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Corps à corps ; me perdre en toi | Critique d’Olivier Arteau-Gauthier à propos de Je suis un autre

Corps à corps ; me perdre en toi | Critique d’Olivier Arteau-Gauthier à propos de Je suis un autre

Je suis un autre, LORGANISME, photo Julie Artacho 3 light 614x549

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Olivier Arteau-Gauthier à propos de Je suis un autre: « Un des plus beaux spectacle de danse qui m’ait été donné de voir ». Voici sa critique!

Après avoir présenté sa pièce au OFFTA, à La Chapelle (deuxans de suite) et en France, Catherine Gaudet présente les 10, 11 et 12 avril 2014 à La Rotonde, sa pièce Je suis un autre.
Aux amateurs de ce que nous sommes.

L’arrivée au monde se fait en douceur. Des pieds (les pauvres, c’est dangereux de naître par cette extrémité du corps!) éclairés par un carré de lumière : ce huis clos, cette prison de l’identité que la vie nous contraint d’occuper. Leurs corps, désarticulés, qui traduisent une difficulté féroce d’arriver au monde, s’accompagnent de chignements enfantins magnifiquement réalisés. De là naît toute la tragédie : confinés à devoir évoluer ensemble, deux êtres cherchent à faire jaillir leur propre personnalité en étant constamment remis en question par la perception de l’autre. Catherine Gaudet signe ici une oeuvre universelle qui trouve toute sa raison d’être à travers l’art du mouvement.

Je suis un autre.
Je suis un autre.
Ce titre, que l’on ressasse cent fois à la sortie du spectacle, crée une forte résonance chez des jeunes (puisque je fais moi-même partie intégrante de cette génération) qui grandissent dans ce monde mitraillé par la quête de la performance. Quête du beau, quête du plus, quête du meilleur, quête de soi… Le rapport que nous avons avec les autres en deux mille quatorze est constamment modifié par la présence des médias sociaux, du vedettariat, de l’amour-fast-food qui nous oblige à changer. Changer pour devancer sa date de péremption ou pour simplement être aimé quelques jours de plus. (Notez ici la teinte d’ironie, procédé très tendance à l’heure qu’il est!) La chorégraphe aborde avec fougue, mais simplicité ce désir de plaire et de répondre aux exigences de son autre.

La complicité de Caroline Gravel et Dany Desjardins était essentielle à l’élaboration d’un spectacle qui trouve son aisance tant dans la forme que dans les états de corps. Constamment alimenté par le fond plutôt que la forme, le duo nous livre un mouvement brut, inhibé de toutes fioritures, qui peut parfois être quotidien ou profondément viscéral. À travers l’effort et la répétition, Gaudet nous laisse le temps d’apprivoiser cette proposition et tend à nous laisser emporter par l’empathie kinesthésique. Il va de soi que certains états de corps, si finement issus du réflexe émotif de chacun, laissent forger en soi quelque chose de transcendant.

L’utilisation de la parole et de théâtralité vient ajouter une bonne dose d’humour au spectacle. Encore une fois, les mots sont simples, originaires du langage courant, mais très évocateurs. Le débit et la force le sont tout autant. Le simple fait de parler normalement, de ne pas projeter, force le spectateur à tendre l’oreille pour entrer encore plus profondément, dans l’ultime vérité de Gravel et Desjardins.
Rien n’est scénique.
Rien n’est volontaire
et curieusement, tout émane de soi…

Catherine Gaudet a cette force de pouvoir faire émaner chez ses interprètes, une vérité.
Sa recherche sur les états de corps donne un résultat visiblement humain et tend à éviter l’éclat, l’esthétique esthétique.

Elle va chercher chez l’autre, tout ce qu’il faut pour traduire le moi.

Nul doute qu’elle soit l’une des chorégraphes les plus surveillées de sa génération.

À voir.

Vivement Au sein des plus raides vertues au FTA en mai prochain. Simplement.