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Archive for décembre 8th, 2011

Petit guide de lecture chorégraphique / Partie 1

S - Flak -José Navas - photo Michael SlobodianParfois, pour apprécier une œuvre d’art, il faut en connaître quelques codes. Dans le cas de la chorégraphie S, de José Navas présentée par la Compagnie Flak, la connaissance de quelques éléments esthétiques et aussi de quelques principes de composition chorégraphique pourront vous permettre de décoder plus facilement ce très beau spectacle, afin de mieux l’apprécier.

Le travail du chorégraphe

Une chorégraphie, ça ne nait pas tout seul, en s’organisant par magie, sans peine ni travail. Une fois le processus mis en branle (à travers une idée, un concept, une envie, …), le travail commence. Et c’est en studio qu’il se produit. Plusieurs manières de faire existent. L’une d’elle est de faire collaborer les interprètes à la mise au monde de la danse. Dans cette méthode, très fréquente en danse contemporaine, le chorégraphe propose aux interprètes des idées, des mises en situations, des mouvements ou même des séquences de mouvements élaborées par lui. Les interprètes répondent ensuite à ces stimulations en créant des mouvements dansés qui seront organisés par le chorégraphe. Les interprètes travaillent de manière très généreuse et les mouvements, générés par les eux, sont ensuite organisés afin que la danse puisse servir efficacement le propos de la création. Le travail du chorégraphe est de diriger les interprètes dans la bonne direction et de choisir les qualités de performance souhaitées, les vitesses d’exécution, les orientations, les mises en espace et les regroupements (entre autres!).

Petit guide de lecture chorégraphique

Partie 2 : Collaboration Chorégraphe-Interprètes
Partie 3 : Héritage Cunningham
Partie 4 : Le spectacle S
Partie 5 : À vous de jouer

S - Flak - José Navas - photo Michael Slobodian

 

Voir la page du spectacle S et Villanelle

Petit guide de lecture chorégraphique / Partie 2

S - Flak -José Navas - photo Michael SlobodianCollaboration Chorégraphe-Interprètes

Les séquences créées par les danseurs peuvent ensuite être raffinées, par l’interprète et le chorégraphe, et être transférées à un ou plusieurs autres interprètes. Les séquences dansées peuvent être multipliées, soit pour être dansées par un plus grand nombre d’interprètes simultanément, soit pour être répétées par le même danseur, en y incluant peut-être des variations. Ces séquences plus élaborées peuvent devenir partie d’un duo, trio ou chorégraphie de petit groupe. Dans l’organisation générale d’une chorégraphie de groupe, on retrouve habituellement des alternances de solos, trios, mouvements de petits groupes et mouvements d’ensemble, selon l’ordre qui convient au spectacle (cette décision revient au chorégraphe). Idéalement, quand cette méthode de collaboration chorégraphe-interprètes est utilisée, le programme de la soirée en fait mention en donnant le crédit de création autant au chorégraphe qu’aux interprètes.

Comme le relate la danseuse Manon Levac dans le texte « L’Interprète-créateur » (Cahiers de théâtre JEU 119, pp.45-50) : Participer à une création de José Navas, c’est mettre au monde une œuvre qui se crée en studio dans un échange soutenu entre le chorégraphe et les danseurs, dans une approche incitative aidant à allier l’émotif, l’intuitif et l’intellect. « Le danseur y est autorisé à moduler une matière brute, à y insuffler un peu de son savoir-faire, de ses goûts esthétiques et, surtout, à opérer des choix simples et efficaces. » Cette méthode de travail aide à déployer l’imaginaire en mouvements et le danseur peut injecter dans son interprétation des bribes de sa vie intérieure, de son expérience personnelle, en plus de mettre en œuvre ses habiletés techniques et son sens du mouvement. Mais, en dernier recours, il reste que c’est le chorégraphe qui a autorité de choix, écartant parfois une variation favorite par l’interprète ou alors préférant une variation que la personne qui la danse n’aurait pas gardée.

