous pouvez entre autres, pour quelques jours encore, visiter dans l’exposition Corps rebelles au Musée de la Civilisation l’îlot qui lui est consacré.

« Formé au sein du Groupe Nouvelle Aire, où il commence à chorégraphier en 1977, Daniel Léveillé travaille longtemps comme chorégraphe indépendant avant de fonder Daniel Léveillé Danse en 1991. Tandis qu’il signe des œuvres pour diverses compagnies de danse et de théâtre, il intègre le département de danse de l’UQAM et y occupe, de 1988 à 2012, un poste de professeur dans le champ de la création et de l’interprétation en danse. » Source page Facebook.

Il a reçu plusieurs prix prestigieux pour ses oeuvres chorégraphiques et fait l’objet de nombreux reportages et entrevues dont une entrevue radio conjointe  avec Benoit Lachambre, chorégraphe du spectacle Prismes, présenté par La Rotonde en début de saison. Le lien vers une entrevue sur France Culture est ici (le cœur de l’entrevue est entre 10 : 25 et 27 : 00).

Le lien vers une entrevue télé en trois parties avec Fabienne Cabado présente:

1-L’espace et la direction d’interprètes. 2-Le minimalisme, la répétition et le rythme. 3-Théâtralité, émotion et radicalité chez Daniel Léveillé.

Les interprètes

Quatre hommes et une femme dansent leur vulnérabilité dans Solitudes solo. Sans avoir à partager d’anecdote narrative, ils sont en scène à tour de rôle et disparaissent une fois leur tâche terminée. Ils sont très différents les uns des autres et, avec force et authenticité, ils apportent chacun leurs qualités particulières. À la création de la chorégraphie, on retrouvait les interprètes Matthieu Campeau, Esther Gaudette, Justin Gionet, Emmanuel Proulx et Gaëtan Viau.

Malgré l’effort évident demandé à chaque pas et confrontés à une danse simple, épurée et sans agitation (presque austère), les interprètes réussissent à danser chaque mouvement comme s’il était suspendu dans le temps et dans l’espace. « Ce sont des corps qui entrent en choc avec l’espace, à travers des sauts et des replis sur soi, dans une grande tension entre l’aérien et l’attrait du sol… De la position recroquevillée, les danseurs évoluent jusqu’à l’ouverture totale du corps, comme soudainement happé par la vastitude de l’espace et les infinies possibilités des articulations humaines… Le spectacle offre une exploration de l’individualité humaine sans s’embarrasser de jugements, sans teinter le regard d’une quelconque charge. On y décèle surtout la grandeur de l’humain et une vision du corps à son meilleur, même dans les moments de fragilité. » Source: Voir

En tant qu’ancien étudiant en architecture, Léveillé « pose la danse près de la sculpture, s’adresse beaucoup à l’oeil, de façon très architecturale. Les corps sont des colonnes qui supporteraient des poutres, très solides ; qui s’incarnent dans une immobilité qui permet un contrôle et une écriture de l’espace très grands.» Source: Le Devoir

Certains interprètes de Solitudes solo ont été vus récemment dans des productions présentées durant la saison de La Rotonde, dont Prismes de Benoit Lachambre et Ce n’est pas la fin du monde de Sylvain Émard.

Le danseur Justin Gionet est interviewé ici à Radio-Canana et ici pour Harbourt Front Centre concernant son travail avec la compagnie Daniel Léveillé danse. Des photos des danseurs sont ici.

Les liens connexes

– Daniel Léveillé considère l’artiste Françoise Sullivan comme sa mère artistique. Pour en savoir un peu plus sur cette artiste-peintre et chorégraphe signataire du Manifeste du Refus global, une fiche biographique détaillée est ici (Extrait de la toile mémoire du RQD).

– Il se dit aussi très inspiré de la manière d’écrire de Marguerite Duras et le théâtre de Racine.

– Deux célèbres danseuses québécoises ont aussi fait de nombreux spectacles en solo: Margie Gillis en a fait une carrière et les œuvres récentes de Louise Lecavalier sont en majorité dans cette catégorie.

– Une danseuse chercheuse a écrit un mémoire de maîtrise sur le rôle des interprètes dans une création en danse contemporaine: « Les interprètes créent la danse: les rôles des interprètes lors du processus de création et les conséquences de type somatique-santé et socio-politique. » Pamela Newell. Université du Québec à Montréal, 2007.

– Une critique de Solitudes solo par Siobhan Burkefeb du New-York Times.

Chroniques du regard 2015-2016 – (Entre) de Philippe Lessard Drolet

Photo: Josué beaucage

Photo: Josué Beaucage

Un espace restreint est entouré de néant. Des éclairages, quelques objets et deux personnages y sont présents le temps d’un spectacle. Ils ont le temps d’y vivre et de présenter une variété d’interactions: entre les personnages et la technologie, entre les personnages eux-mêmes, entre les personnages et les objets. Parfois contrôlées, parfois aléatoires, parfois magiques pour le spectateur, ces interactions sont la clé de voute de (Entre), la plus récente production des artistes collaborateurs du Théâtre Rude Ingénierie (TRI).

Comme dans leurs productions précédentes, la scénographie interactive est à la base du travail (et des présentations) du TRI. Cette-fois-ci, ils incluent aussi la danse contemporaine comme matériau essentiel et fondateur au spectacle.

