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Chroniques du regard 2014-2015 – Idiom et Ruminant Ruminant Frédéric Chais

Chroniques du regard 2014-2015 – Idiom et Ruminant Ruminant

14 janvier 2015

Programme double : IDIOM de Jennifer Dallas et Bienvenue Bazié (Kemi Contemporary Dance Project) et RUMINANT RUMINANT de Brice Noeser

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Photo: Frédéric Chais

 

Le spectacle, c’est quoi : ce sont deux duos indépendants l’un de l’autre, d’une quarantaine de minutes chacun. Ce sont quatre interprètes d’origines diverses qui vous feront voyager dans leurs créations, leur imaginaire et leurs processus créatifs.

C’est pour vous si vous aimez : accompagner pas à pas une danse en évolution (Idiom) ou en création devant vos yeux (Ruminant Ruminant).

C’est pour vous si vous voulez : suivre des artistes dans la démonstration claire de leurs savoir-faire (Idiom) et suivre des artistes dans les jeux et problèmes qu’ils s’imposent, tout en s’amusant sur scène (Ruminant Ruminant).

IDIOM est l’œuvre collaborative entre Jennifer Dallas, danseuse, chorégraphe, professeure et directrice artistique de la compagnie Kẹmi Contemporary Dance Projects basée à Toronto et le danseur burkinabé Bienvenue Bazié (notes biographiques ici).

L’œuvre présente les fruits d’une rencontre entre leurs mondes respectifs. Créée en 2011, elle métisse les codes gestuels en visant l’abolition des frontières afin de célébrer le langage physique dans son universalité et célèbre le plaisir qu’on peut y retrouver malgré les différences culturelles et sémiologiques.

Dans un espace ouvert (contrairement à leur collaboration précédente dont la scénographie était composée de bancs devenant frontières et barrières), les bases gestuelles de la rencontre sont simples. Sur une musique du compositeur John MacLean, la danse se construit par accumulation de détails et la construction chorégraphique est facile à suivre pour le spectateur.

Riches de multiples expériences de collaborations interdisciplinaires et interculturelles (en plus du Burkina Faso, la chorégraphe a aussi travaillé en Afrique du Sud, en Israël, au Niger et en Russie), les danses de Jennifer Dallas s’intéressent toujours aux interactions humaines et questionnent les conceptions du soi et de l’autre.

Ancré dans le phénomène contemporain de mondialisation, son corpus d’activités l’amène à explorer différents manières de partager amitiés et découvertes et à trouver différentes occasions et partenaires pour présenter ses créations. En tournée, la compagnie Kemi aura présenté le spectacle Idiom à Montréal ainsi qu’à Ouagadougou (Burkina Faso) et dans quelques villes ontariennes.

RUMINANT RUMINANT de Brice Noeser, est créé en collaboration avec Karina Iraola : danseuse-comédienne, interprète et chorégraphe montréalaise.

Dans une ambiance théâtrale et dénudée, la scène et la salle sont fortement éclairées. La présence des interprètes y est celle de gens normaux et naturels. Leurs actions le sont un peu moins.

Dans (et malgré) une structure très établie, la chorégraphie se créée devant les yeux du public car le spectacle comporte de nombreuses surprises. Pour les interprètes, cela inclut des jeux de tâches follement impossibles à effectuer, question de surcharger le cerveau, quitte à provoquer quelques courts-circuits. Pour le public, cela inclut un travail de décodage des informations offertes, qui sont souvent plus complexes qu’au premier abord, mais aussi parfois totalement gratuites.

Cela peut parfois être très amusant pour les interprètes comme pour le public mais aussi, à d’autres moments, un peu désorientant. C’est là la force et le potentiel écueil du travail de Brice Noeser. Selon le communiqué de presse de la Rotonde, les deux interprètes  «… jouent à creuser le vide, vider le plein et remplir les mots, les pensées et les mouvements de contraintes, de problèmes ou de sens. Ils réfléchissent à des stratégies pour s’encombrer, s’emmêler, surcharger leurs corps et leurs esprits de propos labyrinthiques et de nœuds dansés. Dans cette pièce, où il joue avec le concept du silence dans la parole et dans la danse, Noeser s’intéresse au sens et au non-sens des mots et des mouvements et s’interroge sur le langage pour tenter de comprendre et sonder l’être humain. »

Et selon le dossier de presse de TangenteRuminant Ruminant…  « ça ne parle pas de bovins, ça ne parle pas d’amour, ça ne parle pas anglais, par contre ça parle chez soi, en studio, sur scène. Ça parle de tout et de rien, ça danse aussi, ça peut même chanter… un festival de jeux et d’interactions qui s’apprivoisent, le temps de comprendre où ça s’en va ».  Pour se faire une idée encore plus précise, voir une courte entrevue effectuée lors du travail de création.

C’est avec les conseils artistiques de Catherine Tardif  que nous revient sur scène Brice Noeser. Lui qui présentait Farfadet’s Last Round durant la saison 2009/2010 de La Rotonde pour ensuite devenir interprète pour la chorégraphe Estelle Clareton dans Je ne tomberai pas – Vaslav Nijinski, S’envoler (présenté par La Rotonde en 2011), S’amouracher ainsi que dans une nouvelle production pour jeune public qui sera sur scène à l’automne.

Lui qui a aussi travaillé dans la nouvelle création Paradoxe de Danièle Desnoyers (Cie Le Carré des lombes) ainsi qu’avec Peter Quantz pour la compagnie Montréal Danse.

Le spectacle, composé de séquences et de gestes gratuits et décalés (mais le sont-ils vraiment?), est aussi inspiré de l’univers de différents créateurs tels les chanteurs Philippe Katerine et Serge Gainsbourg, et des univers présentés dans les spectacles récents Les Rois du Suspense de Grand Magasin et Germinal de L’amicale de Production présenté au Carrefour de Théâtre 2014.

Comme le notait un critique lors des premières représentations en décembre dernier, Brice Noeser est : « … un chorégraphe qui défie nos attentes à tout moment dans une pièce où l’on ressent une grande liberté».