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Momix : Danse avec la rage

Momix : Danse avec la rage

20 février 2013

Article de Frédérique Meichler, paru sur L’Alsace.fr, le 3 février 2013

«Le festival Momix s’est ouvert vendredi soir à l’Espace Tival avec un hommage à Stravinsky et aux Ballets russes, un Sacre du printemps mixé par un DJ d’une confondante modernité.

Le 23 mai 1913, la première à Paris du Sacre du printemps de Stravinsky, interprété par les Ballets russes de Diaghilev, provoque un énorme scandale. C’est une page de l’histoire universelle de la musique et de la danse qui s’écrit. Trop en avance sur son temps ? La chorégraphe québécoise Hélène Blackburn, fascinée par l’oeuvre de Stravinsky, voulait s’y atteler depuis plusieurs années. « Quand j’ai eu l’idée de travailler sur ce thème pour les ados, la jeunesse, j’ai su que j’étais sur la bonne voie », confie-t-elle, samedi soir dans le bar Tival, à la sortie de la représentation pleine de fougue de Variations S.

Un DJ et de très jeunes danseurs
Le 23 mai prochain, très exactement 100 ans jour pour jour après la création du Sacre à Paris, sa compagnie Cas public se produira en Équateur. Le public de Momix a eu le privilège de découvrir toute la résonance contemporaine de l’écriture musicale et chorégraphique de l’oeuvre, grâce à unea ppropriation à la fois fidèle et radicalement actuelle.

Sur scène, sept jeunes danseurs, trois filles, quatre garçons – ils devaient être huit mais une jeune fille s’est blessée récemment lors d’une représentation au Luxembourg – un DJ, Martin Tétreaut, qui s’empare de la partition de Stravinsky pour en restituer toute l’énergie, la sève, la force primitive. Le jeu des platines permet de mettre en lumière le caractère obsessionnel de la partition en isolant quelques-unes de ses fulgurances et en les installant dans une boucle répétitive jusqu’à l’abrutissement.

Pendant les cinquante minutes de la représentation, les danseurs se jettent avec furie dans la cérémonie païenne qui atteint parfois une violence inouïe. Que ce soit dans les solos, les duos ou les mouvements collectifs, on a affaire à une forme de rage, de volonté sauvage. On y retrouve des citations classiques et contemporaines mais aussi des bribes de langage hip-hop qui se coulent parfaitement dans le propos. Une prestation spectaculaire très physique où les interprètes donnent tout, au point parfois d’avoir besoin de crier. Quand ils s’arrêtent, on a le sentiment qu’ils sont allés au bout de tout ce qu’ils pouvaient donner.

Hier, toutes les propositions de Momix affichaient complet. De quoi réjouir son directeur Philippe Schlienger qui a rappelé, lors de l’ouverture, les valeurs et l’engagement intacts de cette manifestation culturelle. L’éducation artistique est au centre de la politique de l’enfance de la Ville de Kingersheim, le festival Momix en est un outil important. Il permet aux enfants et aux adultes de partager des émotions, des questionnements, du rire et des larmes.

Irrésistible Circo Ripopolo
Parmi les découvertes les plus réjouissantes de ce samedi, le délicieux spectacle du Circo Ripopolo, A Rovescio. Dans cette représentation de cirque très singulière, le spectacle ne se passe pas sous le chapiteau mais dans les coulisses, là où sont relégués les deux garçons d’écurie du cirque, Giancarlo et Gabriele. Après un premier contretemps – comment va-t-on caser 80 spectateurs dans un mini-cirque qui peut en contenir 20 ? –, les spectateurs sont invités à longer les bâches et à prendre place sur des gradins de fortune, à l’arrière du mini-chapiteau. Les retardataires auront droit à des vieilles chaises de jardin, un bidon en plastique, un morceau de planche sur une caisse… On a affaire à un cirque modeste, très modeste, où tous les accessoires ont été directement récupérés dans des bennes ou chez Emmaüs. Ce qui lui confère déjà un caractère très attachant.

Si, à l’intérieur du chapiteau, les vrais-faux numéros de cirque se déroulent loin des yeux des spectateurs – on en perçoit que la musique et les applaudissements préenregistrés –, nos deux comédiens vont se livrer à leur propre petit cirque et nous mener en barque très loin, plongeant parfois les spectateurs dans un état
de tension extrême. L’art consommé du suspense, ou plutôt de l’anticipation de la tragédie (la catastrophe annoncée, si vous préférez).

Les deux personnages, à l’image de Laurel et Hardy, se jettent des défis permanents et comptent les points. Le numéro de jonglage de patates se transforme très vite en dangereux concours de vitesse d’épluchage, le tour de magie avec bouchons atteint son paroxysme quand chacun des protagonistes en enfourne quatre dans la bouche (vous pouvez toujours essayer…).

Quant à l’extraordinaire numéro de domptage, il est assuré par Carlito, un adorable escargot qui parvient à faire tourner un rouleau de gros scotch sur un plan incliné. On ne vous dit pas comment « le fauve » finit son tour de piste, mais sachez qu’on n’a jamais autant ri à une cérémonie funèbre… Il y a beaucoup de poésie et de tendresse dans l’humour un peu noir de ces deux-là et en tout cas un sacré talent pour nous tenir en haleine avec trois petits riens.»

La Rotonde présentera Variations S les 21, 22 et 23 mars à la salle Multi à 20 h.
Il y aura aussi des représentations scolaires le 20 mars à 10 h et 13 h 30 et les 21 et 22 mars à 13 h 30.

 

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