La Rotonde
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L’atelier | De la ligne au geste, de la matière au corps Rolline Laporte

L’atelier | De la ligne au geste, de la matière au corps

L'atelier - Audrey Bergeron sur la photo de Rolline Laporte
Collaboration spéciale Mathilde Bois

Un atelier noir, le silence qui ronfle. Et puis soudain, des jets de vert, de fuschia, de rouge et de bleu se déploient sur cette page noire, s’assemblent, se modulent, puis se figent l’un à l’autre.

Dans cet atelier, quatre jeunes jouent à transformer la matière, ou plutôt leur corps, en outils plastiques, en gigantesques pinceaux qui traversent l’espace en laissant des traces qui ne perdurent que dans la mémoire des petits et grands curieux venus les observer. Le danseur n’est après tout que cet amas de trajectoires et oscillations sous forme latente, qui, tour à tour, jaillissent dans l’espace pour dessiner des points et des lignes, figeant cette énergie explosive en œuvre d’art. Après tout, qu’est-ce qu’une œuvre sinon le produit des coups du pinceau sur une toile? Et qu’est-ce qu’une danse sinon cette esquisse fugitive dans l’espace des gestes de l’artiste?

Dans un carré blanc sur fond noir, le corps des danseurs devient une masse tantôt ronde, tantôt informe, flottant sur un tableau vivant. Par ce dialogue entre la danse et les arts visuels, les œuvres prennent la parole, dépassent la frontière de leur pourtour et prennent vie, sombrant dans une folie brute avec leurs compères. Qui aurait cru qu’une simple tache était l’aboutissement de l’enchaînement de sauts, de tours, de chutes et de portées? Le geste diffus, fluide, agité, rigide devient aquarelle, gouache, gribouillis ou composition géométrique.

D’Yves Klein à Keith Haring, de Dubuffet à Magritte, le corps, modulable et malléable, se répand et éclabousse la scène. Du mouvement en pot, de la couleur éphémère : rien ne perdure sur ce tableau vivant: un claquement doigt et la toile retrouve sa vacuité originelle. Si chaque course, chaque saut avaient laissé une marque réelle dans l’espace, la scène aurait tôt fait d’être maculée par un enchevêtrement de lignes et de courbes aux parcours fabuleux.

Les épaules, les hanches comme le centre d’un cercle, les bras, les jambes comme ses rayons : qui aurait cru que toutes ces possibilités géométriques encore informulées sommeillaient dans nos membres? Le cercle s’étourdit, s’effondre sur lui-même : toute structure a disparu, nous voilà au-delà de la réalité elle-même. Les ombres de deux hommes sans tête dodelinent sur ciel ennuagé; un lapin à deux pattes parcourt un champ de marguerites surdimensionnées.

Au-delà du beau ou du laid, la création artistique devient l’acte de représentation de l’homme et de ses rêves, des lignes et de la matière. Dans cette gigantesque composition scénique, de surprise en surprise, la danse révèle l’essence des mots des arts visuels: symétrie, rythme, texture, matière.

Est-ce un passage de l’image à la danse ou du geste au statisme? Qu’est-ce qui possède le plus de réalité, la surface ou l’espace? Perspective, lentille, caméra, ombre : ce chassé-croisé entre mouvement dansé et arts visuels ne peut que vous pousser à franchir les limites du cadre de votre regard. Bienvenue dans L’atelier d’Hélène Langevin!

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