(Entre), c’est pour vous si vous aimez les jeux impliquant une interactivité entre le mouvement et la technologie.

(Entre), c’est pour vous si vous aimez l’univers de la danse théâtrale, visant la présence ludique des interprètes plutôt que la virtuosité technique.

(Entre), c’est pour vous si vous trouvez important d’encourager les productions d’artistes professionnels établis localement.

Les interprètes

Les deux interprètes, Josiane Bernier et Fabien Piché ont tous deux gradué du programme de formation professionnelle en danse contemporaine de L’École de danse de Québec en 2010. Depuis, les deux sont très actifs sur différentes scènes, autant dans l’univers de la danse que dans l’univers théâtral.

Josiane a récemment participé à différentes recherches et productions autant chorégraphiques que théâtrales (Les Incomplètes) et filmiques (Territoire), en plus de collaborer à l’élaboration du Bloc.danse, une plate-forme de recherche spontanée en danse contemporaine à Québec, une initiative visant la rencontre et l’exploration entre artistes de diverses disciplines.

Au cours des dernières années, Fabien a travaillé dans une foule de productions variées et a souvent été vu dans des productions de La Rotonde, dont Trois Paysages et Danse de Garçons. Il a aussi participé à un spectacle du Cirque du Soleil à Andorre ainsi que dans la production précédente du Théâtre Rude Ingénierie Notre Coney Island.

Ensemble, ils ont souvent travaillé sur les mêmes productions chorégraphiques, dont Osez (2010), Où tu vas quand tu dors en marchant? (2010 à 2015) et Bach, le mal nécessaire (2013).  Ils se retrouvent ici dans une production taillée sur mesure pour eux. Une production qui table sur une connivence déjà établie et sur leurs habiletés à jouer ensemble, autant lors des recherches préliminaires au spectacle que lors de la présentation de celui-ci. Leur participation au spectacle est loin d’être limitée à l’interprétation du produit final car, dès le début du processus (de la recherche et création jusqu’aux spectacles), ils ont dû et doivent continuer à interagir, souvent de manière ludique, pour créer les ambiances qu’ils souhaitent obtenir. C’est souvent par leurs manipulations d’objets ou par leurs placements dans l’espace, voire par l’amplitude de leurs mouvements, qu’ils mettent en jeu des variations de lumière et de sons pour les entourer et les accompagner dans la suite de leurs aventures.

Le spectacle

(Entre) pourrait être une installation autonome (en fait, il l’est un peu et les mécanismes peuvent en être facilement compris dès les premières minutes du spectacle) mais l’enjeu premier de cette machinerie est d’être habitée par deux personnages qui en feront varier les paramètres. Parfois de manière consciente et d’autres fois un peu à leur insu, les deux habitants de cet espace auront un impact sur ce qui se passe du côté de la lumière et du son. En plus de ces relations à l’aspect technologique du spectacle, ils auront des échanges personnels impactant leurs relations.

Créée en tenant compte des relations de travail et de camaraderie déjà établies entre les deux interprètes, la chorégraphie explorera un éventail de types de relations présenté dans une modulation de sons et d’éclairages. Dans une entrevue réalisée auprès de Philippe Lessard-Drolet, il déclarait que « la vie à deux sera vue dans un inventaire de différents dynamismes relationnels. » 

Qui est Philippe Lessard-Drolet?

Bachelier en études théâtrales (profil mise en scène) et membre fondateur du Théâtre Rude Ingénierie, il est sans cesse attiré vers la construction d’espaces ludiques et de «terrains de jeu scéniques». Toujours à l’affut de nouveaux outils, il favorise les rencontres (performatives et interactives) entre les humains et ses différentes machineries, qui incluent ses nombreuses conceptions vidéographiques et d’éclairage. Dans le cadre de (Entre), il porte une attention particulière aux relations humaines présentées sous forme de danse contemporaine.

Qu’est-ce que le Théâtre Rude Ingénierie ?

Compagnie de productions multidisciplinaires établie à Québec, elle mixe les techniques d’arts proches du bricolage, les nouvelles technologies et les arts populaires et actuels. Sous la férule de Philippe Lessard-Drolet, Bruno Bouchard et Simon Elmaleh, TRI utilise les techniques et disciplines comme outils et matériaux plutôt que comme des fins en soi. Leur pratique multidisciplinaire est sans cesse en quête de nouvelles corrélations entre les pratiques et, depuis sa création, le trio a collaboré à différentes productions théâtrales, ainsi que collaboré à plusieurs événements de danse, de musique et d’arts visuels. Une liste de leurs réalisations est ici.

Le spectacle (Entre), d’une durée d’environ 60 minutes, est présenté en codiffusion entre la Rotonde et le Mois Multi. Les deux diffuseurs ont trouvé ici une occasion sur mesure pour rassembler et faire se rencontrer deux types de clientèles proches. Pour fournir à tous (amateurs de danse comme de nouvelles technologies) une occasion de faire évoluer leurs connaissances et appréciations d’univers artistiques de plus en plus métissés.

Pour terminer, puisque ce spectacle  est un « projet local fait par des artistes de chez-nous! », j’en profite pour nommer tous les collaborateurs : Philippe Lessard-Drolet à la direction, aux éclairages et à la mise en scène; Simon Elmaleh à la composition musicale; Bruno Bouchard à la dramaturgie et Marilou Castonguay à la direction des répétitions.