Petit guide de lecture chorégraphique
Partie 1 : Le travail du chorégraphe
Partie 3 : Héritage Cunningham
Partie 4 : Le spectacle S
Partie 5 : À vous de jouer

S - Flak - José Navas - photo Michael Slobodian

 

Voir la page du spectacle S et Villanelle

Petit guide de lecture chorégraphique / Partie 3

S - Flak -José Navas - photo Michael SlobodianHéritage Cunningham

Le spectacle que nous présente José Navas comprend la danse intitulée S, une chorégraphie abstraite. Celle-ci a été composée dans le silence. Elle ne comprend ni décors ni technologie élaborée. Elle met en scènes des danseurs dans toute leur (relative) simplicité, dans des costumes mettant en valeur la légèreté des mouvements et laissant voir la pureté des lignes. Dans ce travail, on retrouve une esthétique mise de l’avant par le chorégraphe américain Merce Cunningham (1919-2009). Ce chorégraphe, qui fut le lien vivant entre la danse moderne et le post-moderne a été un précurseur et un chercheur infatigable jusqu’à la fin de sa vie. Il a préconisé une rupture du lien entre la musique et la danse ainsi qu’une méthode de création utilisant souvent des éléments de chance et de hasards. Les créations de Cunningham étaient des chorégraphies abstraites, sans histoires, sans personnages, sans thèmes narratifs, souvent présentés dans une grande rigueur mathématique et dans une relation changeante et fluctuante entre la danse et ses composantes scéniques (éclairage, musique, décors et technologie de pointe).

Petit guide de lecture chorégraphique
Partie 1 : Le travail du chorégraphe
Partie 2 : Collaboration Chorégraphe-Interprètes
Partie 4 : Le spectacle S
Partie 5 : À vous de jouer

S - Flak - José Navas - photo Michael Slobodian

 

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Petit guide de lecture chorégraphique / Partie 4

S - Flak -José Navas - photo Michael SlobodianLe spectacle S

L’intérêt du spectacle de Navas passe par la beauté plastique des corps en action. On peut y apprécier l’articulation des squelettes (tout semble léger, sans efforts musculaires et les extensions se font toutes en douceur). La circulation des mouvements est portée par l’intériorité des interprètes. La respiration méditative emporte le danseur autant que le spectateur. Tout au long du spectacle, une grande place est laissée au silence. La danse comporte quelques rares changements de rythmes. L’accompagnement musical y est rare et fuyant et les pièces musicales d’Éric Satie sont courtes. La musique entre parfois comme au hasard, semblant rythmer la danse mais menant parfois une existence parallèle à celle-ci. Même, parfois, la musique existe brièvement sans la danse.

Dans les éclairages subtils, nous pouvons y apprécier la pureté des lignes et la qualité des arrêts sculpturaux. La charge spatiale arrive quand les danses sont multipliées par plusieurs danseurs mis en espace dans différentes orientations. Tout au long de la chorégraphie, Navas parvient à laisser respirer l’espace. Il y parvient à travers les quelques portés, les canons et variations, les mouvements de groupe en lignes, en trios croisés et en bancs de poissons. Parfois, la scène se vide complètement, nous laissant apprécier le silence, apprécier le vide.

Petit guide de lecture chorégraphique
Partie 1 : Le travail du chorégraphe
Partie 2 : Collaboration Chorégraphe-Interprètes
Partie 3 : Héritage Cunningham
Partie 5 : À vous de jouer

S - Flak - José Navas - photo Michael Slobodian

 

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Petit guide de lecture chorégraphique / Partie 5

S - Flak -José Navas - photo Michael SlobodianÀ vous de jouer

Pour le spectateur qui connait peu la danse contemporaine et qui a peur de s’y perdre, je lui propose un jeu. Celui de prendre le spectacle comme un jeu d’organisation dans lequel il lui sera intéressant de : (1) chercher les reprises d’une même série de mouvements, (2) observer l’effet de ces répétitions dans les différentes orientations spatiales, (3) observer les différences personnelles quand elles sont dansées simultanément par plusieurs interprètes à la fois, (4) observer les séquences de mouvements enchainées à elles-mêmes, ou répétées plusieurs fois par un même danseur, ou intégrées dans un duo ou un trio. Le spectateur peut aussi chercher la reprise d’un mouvement ou d’une section qui a évolué en changeant de rythme.

Le spectateur moins cartésien pourra, de son côté, se laisser porter par l’humanité de la danse et la sensibilité des interprètes. Laisser le chorégraphe et les interprètes tout simplement affirmer, comme le dit Navas en entrevue : «Ceci est mon instrument, c’est ainsi que je suis fait et je vais m’abandonner à travers la structure de cette chorégraphie.»

Petit guide de lecture chorégraphique
Partie 1 : Le travail du chorégraphe
Partie 2 : Collaboration Chorégraphe-Interprètes
Partie 3 : Héritage Cunningham
Partie 4 : Le spectacle S

S - Flak - José Navas - photo Michael Slobodian

 

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